«La culture a toujours été le cœur de notre nation. Nous avons toujours su préserver notre souveraineté et notre identité à travers nos modes d’expression culturelles. Souvent, il devient nécessaire de faire référence à son histoire, à son passé et, enfin, à sa culture. Aujourd’hui, plus que jamais, l’avènement de la chartre de Kurukan Fuga doit nous servir de leçon pour l’élaboration de futures directives dans le domaine de nos programmes de transformation des rapports sociaux», explique Cheick Boucadry Traoré.
Chaque année, rappelle-t-il, le 8 Mars, le monde entier célèbre la Journée internationale de la femme. Elle a été officialisée par les Nations unies en 1977 comme une journée de manifestation revendiquant non seulement l’égalité des droits et de meilleures conditions de travail, mais aussi pour faire un bilan sur la situation des femmes dans nos sociétés. Cependant, note M. Traoré, la promotion des droits des femmes dans le Mandé a commencé des siècles bien avant cette période.
En effet, après leur victoire à Kirina en 1235, les leaders du Mandé ont initié la «Charte de Kurukan Fuga», qui fait notamment de «la femme un être sacré». Ils ont ainsi récompensé celles qui ont grandement contribué à la victoire du Mandé sur un autre royaume. «N’offensez jamais les femmes. Elles sont nos mères», stipule l’article 14 de ladite charte. Elles sont nos mères, elles ont droit au respect. Notre vénération pour la mère n’est pas une simple formule. Les Mandingues disent : L’enfant vaut ce que vaut sa mère ! L’énoncé N°16 est très explicite sur la place de la femme dans la gouvernance. «Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à tous nos gouvernements», a-t-elle stipulé.
Et cette règle a été observée dans le passé. Ainsi, non seulement les femmes étaient représentées dans les grandes assemblées, mais elles se réunissaient aussi souvent à part pour débattre des questions importantes et faire toujours connaître leurs avis. Le Mandé a toujours connu de puissantes associations secrètes féminines (Niagba Muso), dont les avis étaient recueillis sur les questions importantes. Il faut noter que, au-delà de la notion de l’équité des sexes, «la Charte interdit le mariage des filles non-pubères (mineures) et a rendit la dote moins importante» que par le passé.
«Un autre élément de la sagesse de nos traditions se révèle à travers la maxime : la nuit porte conseil ! Ce qui signifie prendre le temps de consulter et demander conseil auprès de son épouse avant d’agir», rappelle «Bouca» dans «La Femme de Kurukan Fuga». Et de poursuivre, «nous devons continuer avec cette force d’esprit nécessaire au changement mise en avant par la charte de Kurukan Fuga qui n’avait comme but que d’élever la conscience juridique des femmes comme une dimension importante de développement». Un idéal conforme à la vision de la Convergence des Femmes pour le Renouveau (COFERE) qui œuvre à bâtir «un monde où les femmes jouissent de tous leurs droits humains».
Pour Cheick Boucadry Traoré, «l’émancipation économique des femmes est une condition essentielle de l’avènement d’un développement durable répondant aux besoins des générations actuelles sans entraver la capacité des générations futures à satisfaire les leurs».
D’où l’urgence de supprimer les obstacles qui empêchent nos mères, épouses, sœurs, filles… d’accéder aux mêmes opportunités économiques que les hommes. Pour ce faire, nous devons nous battre pour que les politiques de genre ou de parité puissent concrètement contribuer à l’amélioration des performances économiques et des résultats obtenus en termes de développement !
M.B