A l’invitation à lui adressée le 6 mai dernier par Mme le ministre de l’Artisanat, de la Culture et du Tourisme, la sous-directrice générale Afrique de l’Unesco a effectué une visite de trois jours à Bamako, du 18 au 20 mai. Mme Lalla Aïcha Ben Barka était accompagnée par le directeur du Centre du patrimoine mondial, Kishore Rao, et le chef de l’Unité Afrique du Centre du patrimoine mondial, Lazare Eloundou Assomo.
Cette visite organisée à la suite de la profanation du Mausolée Sidi Mahmoud Ben Omar par les éléments d’Aqmi, avait pour but d’examiner les circonstances de cette profanation, de recueillir des informations plus détaillées sur l’état actuel de conservation des sites de Tombouctou et du Tombeau des Askia à Gao. L’objectif de la visite de Bamako était aussi de rencontrer les chefs d’agence du Système des Nations unies afin de discuter d’autres actions susceptibles d’être menées.
Nécessité de sauvegarder
L’un des temps forts de cette visite de la délégation de l’Unesco a été les séances de travail avec le Premier ministre, Cheick Modibo Kéita (ambassadeur de bonne volonté de l’Unesco) et la rencontre avec Mme le ministre de la Culture et l’ensemble des acteurs concernés par la question du patrimoine culturel.
Cette rencontre, qui a eu lieu dimanche 20 au ministère de la Culture, a enregistré la présence des représentants de la société civile malienne impliqués dans les activités de conservation du patrimoine culturel de Tombouctou, les leaders religieux, les historiens, la Croix-Rouge, l’Association Cri de cœur, etc.
« Nous avons voulu ce cadre d’échanges pour informer des dispositions que le gouvernement du Mali entend prendre face à la situation actuelle dans le Nord du Mali », a précisé Mme le ministre de l’Artisanat et de la Culture, Mme Diallo Fadima Touré.
Les acteurs sont unanimes sur un point : la nécessité de sauvegarder les manuscrits du Centre Ahmed Baba de Tombouctou et les autres biens culturels matériels et immatériels des régions du Nord. Pour y parvenir, le Haut conseil islamique préconise l’organisation d’un colloque international sur l’islam avec la participation des groupes armés au Nord, de l’Unesco, de l’Isesco (Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture) et la mosquée d’Al-Azahr.
Selon Thierno Hady Thiam, cette démarche va sans doute combler le déficit de dialogue de fond sur la religion. Car, expliquera-t-il, aujourd’hui deux religions musulmanes : l’une basée sur la tolérance, le respect et le pardon, et l’autre, politisée et fondée sur la violence. Pour M. Thiam, ce colloque est un cadre pour harmoniser certaines positions.
Sort fragile de nos œuvres
Mme le ministre de l’Artisanat et de la Culture, qui a pris bonne note des recommandations, a exprimé sa préoccupation face à la menace sur notre patrimoine. « Les biens culturels sont une partie de notre corps. Quand on les touche, c’est une atteinte à l’intégrité de notre corps », a déclaré Mme Diallo Fadima Touré.
La sous-directrice de l’Unesco a, elle, révélé que son organisation mettra tout en œuvre pour sauvegarder les biens culturels. « Ce qui se passe au Mali nous interpelle tous », a estimé Mme Lalla Aïcha ben Barka, qui a regretté la profanation du mausolée Sidi Mahmoud Ben Omar de Tombouctou, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. La délégation de l’Unesco, qui souhaite que les parties en conflits parviennent à un compromis, n’a pas exclu l’éventualité d’une intervention pour extraire les manuscrits en cas de frappes.
Les manuscrits sont pour la plupart écrits en arabe ou en peul, par des savants originaires de l’ancien Empire du Mali. Ces textes parlent d’islam, mais aussi d’histoire, d’astronomie, de musique, de botanique, de généalogie, d’anatomie… Autant de domaines généralement méprisés, voire considérés comme « impies » par Al-Qaïda et ses affidés jihadistes.
La profanation du mausolée de Tombouctou par les nouveaux maîtres de la ville rappelle le sort fragile d’œuvres appartenant au patrimoine mondial.
Issa Fakaba Sissoko
L’ Indicateur Du Renouveau 22/05/2012