Les géniteurs de la nouvelle loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale le mois dernier, ont tout simplement sapé certains de ses acquis, et non les moindres. Il s’agit, entre autres, de la suppression dans le Préambule de la référence aux idéaux du 26 mars 1991 et de l’affaiblissement de la Cour constitutionnelle. Un véritable crime contre la démocratie!
Nous avons relevé, lors du débat télévisé de l’ORTM sur la loi constitutionnelle, que le Pr Abdoulaye Diarra, sans donner beaucoup de précisions, avait parlé d’un débat qui a eu lieu en août 1991 au Centre islamique d’Hamdallaye à la Commission constitutionnelle. Il a mis l’accent sur le fait qu’une opposition s’était élevée, ce jour-là, contre l’avant-projet de Constitution présenté par le Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP). Après ce débat, votre bihebdomadaire préféré a voulu approcher le Pr Diarra pour de plus amples informations sur ces questions, en vain. Qu’à cela ne tienne, 22 Septembre, sans se décourager, a mené sa petite enquête autour de ces questions. Le résultat est sans appel.
Le peuple malien a été trahi par les géniteurs de cette nouvelle Constitution. Car, selon nos sources, lorsqu’à la Commission constitutionnelle une majorité importante a demandé d’intégrer la Cour constitutionnelle à la Cour suprême, pour en devenir une Section, comme sous la 2e République, quand le Président de la Conférence nationale, Amadou Toumani Touré, à l’époque, en a été informé, il a demandé l’avis de l’assemblée. Et là, nos sources nous indiquent qu’une grande majorité a décidé du maintien de la Cour constitutionnelle en tant qu’institution à part entière.
Qui s’était opposé au texte du CTSP? Et pourquoi? Il serait souhaitable de savoir, aujourd’hui, quels sont ceux qui se sont opposés au texte du CTSP, composé de l’ensemble des forces démocratiques de notre pays à l’époque? Cette question est d’autant plus importante qu’on remarque aujourd’hui un affaiblissement des compétences de la Cour constitutionnelle, notamment en matière électorale. Alors question: doit-on conclure à une revanche?
Nous ne comprenons pas non plus le retrait dans le Préambule de la référence faite aux idéaux du 26 mars 1991. Y a-t-il là une volonté de s’en détourner? Loin de nous l’intention de minimiser le sacrifice des martyrs du colonialisme. Mais pourquoi, dans ce préambule, ne pas faire référence à tous nos martyrs? Aucune loi n’interdit cela. Cela nous renvoie également aux débats au cours desquels un membre du Comité d’Appui à la Réforme Institutionnelle (CARI) aurait dit «la révolution n’a pas commencé seulement à partir de 1991». Est-ce à dire que les membres du CARI viennent remettre en cause les martyrs du 26 mars 1991, au nez et à la barbe du héros du 26 mars ?
Toutes choses qui confortent ceux qui pensent que cette nouvelle constitution est un coup d’Etat contre la démocratie malienne et qu’elle constitue un recul. Pourtant, les géniteurs de cette très controversée constitution n’ont hésité à y fourrer une référence à la Charte de Kurukan Fuga, en expliquant que les valeurs affirmées dans ce texte sont compatibles avec la démocratie républicaine.
Nous relevons également que la nouvelle constitution dote notre pays de deux chambres parlementaires, au lieu d’une jusqu’à là. Là aussi, lors de la Conférence nationale, le peuple souverain du Mali, qui venait de sortir d’un régime dictatorial, s’était opposé à la création d’un Sénat, vu son coût pour notre pays. Là n’est pas le seul problème.
Avec la nouvelle constitution, l’on passe d’une constitution rigide à une constitution souple. Une constitution rigide est très formalisée et sa révision passe nécessairement par un référendum, c’est-à-dire le vote du peuple souverain. La constitution souple peut être révisée par les représentants du peuple, l’Assemblée nationale et le Sénat, réunis en Congrès. Pour qui sait comment les lois sont votées à l’Assemblée (considérée par certains comme une simple chambre d’enregistrement), cela veut dire qu’un président pourrait un jour changer de constitution comme de chemise. Et l’on veut nous faire croire qu’on ne change pas de République.
Qu’est-ce qui le montre dans ce texte, si ce n’est le dernier amendement des députés qui stipule que «la présente loi constitutionnelle n’emporte pas novation de République»? Prenons l’exemple de la Constitution française de 1958. Elle a été révisée à plusieurs reprises, mais elle a toujours gardé ses 89 articles. Dans notre cas, les experts ont même réduit le nombre d’articles de la constitution du 25 février 1992. Le débat est loin d’être clos…
Youssouf Diallo
Le 22 Septembre 05/09/2011