« Nous sommes convenus d’assurer le suivi de ces discussions par le biais de discussions d’experts et nous allons poursuivre ce travail en mode bilatéral et avec les partenaires de la région, en concertation avec l’Union africaine, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et les Nations unies pour essayer de trouver des solutions à ces problèmes », a-t-elle ajouté. Pas question donc, du moins à court terme comme le souhaite la France, d’une intervention militaire au Mali. Et petite satisfaction pour les Algériens, pour qui cette visite permet de mettre fin momentanément au tête-à-tête entre Alger et Paris.
Un partenaire crucial
Pour Washington, qui a fait montre jusque-là de prudence concernant le dossier malien, « tout engagement (militaire – NDLR) doit être bien planifié, bien géré, bien financé et mené par des Africains », expliquait, sur RFI (Radio France internationale), Johnnie Carson, le Monsieur Afrique du département d’État américain. Et dans cette perspective, ajoutait-il, Washington « souhaite que l’Algérie puisse jouer un rôle positif et utile pour résoudre la crise malienne. Il est dans l’intérêt de l’Algérie d’incarner ce rôle, vu la longueur de la frontière qu’elle a en commun avec le Mali, la population qu’elle partage avec le Mali mais aussi les relations commerciales qui existent entre ces deux pays ». De ce fait, « l’Algérie étant l’État le plus puissant du Sahel, elle est devenue un partenaire crucial pour s’occuper d’Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) », elle « doit être au centre de la solution », confiait un collaborateur d’Hillary Clinton.
Alger, qui privilégie une solution politique à la crise malienne, pose comme préalable à une intervention militaire un plan de développement en faveur des populations du nord du Mali, un dialogue avec ceux qui se dissocieraient des djihadistes de l’Aqmi et du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad dans l’Ouest africain), à savoir les indépendantistes touaregs du MNLA (Mouvement de libération nationale de l’Azawed) et d’Ansar Eddine d’Iyad Gad Ghaly que les Algériens connaissent bien. Si le MNLA, qui avait proclamé prématurément l’indépendance du nord du Mali, avant d’être évincé par l’Aqmi, le Mujao et Ansar Eddine, veut revenir dans le jeu et négocier une autonomie du nord du Mali. Ansar Eddine, qui n’a jamais remis en cause l’intégrité territoriale malienne, et dont une délégation se trouvait récemment à Alger, serait favorable à un compromis négocié avec Bamako. Un point que partagent les États-Unis, qui n’excluent pas non plus qu’Ansar Eddine fasse partie d’une solution de sortie de crise. Alors que, pour Paris, il n’est pas question de discuter avec ce groupe se réclamant de l’islamisme, qualifié par Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, de « faux nez » d’Aqmi dans le nord du Mali.
Bien que considéré comme un acteur incontournable dans le règlement de la crise malienne, Alger ne dispose que de peu de temps pour faire prévaloir sa solution. La résolution votée au Conseil de sécurité sur la crise malienne le 13 octobre donne un délai de quarante-cinq jours au gouvernement malien et aux rebelles touaregs pour trouver une solution politique. D’ici là, rien ne dit que les choses vont évoluer dans le sens souhaité par l’Algérie quand on sait que l’Aqmi et ses alliés ont reçu des renforts de djihadistes libyens, égyptiens, tunisiens et soudanais, via la Libye, et sont déterminés (du moins en paroles) à en découdre. En outre, la secrétaire d’État américaine sait que les autorités algériennes sont dans une position quelque peu intenable à la longue. S’il n’est pas question pour elles de prendre part à une intervention militaire aux conséquences imprévisibles, voire d’être en première ligne, ni de permettre le stationnement de forces étrangères sur leur territoire, il n’en demeure pas moins qu’elles ne peuvent permettre que le nord du Mali devienne une sorte de « Malistan », à savoir tolérer l’installation d’un foyer djihadiste à leur frontière sud.
touareg contre l’intervention Dans un entretien publié hier par le quotidien algérien arabophone Elkhabar, le chef touareg Mahmoud Guemama, élu de Tamanrasset, région frontalière avec le nord du Mali, s’est prononcé contre une intervention militaire étrangère dans ce pays voisin. « Ce que demandent les États-Unis et la France va causer beaucoup de problèmes, et nous, dignitaires de l’Ahaggar (région des Touaregs algériens), demandons à l’Algérie de continuer à s’opposer à une intervention militaire étrangère et à privilégier le dialogue », a-t-il déclaré. « L’intervention étrangère au Mali a des objectifs coloniaux et c’est l’Algérie qui est visée par la crise au nord du Mali », a-t-il assuré.
Hassane Zerrouky
L’Humanite.fr 31/10/2012