Depuis quelques semaines à Paris, une exposition sur le pharaon Toutankhamon suscite des protestations de militants afrocentristes. Ceux-ci maintiennent que l’exposition nie le fait que le pharaon aurait été Noir. Bien que les égyptologues d’aujourd’hui ne croient pas que Toutankhamon ait eu la peau noire, l’origine des Égyptiens de l’Antiquité est au cœur de débats scientifiques et politiques depuis des décennies.
Dès son inauguration à la Grande Halle de la Villette à Paris, l’exposition Toutankhamon : le trésor du pharaon a attiré des manifestants de la Ligue de défense noire africaine (LDNA). Ceux-ci critiquent aussi la diffusion récente d’un documentaire sur l’Égypte antique, sur la chaîne de télévision France 2.
Leur argument : ces œuvres ne mettraient pas assez en évidence l’aspect africain de la civilisation égyptienne antique. « C’est la falsification de l’histoire africaine, le blanchiment de l’histoire, et dans cette dynamique-là, il y a le blanchiment de la civilisation égyptienne », affirme le militant de la LDNA Émilien Missuma.
On veut qu’ils sachent que les pharaons n’étaient ni Blancs ni Sémites. Les pharaons étaient Noirs africains.
De l’autre côté, la plupart des égyptologues déplorent ce discours, et soulignent que les connaissances actuelles ne permettent pas d’affirmer que les Égyptiens de l’Antiquité étaient en majorité Noirs.
Pour soutenir leurs dires, certains militants suggèrent que les nez des statues de l’époque auraient été volontairement brisés pour cacher leur apparence africaine.
« On n’affirme pas, on se pose des questions, dit Émilien Missuma. Comme par hasard, toutes les statues endommagées ont tout le temps un nez cassé. Il y a de quoi se poser des questions. Pourquoi, ce ne sont pas les oreilles, pourquoi ce n’est pas la mandibule, pourquoi ce n’est pas le menton? Pourquoi c’est tout le temps le nez? »
Comme bien des égyptologues, l’expert montréalais Jean Revez croit que ces théories ne tiennent pas la route. « Je ne pense pas qu’on puisse généraliser à partir de quelques cas de nez cassés », dit cet expert de l’Égypte pharaonique et professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « C’est effectivement une partie assez exposée et proéminente d’une statue et qui donc, lors d’un choc, est amenée probablement à se briser plus facilement. »
Parmi les autres arguments des militants qui critiquent cette exposition, certains avancent que le nom ancien de l’Égypte, soit « Kemet », signifierait « noir », ce qui selon certains experts caractériserait plutôt la couleur de la terre du pays que de ses habitants. D’autres soulignent que des peintures antiques représentent les hommes égyptiens avec une peau foncée. Là encore, les égyptologues expliquent que ces couleurs ne seraient que symboliques.
Malgré tout, les militants comme Émilien Missuma demeurent sceptiques. « Nous, on respecte la science, maintient-il. Si la science vient démontrer que les pharaons sont Blancs, on va l’accepter bien sûr. Mais ce n’est pas ce que la science démontre. »
En fait, la science autour de l’origine des pharaons est complexe et elle continue d’évoluer.