VOL DE BÉTAIL Un crime organisé qui coûte annuellement au Mali plus de 3,6 milliards par an

Le Mali a recensé en 2021 près de 130 000 têtes de bétail volées. Un chiffre qui dépasse les totaux de 2018, 2019 et 2020 combinés, selon un document du gouvernorat de Mopti mentionné dans une étude sur le fléau. Le vol de bétail constitue l’une des principales entraves au développement de l’élevage en Afrique de l’Ouest, notamment dans le Sahel où le fléau est devenu une source de financement pour les organisations terroristes. Ce crime organisé a coûté à notre pays plus de 18 milliards de F CFA (en sept ans) essentiellement empochés par les Groupes armés terroristes (GAT).

 

En Afrique de l’Ouest, particulièrement au Sahel, le vol du bétail est devenu un phénomène complexe qui transcende les frontières et qui nécessite des actions au niveau national et international en termes de politique publique, d’aspects juridiques et en terme technique. Ce crime organisé est devenu une source de financement majeure pour les Groupes armés terroristes (GAT). En effet, en Afrique de l’Ouest, le vol de bétail a désormais pris la forme d’une activité criminelle nationale et sous-régionale. Au cours de la dernière décennie, ce fléau est ainsi passé d’une forme relativement non violente (impliquant le vol d’un petit nombre de bovins, de petits ruminants et d’équidés) à un crime organisé à grande échelle.

«Le vol de bétail est indissociable de l’instabilité et de la dynamique des conflits. À mon avis, la communauté internationale, les autorités étatiques et la société civile devraient sans tarder intégrer le vol de bétail dans leurs analyses de la dynamique des conflits, en reconnaître l’importance dans une économie conflictuelle, et en faire une composante à part entière de toute initiative visant à renforcer la stabilité dans les pays ouest-africains», a déclaré M. Djakalia Ouattara, Directeur national des productions et des industries animales au Mali, lors d’un atelier régional de réflexion organisé à Saint-Louis (Sénégal) par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) du 3 au 4 décembre 2024.

Bien qu’il soit difficile de déterminer combien d’argent les djihadistes gagnent en volant du bétail, les analystes estiment qu’ils s’emparent de bêtes valant des dizaines de millions de dollars par an. Selon Dr Lionel Gbaguidi, fonctionnaire chargé de la santé et des productions animales au bureau sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’Ouest, les pertes annuelles dues au vol de bétail sont estimées à 432 millions de dollars au Nigeria, 32 millions de dollars (18 416 000 000 F CFA) au Mali entre 2016 et 2022, et 3,2 millions de dollars par an au Sénégal.

 

3ᵉ fléau après le trafic d’armes et l’enlèvement contre rançon

Les bénéfices nets tirés du vol de bétail dans un district de la région de Mopti (sous l’influence des djihadistes) sont estimés à environ 730 000 dollars (420 115 000 FCFA) en un an, selon le rapport d’une organisation onusienne.  Au Burkina Faso voisin, où la violence fait aussi rage depuis 2016, les djihadistes peuvent gagner 50 000 dollars (28 775 000 FCFA) par mois grâce aux vols de bétail dans des régions telles que le Sahel, le nord et le centre-nord, où ils opèrent.

«Le vol du bétail est un fléau qui gangrène le secteur de l’élevage. Des offres de solutions sont là avec des échanges de technologie avec le Mali. Il faut des solutions innovantes, parce que le vol de bétail est un mal qui est là, malgré le vote de la loi pour sa criminalisation et malgré des tentatives de dissuader les voleurs», a déploré Dr Astou Fall, Coordonnatrice de la Cellule de lutte contre le vol de bétail (CLCVB) du ministère sénégalais de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage, lors d’une rencontre organisée par l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis (Sénégal) sur le fléau.

En termes d’économie illicite, le vol de bétail (22 %) constitue en Afrique de l’Ouest le 3ᵉ fléau après le trafic d’armes (56 %) et l’enlèvement contre rançon (39 %). Il devance donc le commerce illicite (20 %) et le commerce illicite de pétrole (20 %). Selon les données de la FAO, au Sénégal, les éleveurs perdent annuellement 3,2 millions de dollars américains, soit deux milliards de FCFA à cause de cette pratique. En moyenne, cela représente 22 000 à 30 000 têtes de bétail (bovins, ovins, caprins et équidés) par an. Si le phénomène reste préoccupant au Sénégal, il l’est davantage dans les autres pays de la sous-région.

Au Mali, par exemple, entre 2019 et 2022, le nombre d’animaux volés a atteint le chiffre record de 887 250 têtes de bovins et 446 000 petits ruminants, soit 6,4 millions de dollars par an (près de 3 683 200 000). La situation est encore plus critique au Burkina Faso avec 8 millions de têtes volées entre 2017 et 2021. Il l’est davantage au Nigéria avec le chiffre astronomique de 432 millions de dollars en 5 ans, selon les estimations faites par l’Association des éleveurs de bétail Miyetti Allah du Nigéria (MACBAN). Compte tenu du fait que l’élevage joue un rôle central dans l’économie des pays de l’Afrique de l’Ouest, il faudra agir en urgence pour enrayer ce fléau !

Moussa Bolly