Vu la Loi N0°10 du 5 mars 2002 modifiée par les Lois organiques N°03-001 du 7 Février 2003 et N005-003 du 25 Janvier 2005 fixant le nombre, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, les conditions de remplacement des membres de l’Assemblée Nationale en cas de vacance de siège, leurs indemnités et déterminant les conditions de la délégation de vote;
Vu le Décret N°94-421 / P-RM du 21 Décembre 1994 portant organisation du Secrétariat Général et du Greffe de la Cour Constitutionnelle;
Vu le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle en date du 28 Août 2002;
Vu le Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale (4ème Législature 2007- 2012) en date du 14 Octobre 2011;
Vu le Procès-Verbal de la séance plénière de l’Assemblée Nationale du Lundi 3 Septembre 2007 et jours suivants consacrant l’élection de Monsieur Dioncounda TRAORE en qualité de Président de l’Assemblée Nationale;
Vu l’Arrêt N°2012-001 /CC/Vacance du 10 Avril 2012 de la Cour Constitutionnelle;
Vu la demande d’avis N°298/PAN-SG du 29 Mai 2012 de Monsieur le Premier Vice-président de l’Assemblée Nationale, assurant l’intérim du Président de l’Assemblée Nationale;
Sur la recevabilité de la demande d’avis:
Considérant que Monsieur le Premier Vice-président de l’Assemblée assurant l’intérim du Président de l’Assemblée Nationale, a, par la demande d’avis précitée, saisi la Cour Constitutionnelle sur la vacance de la Présidence de l’Assemblée Nationale et sur l’élection du nouveau Président;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 85 alinéa 2 de la Constitution, la Cour est l’organe régulateur du fonctionnement des Institutions et de l’activité des Pouvoirs Publics;
Considérant que le Premier Vice-président a qualité pour saisir la Cour, conformément aux dispositions de l’article 17 alinéa 1 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale;
Qu’il s’ensuit que la demande d’avis est recevable.
Sur l’objet de la saisine:
Considérant que le Premier Vice-président de l’Assemblée Nationale expose en substance:
« … Suite à la crise politique et institutionnelle survenue le 22 mars 2012, le retour à une vie constitutionnelle normale, y compris le fonctionnement régulier des institutions de la République, a été déclaré le 1er avril 2012. Il s’ensuivit l’Accord-cadre signé entre le Comité de Redressement de la Démocratie et de Restauration de l’Etat (CNRDRE) et la CEDEAO le 06 avril 2012, qui stipule en son article 4 que le «Président de l’Assemblée Nationale est investi par la Cour Constitutionnelle comme le Président de la République par intérim, avec comme mission l’élection présidentielle dans un délai constitutionnel de 40 jours».
En application de l’article 36 de la Constitution du 25 février 1992 et des dispositions de l’Accord-cadre, la Cour Constitutionnelle a investi le Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Dioncounda TRAORE, comme Président de la République par intérim par l’arrêt N02012-001/CC/Vacance du 10 avril 2012.
Au terme de la période d’intérim de 40 jours, un Accord politique est intervenu entre les parties prenantes pour proroger le mandat du Président durant une période de Transition de douze (12) mois.
Aussi, le bureau de l’Assemblée Nationale, se fondant sur cet arrêt cité ci-dessus et les Accords politiques conclus en vue de la poursuite de la Transition, a constaté, lors de sa réunion du lundi 28 mai 2012, que le poste de Président de l’Assemblée Nationale est vacant, conformément à l’article 17 alinéa 2 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.
A cet effet, le bureau de l’Assemblée Nationale a estimé qu’il faut procéder dans les meilleurs délais à l’élection d’un nouveau Président.
Le bureau de l’Assemblée Nationale serait très reconnaissant à la Cour Constitutionnelle de bien vouloir lui donner son avis sur cette question…».
Considérant que le Premier Vice-président assurant l’intérim du Président de l’Assemblée Nationale fait valoir que le bureau de l’Assemblée Nationale a constaté, lors de sa réunion du 28 Mai 2012, la vacance de la Présidence de l’Assemblée Nationale suite à l’investiture, le 10 avril 2012, du Président de l’Assemblée Nationale comme Président de la République par intérim et a décidé d’élire un nouveau Président; qu’avant de procéder à ces formalités, le bureau de l’Assemblée Nationale entendait requérir l’avis de la Cour Constitutionnelle.
Considérant qu’aux termes de l’article 63 de la Constitution, une loi organique détermine d’une part: le nombre des membres de l’Assemblée Nationale, leurs indemnités, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités»;
d’autre part: «les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance de siège, le remplacement des députés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée Nationale».
Considérant que l’article 68 de la Constitution dispose:
«L’Assemblée Nationale établit son règlement intérieur. Le Président de l’Assemblée Nationale est élu pour la durée de la législature ».
Considérant qu’en application de l’article 63 de la Constitution, la Loi organique N°010 du 5 mars 2002 a fixé le nombre, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, les conditions de remplacement des membres de l’Assemblée Nationale en cas de vacance de siège, leurs indemnités et a déterminé les conditions de la délégation de vote.
Considérant que cette Loi organique dispose en ses articles 6 (alinéa 2) et 7:
Article 6 alinéa 2: «Tout député qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouverait dans un cas d’incompatibilité, doit opter, dans un délai de trente jours, entre sa fonction et son mandat. Passé ce délai, il est déclaré démissionnaire de son mandat par le Président de l’Assemblée Nationale, soit d’office, soit sur la réclamation de tout électeur».
Article 7: «Le mandat de député est en outre incompatible avec les fonctions de membres du Gouvernement, de la Cour Constitutionnelle, de la Cour Suprême, du Haut Conseil des Collectivités ou de membre d’organes exécutifs des collectivités territoriales».
Considérant que le Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale (4ème législature 2007- 2012) en date du 14 Octobre 2011 énonce en son article 17:
«Les Vice-présidents suppléent le Président en cas d’absence ou d’empêchement dans l’ordre de préséance.
En cas de vacance ou d’empêchement définitif du Président, dûment constaté par le Bureau de l’Assemblée Nationale, il est procédé à la plus prochaine séance à l’élection d’un nouveau Président, dans les conditions prévues à l’article 10 du présent Règlement. La séance est présidée dans l’ordre de préséance par les Vice-présidents et les Secrétaires Parlementaires non candidats à la présidence de l’Assemblée Nationale ».
Considérant que l’article 34 de la Constitution dispose:
«Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction politique, de tout autre mandat électif, de tout emploi public, de toute autre activité professionnelle et lucrative».
Considérant que le Président de l’Assemblée Nationale est nommé de plein droit Président de la République par intérim en application de l’article 36 de la Constitution; qu’en l’espèce, il ne se trouve pas dans les cas d’incompatibilités prévus par les dispositions organiques précitées, que celles-ci ne lui sont pas applicables.
Considérant que le bureau de l’Assemblée Nationale a constaté la vacance de la Présidence de l’Assemblée Nationale et a décidé l’élection d’un nouveau Président, ainsi qu’il ressort du compte rendu de réunion de l’Assemblée Nationale en date du 28 Mai 2012.
Considérant que s’il n’appartient pas à la Cour de substituer son jugement à celui du bureau, elle ne conserve pas moins le pouvoir d’apprécier la vacance ou l’empêchement allégué.
Considérant que les dispositions de l’article 17 alinéa 2 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale ne s’appliquent pas au cas de l’article 36 de la Constitution.
Considérant que la Cour doit assurer l’application de toutes les dispositions concernant l’incompatibilité relative à la fonction de Président de la République.
Considérant qu’au regard de l’article 34 de la Constitution, il existe une incompatibilité fonctionnelle entre les fonctions de Président de la République et celles de Président de l’Assemblée Nationale.
Considérant que cette incompatibilité constatée par l’arrêt N°2012-001/ CC/Vacance du 10 Avril 2012 tend à assurer la séparation et l’indépendance des Pouvoirs Exécutif et Législatif, à permettre au Président de la République par intérim de se consacrer entièrement aux obligations de sa charge.
Considérant que l’incompatibilité fonctionnelle en question ne constitue ni un cas d’incompatibilité prévue par la loi organique sur l’Assemblée Nationale ni une cause de vacance ou d’empêchement définitif au sens de l’article 17 de son Règlement Intérieur.
Considérant que l’arrêt N°2012-001/CC/Vacance précité, qui a constaté la vacance de la Présidence de la République ne peut servir de fondement juridique pour constater la vacance de la Présidence de l’Assemblée Nationale.
Ont siégé à Bamako, le 08 Juin 2012
Monsieur Amadi Tamba CAMARA, Président
Madame Manassa DANIOKO, Conseiller
Monsieur Malet DIAKITE, Conseiller
Madame DAO Rokiatou COULIBALY, Conseiller
Le 22 Septembre 14/06/2012