Nous vous écrivons aujourd’hui pour dénoncer ce que nous considérons comme une profonde injustice et une atteinte grave aux libertés. Depuis plusieurs semaines, nos maris sont arbitrairement détenus par la junte, dont la justice malienne se fait désormais complice. A titre de rappel, ils ont été mis aux arrêts sans mandats. Certains ont été violements appréhendés par des soldats, jusque dans nos maisons, devant nos enfants. Nous sommes restées sans nouvelles des semaines et nous n’avons pas pu les rencontrer pendant un mois.
Ils sont sous-alimentés. Ils sont malades. Ils sont dans des conditions inhumaines, avec les fenêtres et les portes des cellules fermées, dans l’obscurité totale de jour comme de nuit. Quelle honte pour un pays qui se dit démocratique! Quelle honte pour un Premier Ministre, un Ministre de la Justice et des Magistrats qui se veulent exemplaires et qui prônent la paix!
Dites-nous, craignez-vous quelqu’un? Nous, épouses de militaires, nous n’avons pas peur. Nous n’avons pas peur des geôles. Nous n’avons pas peur des fusils, des chars… S’il le faut, nous marcherons. S’il le faut, nous nous immolerons. Nous dénonçons l’arbitraire, la cruauté, les règlements de comptes et la justice des vainqueurs. Nos maris sont innocents et vous le savez. Soyons donc courageux.
Les chefs d’inculpations montés contre eux sont de la pure mascarade et indignes d’une justice qui se veut saine. Nous connaissons nos hommes et nous savons où ils étaient le soir du 30 avril 2012. Au lieu de vous acharner injustement sur eux, pourquoi ne pas inculper ceux qui ont essayé d’assassiner le Président Dioncounda Traoré, ceux qui ont tué les étudiants Abibata Danioko et Seydou Samaké dit Major? Où serait-ce la justice au faciès et les règlements de comptes?
Par des accusations fallacieuses, vous renforcez l’injustice, la division du peuple, de l’armée, car comment comprendre le fait d’amnistier ceux qui ont pillé les maisons, ceux qui ont les mains entachées de sang et, de l’autre côté, condamner d’innocents militaires qui ont honnêtement servi ce pays, au risque de leurs vies. Il y a des officiers parmi les détenus, dont le dossier est quasiment vierge et ne pèse rien sur un plan judiciaire. Alors, pourquoi les retenir plus longtemps? On ne retient pas des hommes, des soldats, des pères de famille, sans preuves concrètes. Vous tuez l’amour que nous avons, que nos enfants ont, pour la tenue militaire.
Honte à ceux qui font souffrir des épouses et des enfants. Nous n’avons même pas de quoi payer les ordonnances, les vivres, en ce début du mois, car des hommes armés sont venus dans nos maisons comme des voleurs, en pleine nuit, et ont pris nos maris. Honte à eux! Honte au système judiciaire malien. Prenez tous conscience des horreurs, des souffrances, des injustices… Il est plus que temps.
On vous disait intègres, courageux et justes. Sincèrement, nous en doutons sérieusement. Votre image nationale et internationale est trop bonne pour que vous soyez des associés de la tyrannie. Dans votre mission, vous devez au peuple, aux victimes, une solidarité morale et intellectuelle sans faille. Tous les êtres humains ont le droit à l’égale dignité et à la présomption d’innocence. Nous voulons accéder aux preuves matérielles contre nos maris et, de plus, nous demandons la libération immédiate des officiers et leur assignation à résidence pour les besoins de l’enquête, car nous voulons les blanchir et intenter un procès contre le Gouvernement du Mali et contre les membres de la junte pour procédures abusives, maltraitances et tortures.
Nous ne cherchons pas d’histoires en cette période difficile pour le pays, mais nous ne cesserons jamais de nous battre pour la justice. Nous, le Collectif des Femmes des militaires arbitrairement détenus par la Junte et le Gouvernement du Mali, nos enfants, nos familles, vous demandons de débarrasser votre cœur de la haine et du manque de courage. Libérez nos maris et donnons-nous la main pour reconstruire ensemble notre Faso Maliba, si tel est réellement votre souhait.
Le Collectif des Femmes de militaires arbitrairement détenus par la Junte et le Gouvernement du Mali
Le 22 Septembre 18/06/2012