A l’annonce de la destitution de Mohamed Morsi, le président islamiste élu en juin 2012, l’ensemble des capitales occidentales ont fait part de leur préoccupation. Le président américain Barack Obama s’est dit inquiet mais s’est refusé à parler de coup d’Etat.
C’est que pour les Etats-Unis, parler de coup d’Etat impliquerait un changement majeur de sa politique et une remise en cause de son partenariat privilégié avec le plus grand pays arabe.
Camp David
En 1979, le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin – dont les deux pays étaient en état de guerre depuis trente ans -, signent un accord de paix historique à Camp David, près de Washington. L’accord, paraphé sous l’égide des Etats-Unis, assigne à l’Egypte un rôle particulier, celui de favoriser la paix dans la région, et notamment de garantir la sécurité d’Israël, l’allié de Washington.
En échange, il est convenu que les Etats-Unis fourniront une aide militaire et économique à l’Egypte. Aujourd’hui, cette aide s’élève à 1,3 milliard de dollars de soutien militaire et à 250 millions de dollars d’aide économique. Or, si les Etats-Unis reconnaissaient le coup d’Etat, ils devraient retirer cette aide, comme le prévoit la législation américaine. Ce serait casser l’accord stratégique entre les trois Etats, Egypte, Israël et les Etats-Unis.
Réexamen de l’aide américaine
Sur le papier, l’aide américaine est un outil de pression formidable pour Washington. En effet, le président américain a lancé mercredi 3 juillet un signal aux militaires, en annonçant qu’il avait demandé aux services compétents à Washington de réexaminer les conditions de cette aide.
Un moyen d’inciter les officiers à se dépêcher de remettre le pouvoir aux civils. Fin 2011, cette aide avait failli être suspendue car l’Egypte tardait à mettre en route le processus de démocratisation. Mais en mars 2012, Hillary Clinton, qui était alors secrétaire d’Etat, garantissait de nouveau le versement des aides militaire et économique car l’Egypte, disait-elle, remplissait à nouveau ses obligations aux termes du traité de paix avec Israël.
Cet outil de pression a cependant des limites. Beaucoup doutent que cette suspension de l’aide puisse vraiment avoir lieu. A l’image du Pakistan, à qui l’aide militaire américaine est accordée en échange de ses bons services dans la lutte contre le terrorisme en Afghanistan, les Etats-Unis ont trop besoin de l’Egypte. Washington compte sur une armée et un Etat forts pour garantir la stabilité de la région.
Rôle d’acteur régional majeur
Mais surtout, elle a besoin que l’Egypte se renforce pour qu’elle puisse à nouveau jouer pleinement son rôle d’acteur régional majeur. Dans son projet de relance des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens ainsi que pour la résolution de la crise en Syrie, les Etats-Unis aimeraient pouvoir compter sur l’Egypte.
Mais il s’agit de savoir si, quatre ans après le discours du Caire en 2009, la voix de l’Amérique est encore audible en Egypte. Depuis la révolution, son image s’est très fortement détériorée dans l’opinion. Il est loin le temps où Hillary Clinton, l’ancienne secrétaire d’Etat américaine, se baladait sur la place Tahrir sous les hourras de la foule. C’était en mars 2011.
Entre-temps, les Etats-Unis se sont rangés derrière Mohamed Morsi et son gouvernement islamiste. De son côté, la population n’avait pu constater que la détérioration de la situation économique du pays. Le chômage et la pauvreté ont augmenté et le secteur du tourisme est exsangue depuis deux ans.
Jets de tomates et d’oeufs
Quand Hillary Clinton revient au Caire en 2012 pour saluer l’élection de Mohamed Morsi, elle est accueillie avec des jets de tomates et d’oeufs. On reproche à l’administration américaine de ne pas avoir soutenu le peuple, qui continue de faire face à la répression policière lors des manifestations. La population, qui est redescendue dans la rue ces derniers jours, a obtenu la chute du président Mohamed Morsi.
Pour les Etats-Unis qui ont soutenu le chef de l’Etat islamiste, il sera difficile de restaurer leur image. Les opposants qui nourrissent les manifestations leur reprochent d’avoir affaibli la révolution. De fait, la présence américaine dans le pays est de moins en moins facile.
Un ressortissant américain a été tué la semaine dernière dans des heurts à Alexandrie. Et mercredi, Washington a appelé le personnel non essentiel de son ambassade à quitter le pays. Cette même ambassade qui avait été attaquée par des manifestants salafistes en septembre 2012.
rfi.fr
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