Vive protestation des jeunes et des femmes à Kidal


Selon des autochtones que nous avons contactés par téléphone, hier mercredi, c’est une impressionnante foule qui s’est retrouvée au centre ville, vers 6 heures 30, devant l’immeuble de feu Abdoul Salam Ag Assalat. Le cortège s’est ensuite ébranlé vers le quartier d’Aliyou, où réside Intallah Ag Attaher, plus communément appelé le «Vieux Intallah» , non moins père du député Alghabass Ag Intallah. Comme pour lui demander d’épauler les Kidalois dans leur lutte.

Il faut, au passage, noter que, contrairement à ce qui a été entendu ces derniers temps, le très respecté «Vieux Intallah», même après la prise de Kidal, a gardé sa notoriété et n’a jamais fait de concessions, ni au MNLA ni au islamistes de Asar Dine. Ce ne n’est pas le cas de son fils Alghabass, qui est devenu l’un des bras droits d’Iyad Ag Aghaly alias Abou Fadil (son nom de guerre).

C’est donc une marée humaine qui, tout au long du parcours, a scandé des slogans hostiles aux occupants. Selon les différents témoignages recueillis, les jeunes ont enfreint «les règles de la Charia» imposées par la police islamique, telles que ne pas fumer dans la rue. Les femmes, de leur côté, ont laissé tomber le voile. «Une chose inimaginable il y a quelques jours. Mais, cela ne m’étonne pas, car si on défend aux gens de se retrouver autour du thé pour causer des problèmes actuels, alors qu’il n’y a aucune activité en ville, il faut s’attendre à de telles protestations. Des jeunes femmes sont chefs de familles et on les empêche de s’adonner aux activités qui peuvent leur faire gagner de l’argent. C’est un réflexe de survie…», nous a confié un habitant de Kidal que nous avons joint par téléphone.

Selon toujours notre source d’information, la marche a pris fin sans qu’aucun membre du MNLA ou surtout d’Ansar Dine ne vienne perturber les marcheurs. Pourtant la veille, c’est-à-dire le mardi 5 juin, l’ambiance était autre. Des femmes, parmi les quelques trois cent manifestants, conduites par Aminatou Walett Bibi, la sœur du député d’Abéïbara Ahmada Ag Bibi, ont été sérieusement molestées par la police islamique. Aux cravaches d’Ansar Dine, les femmes ont répondu par des jets de pierre, obligeant les hommes d’Iyad à effectuer un repli tactique vers leur QG.

Un peu plus tôt, vers 7 heures, c’était au tour des jeunes de se signaler. Très en colère contre les islamistes qui contrôlent la ville depuis fin mars, ils ont sorti des banderoles hostiles à Aqmi et à Ansar Dine et affiché, à travers les haut-parleurs, leur préférence pour le Mnla.

Au-delà de ces manifestations, dont une autre est programmée pour ce matin, il faut comprendre que la guerre du contrôle de Kidal entre le MNLA (qui orchestre tous les mouvements de protestation, même si cela ne se dit pas) et Ansar Dine ne fait que continuer. Et le semblant d’accord signé, il y a peu, entre les deux parties, n’a pas arrangé les choses. D’ailleurs, sur l’un des nombreux sites internet que le MNLA utilise pour faire sa propagande, un de ses membres n’a pas manqué de laisser éclater sa colère. «Ce matin, de bonne heure, nous étions heureux car l’accord de la honte entre le MNLA et Ansar Dine vivait ses dernières heures.

Nous étions encore plus fiers après qu’on ait obtenu des informations selon lesquelles certains membres du MNLA allaient faire en sorte que ce mouvement et l’ensemble de l’Azawad ne soient plus pris en otage par quelques individus aux compétences et aux visions très limitées. Ce rejet était une fierté personnelle, car nous avons été les premiers Azawadiens à le rejeter. Plus important que cela, les démocrates du MNLA, comme Nina Wallet Intalou et Son Excellence Hama Ag Mahmoud ont opposé un «non» catégorique à cet accord signifiant la mort du MNLA. Mais, encore plus important que tout cela, la société Azawadienne, dans sa totalité – des cadres et intellectuels aux jeunes et étudiants, en passant par les femmes et les réfugiés – a clairement rejeté cet accord de la honte qu’a voulu imposer un groupe de personnes… Nous avons vécu le mardi noir de l’Azawad. Nous n’avions jamais vu auparavant ce qui s’est passé. Des hommes touaregs qui frappent avec des bâtons des femmes touaregs, dont des vieilles qui peuvent être leurs mères.

J’ai vu Haroune Ag Saghid (ndlr: un islamiste de Kidal) frapper une vieille… Les femmes de Kidal avaient dit que jamais elles n’accepteraient de porter de burqa à Kidal. Elles ne pouvaient plus accepter qu’on les empêche d’aller au travail et de faire leur commerce. Pour faire court, elles n’accepteront pas le diktat des obscurantistes d’Ansar Dine. C’est pour cela, qu’avec des hommes et des enfants, elles ont manifesté, pour demander aux islamistes et aux obscurantistes de quitter Kidal une fois pour toute, car ni eux, ni leur idéologie n’y sont pas les bienvenus».

Entre les deux ennemis frères, la guerre est certainement ouverte. Cependant, il faudra faire très attention, car ils ont combattus tous les deux le Mali.

Paul Mben

Le 22 Septembre 07/06/2012