L’administration Obama ne s’en cache pas : l’armée américaine est en manœuvre dans le Sahel où elle a déployé des moyens aériens à des fins de surveillance et de collecte de renseignements par rapport aux mouvements jihadistes. C’est ainsi qu’Oumar Ould Hamaha, le gouverneur salafiste d’Aqmi à Tombouctou a assuré à AFP la semaine dernière avoir tiré, sans les atteindre, sur deux avions de couleur blanche qui survolaient la ville sainte jeudi.
Les Américains se défendent jusqu’à présent d’avoir opéré des frappes sélectives. Pourtant, il y a un peu plus d’un mois, une voiture d’Aqmi a brûlé à l’approche de Tombouctou. Et au Nord, de cette région, vers Taoudénit, des frappes sélectives peuvent bien avoir eu lieu la semaine dernière selon des sources locales. Il y a peu de doute que c’est pour éviter les drones américains que les émirs salafistes se trouvent tous en ce moment à Gao. Depuis la prise de cette ville en avril, Belmoktar y a séjourné cinq fois, habitant tour à tour les maisons d’un élu municipal, d’un riche homme d’affaires et enfin d’un haut fonctionnaire basé à Bamako. L’émir de la zone Ouest se trouverait d’ailleurs toujours dans la capitale des Askia où le journaliste Baba Ahmed de Jeune Afrique lui a serré la main en début juin. Pour Idriss Fall, journaliste de la Voix de l’Amérique revenu de Gao le 23 juin, Belmoktar s’y trouverait encore. Des sources sécuritaires crédibles le disent blessé ou malade. Blessé par quoi ? On parle de blessure par couteau ou par balle. Mais les recoupements sont difficiles.
Belmoktar atteint ?
Ce qui paraît cependant certain, c’est que l’émir n’est pas au mieux de sa forme. Pour un informateur, il serait admis à l’hôpital de la ville gardée à l’occasion par des jihadistes pakistanais et afghans et soigné par des médecins dépêchés à son chevet par avion. Quant à Abuzeid, après Tombouctou où il a tenu des réunions avec les troupes salafistes et les oulémas, il se trouvait encore vendredi à Gao où il occupe une villa avec une vue imprenable sur le fleuve Niger. A côté de ces célébrités, il y a les éléments de la Dawa islamiques qui prêchent dans les mosquées et les « pieds nus », un mouvement islamico-naturiste dont le chef était emprisonné à Tombouctou jusqu’en octobre 2011 après avoir été condamné à vie pour l’assassinat du juge de Dioîla vers la fin des années 1990. A Gao, on signale également la présence de Hamada Ould Mohamed, alias Abou Gomgom, sergent recruteur et chef du Mujao avec son armée internationale de Maliens, Tchadiens, Mauritaniens, bissau guinéens, Nigérians, etc. Et puis, il y a le monsieur public relations de cette nébuleuse ouest-africaine : Abdoul Hakim. Lequel parcourt les lieux de causerie des jeunes, essaient d’occuper ceux qu’il peut avec des petits boulots et essaie d’assouplir la police jihadiste. C’est lui qui a ré-autorisé le football et la télé après la première marche de protestation des jeunes en mai dernier.
Quatre morts, douze blessés
C’est aussi lui qui a pris la tête de la colonne du Mujao qui a intimé l’ordre au Mnla d’arrêter le massacre du mardi suite à la manifestation des jeunes contre l’assassinat de l’élu municipal et enseignant Idrissa Oumarou le lundi soir pour des motifs qui ne seraient pas crapuleux. « Tout remonte, selon nos sources, à la réunion animée par Moussa Ag Assarid, un des porte-paroles du Mnla, il y a quelques jours à Gao ». Quand cet écrivain a prêché le pardon et la réconciliation lors de cette réunion, l’enseignant lui aurait rétorqué que c’était trop simple, qu’on ne pouvait pas « détruire des villes et des vies et décréter après que c’est fini et qu’il faut que tout redevienne comme avant ». Idrissa Oumarou, de sources concordantes, était, semble t-il, dans le collimateur du Mnla en raison de son éloquence persuasive. Sa mort serait donc une sentence. Mais ses assassins et sa moto ont été retrouvées par le Mujao mardi après-midi après de très chaudes empoignades entre les jeunes de Gao et les troupes du Mnla qui ont tiré sur les manifestants à bout portant, entre l’Assemblée Régionale et le Gouvernorat, tuant quatre personnes et blessant douze autres dont deux grièvement et transportées à Niamey par le Cicr. Le calme était revenu vers la fin de l’après-midi mais les jeunes de Gao ont promis de ne plus se laisser faire. « Même si nous devons tous y laisser la vie », promet mardi nuit, l’un des meneurs de la marche partie du cimetière mardi après l’enterrement de l’enseignant assassiné. Pratiquement au même moment, les jeunes de Douentza, eux aussi, manifestaient contre les exactions du Mnla accusé de piller, rançonner et terroriser la population. « Par exemple, il nous demande des pièces d’identités –maliennes, s’il vous plaît- et quand on ne les a pas ou quand elles sont périmées, il nous font payer 1500 cfa ». On leur reproche aussi des razzias d’animaux, des pillages de boutiques ainsi que le paiement forcé de l’effort de guerre par les populations. Malgré plusieurs tirs de sommation, les troupes du Mnla n’ont pu obtenir la fin des manifestations que tard dans l’après-midi après que certains de leurs responsables aient promis amende honorable et interdit à leurs éléments d’entrer désormais dans la ville de Douentza.
Adam Thiam