Paris a été obligée de revoir sa copie concernant ses relations avec les indépendantistes touaregs
D’abord, le regard du mouvement de Bilal Ag Acherif vers Moscou pourrait être la conséquence du désamour entre Paris et la rébellion touarègue. En effet, sous la pression de la sous-région et en prenant en compte les nombreuses récriminations à tort ou à raison faites à la France par l’opinion publique malienne, d’être trop indulgente vis-à-vis du MNLA, Paris a été obligée de revoir sa copie concernant ses relations avec les indépendantistes touaregs. Cet effritement des relations entre l’ex-puissance coloniale et le MNLA, qui n’est pas mal vu à Bamako, pourrait donc être une des raisons de ce clin d’œil de Bilal Ag Acherif et ses camarades à Moscou, pour combler un vide politique et diplomatique qui pourrait modifier les rapports de force en faveur de Bamako dans les négociations présentes et à venir sur le statut de l’Azawad dans le Mali démocratique d’aujourd’hui. Dans le même registre, l’on pourrait lier la visite du MNLA au pays de Poutine, à la réticence de Bamako, à traduire en actes les accords de Ouagadougou, perçus par le MNLA comme le seul cadre de référence pour la résolution de la crise du Nord-Mali. Cette posture de récusation de fait de la médiation de Blaise Compaoré suspecté par certaines autorités maliennes d’être proche des thèses du MNLA et d’offrir gîtes et couverts aux responsables de l’Azawad, a visiblement contribué à rapprocher les indépendantistes touaregs de Moscou, contraints par l’évolution du dossier du Nord-Mali, de se trouver un parrain qui viendrait compenser la mise à l’écart de Ouagadougou.
La Russie pourrait tirer des prébendes en parrainant le MNLA
L’autre angle sous lequel l’on peut décrypter la visite du MNLA à Moscou est que le choix de la Russie peut être lié à d’autres considérations savamment mûries par le mouvement rebelle touareg.
D’abord, Moscou présente l’avantage de ne pas fâcher Alger et Bamako. En effet, ces deux capitales, historiquement, ont toujours entretenu des relations cordiales et multiformes avec Moscou. Par conséquent, le MNLA sait qu’une implication dans la crise malienne, de la Russie qui, de surcroît, n’est pas hostile aux accords de Ouagadougou, a toutes les chances d’être acceptée par l’Algérie et le Mali, alliés traditionnels de la Russie. A ce propos, l’on peut rappeler que l’actuel président malien, Ibrahim Boubacar Kéïta, s’était rendu à Moscou alors même qu’il n’avait pas encore été élu président.
Ensuite, la Russie a l’avantage d’être un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce statut de Moscou, dans le concert des nations, fait de lui un parrain idéal qui pourrait relayer le lobbying du MNLA auprès des autres grandes puissances.
Enfin, Moscou traine la sulfureuse réputation de ne jamais lâcher « ses amis » même si ceux-ci ne sont pas recommandables. La dragée haute que la Russie tient à l’Occident au sujet de la guerre civile syrienne, a pu inspirer le MNLA qui sait qu’en matière de relations internationales, ce pays, plus que tout autre, ne s’encombre pas de considérations morales.
De ce point de vue, le MNLA a vu juste. Certes, la fin de la guerre froide a quelque peu modifié l’équilibre de la terreur que Moscou entretenait avec les alliés de Washington, mais dans le cas d’espèce, la Russie pourrait tirer des prébendes en parrainant le MNLA. La première prébende est d’ordre géopolitique. En effet, dans ce domaine, l’espace sahélo-saharien pourrait intéresser la Russie qui a aussi intérêt à ce que cette zone ne soit pas un bouillon de culture du terrorisme international. Au-delà de cet enjeu lié à la lutte contre l’extrémisme islamiste, l’on peut ajouter que la Russie pourrait profiter d’un rapprochement avec le MNLA qui, il faut le dire, n’est pas totalement inscrit dans une logique de paix avec Bamako, pour réaliser de juteuses ventes d’armes aux rebelles touaregs. In fine, tous ces éléments évoqués sont de nature à valider l’hypothèse suivante : Orphelin, le MNLA cherche parrain.
Pousdem PICKOU
Source: lepays.bf
