Emmerson Mnangagwa lors d’un discours devant les membres de sonZimbabwe: Mnangagwa s’apprête à parti le Zanu-PF, le 22 novembre 2017 à Hararen / © AFP / MARCO LONGARI
Le nouvel homme fort du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa s’apprête à assurer la délicate succession du président Robert Mugabe qui laisse, après 37 ans de règne sans partage, un pays exsangue auquel l’ex-vice-président a promis des emplois.
Emmerson Mnangagwa doit prendre officiellement les rênes du pays vendredi, selon le président de l’Assemblée, Jacob Mudenda. Agé de 75 ans, le « crocodile », ainsi qu’il est surnommé pour son caractère inflexible, tient sa revanche, après sa tentative d’éviction par l’ex-Première dame Grace Mugabe.
Mercredi, quelques heures après son retour d’un bref exil sud-africain, M. Mnangagwa a réservé son premier discours public de futur président à quelques centaines de partisans enthousiastes réunis devant le siège du parti au pouvoir, la Zanu-PF.
« Aujourd’hui, nous sommes les témoins du début d’une nouvelle démocratie », a-t-il lancé, avant d’appeler « tous les patriotes du Zimbabwe (…) à travailler ensemble ».
« Nous voulons relancer notre économie, nous voulons des emplois », a promis M. Mnangagwa. « Je me fais le serment d’être votre serviteur », a-t-il assuré.
Robert Mugabe a laissé derrière lui une économie en piteux état, détruite par ses réformes dévastatrices. L’activité y tourne au ralenti, l’argent manque, le chômage frappe 90% de la population et le spectre de l’hyperinflation rode.
« J’étais presque en pleurs en écoutant notre nouveau président. Il m’a redonné l’espoir », dit McDonald Mararamire, un chômeur de 24 ans, « espérons que ses promesses se concrétisent ».
« Les dollars américains doivent revenir », affirme Talent Chamunorwa, qui travaille dans le bâtiment, en référence au manque chronique d’argent liquide qui étreint le pays.
« Ce que je désire ardemment, c’est que le camarade Mnangagwa, notre père, crée des emplois », a souhaité Munyaradzi Zovemhunu, 34 ans, contraint de vendre des fleurs pour vivre.
Dans le pays, tous ne partagent pas son optimisme et certains redoutent même que l’euphorie ne tourne à la gueule de bois.
– ‘Pas très propre’ –
Le départ de Robert Mugabe « est un soulagement mais il ne faut pas trop s’emballer pour le nouveau », a averti Patrick Moyo, un banquier de 38 ans, « n’oublions pas qu’il n’est pas très propre ».
Pilier de l’appareil sécuritaire zimbabwéen depuis quatre décennies, M. Mnangagwa s’est signalé comme le fidèle exécuteur des basses besognes de Robert Mugabe.
« Des dizaines de milliers de personnes ont été torturées, ont disparu ou ont été tuées » sous l’ère Mugabe, a insisté Amnesty International, appelant le pays à « renoncer aux abus du passé ».
Fidèle de l’ancien président et de son régime, ce héros de la guerre d’indépendance, plusieurs fois ministre, avait été sèchement remercié le 6 novembre dernier, sur injonction de la Première dame Grace Mugabe à qui il barrait la route de la succession de son nonagénaire de mari.
Il avait alors quitté le pays pour des raisons de sécurité.
Son éviction a provoqué dans la nuit du 14 au 15 novembre un coup de force de l’armée, catégoriquement opposée à l’arrivée au pouvoir de l’incontrôlable Grace.
Après avoir résisté plusieurs jours, Robert Mugabe a finalement rendu les armes mardi, alors qu’il était sous le menace d’une procédure de destitution lancée par son propre parti.
« Ma décision de démissionner est volontaire. Elle est motivée par ma préoccupation pour le bien-être du peuple du Zimbabwe et mon souhait de permettre une transition en douceur, pacifique et non violente », a écrit M. Mugabe dans sa lettre de démission.
Quelques heures après les manifestations euphoriques qui ont salué son départ, la population restait pleine d’espoir.
– ‘Adios Bob’ –
Aucun détail des négociations qui ont abouti à la chute de Robert Mugabe n’a filtré dans la presse locale, qui s’est contentée de saluer son départ à grand coup de titres chocs tels que « Adios Bob » ou « Adieu camarade président ».
Exil dans un pays « ami » ou retraite dorée au Zimbabwe ? Le sort de l’ex-couple présidentiel restait mercredi toujours mystérieux.
En lui retirant la présidence du parti dimanche, la Zanu-PF avait privilégié la première option. « Il mérite du repos », avait indiqué le porte-parole du mouvement, Simon Khaye Moyo, « mais je crois qu’il a dépassé les limites de l’hospitalité de la population ».
Le départ en douceur de Robert Mugabe, dernier dirigeant issu des guerres anticoloniales, a été salué dans les pays africains, où il disposait toujours de son aura de « libérateur ».
Le président de la Guinée et président en exercice de l’Union afraicain (UA), Alpha Condé, a apporté son soutien au futur président du Zimbabwe mais a souhaité que les prochaines élections, l’an prochain, y soient « démocratiques ».
« On doit respecter la démocratie, la démocratie c’est la volonté populaire », a déclaré M. Condé à Paris.
(©AFP / 23 novembre 2017 10h51)