Mopti, Djenné, le Pays Dogon autant de nom qui apparaissaient rapidement dans mes conversations d’errance, de discussion. De ce temps qu’en Europe nous n’avons plus pour parler à l’étranger, à l’inconnu de la rue. Bamako est une grande métropole et elle a la même consistance que toutes les autres. Toutes les métropoles se ressemblent mais toutes ont une spécificité. La spécificité de la capitale malienne je l’ai expliquée dès mon arrivée dans un mail à un ami : « Au delà de ça, Bamako est une ville mêlant étrangement sur activité et sur détente. C’est un drôle de mélange.” Un mélange que j’ai fini par apprécier. Le bruit aigu des jakartas s’oppose aux charmes dégagés par la tranquillité des buveurs de thé. Aujourd’hui et pour longtemps encore l’odeur enivrante du thé jeté sur les braises fumantes attirera toujours les fanatiques de tous horizons pour se regrouper et causer. Le voyage au Nord qui s’annonçait signifiait pour moi l’approfondissement de ces spécificités de la métropole Bamakoise. La meilleure façon de connaître Bamako était de voir ses racines.
Le départ pour 6 heures se passe comme prévu. Je retrouve mes parents et nous partons. Direction : le pays Dogon. La durée du voyage était limitée aux 4 jours disponibles dont nous disposions. Autant dire que notre famille n’espérait pas connaître mais se donner un aperçu, une idée de ce qu’il y a à voir au Mali. Le pays Dogon fait partie de cette liste imaginaire et exhaustive qu’on avait prévue.
Pour parler du Pays Dogon, je crois qu’il faut en distinguer deux. On qualifiera le premier de mythique, le second d’authentique.
Mon premier contact se liera avec la destiné du mythique. Bien grands mots vous me direz mais je pense que ce sont les bons. Bien que je sois parti avec la volonté de profiter du « tourisme culturel » que l’on me promettait, je n’ai pu m’empêcher de me laisser aller à éprouver du rejet mêlé à de la compassion pour ces villageois. L’objet de ce qui m’obsédait trouve son absolu dans le désœuvrement du « marchand de culture » dogon.
Le même discours qu’il y a quelques temps tout guide prononçait machinalement est devenu rempli de trous et d’hésitations. On ne suit pas un guide mais plusieurs. Si l’on imagine un homme dans un des étroits passages des villages dogon. Buvant le thé et à notre passage au fond d’une ruelle il regarderait notre convoi passer. Voici exactement ce qu’il verrait. D’abord un dogon, bâton à la main, ouvrir le chemin, suivi de près par un autre Dogon. Après, passe à quelques encablures, tête en l’air et les yeux posées sur tout ce qui apparaît aux yeux des dogons dérisoires. Une troupe de Toubabs eux mêmes suivie de près par différents commerçants de pacotilles et enfin une troupe d’enfants en bas âge.
Ces enfants dans le sillon des touristes ont déjà compris que l‘homme blanc est une source financière. Leur prétendue innocence séduira peut être l’un des visiteurs qui sortira le « donne-moi 100 francs » qui a remplacé le bonjour dans la bouche de ses enfants. Le toubab est dirigé, contrôlé, balisé, protégé, pressé. La culture des falaises est passionnante mais elle subit sa marchandisation. Un tourisme sauvage. On y apprend et voit de beaux paysages, mais on doute de sa véracité. L’esprit Dogon de ses villages se heurte au tourisme qui a pour effet de le dénaturer. L’esprit, les traditions, la manière de vivre ne subsistent-ils pas que pour se faire voir ? A la manière d’une vielle femme qui se maquille pour garder l’illusion de sa jeunesse. Ce qui m’amène à la beauté de sa jeune sœur, les villages de la plaine Dogon, le pays Dogon authentique.
J’établirai la frontière au niveau de l’enfant. Allez à travers champs, observez la beauté des lieux, la falaise qui s’éloigne, la plaine qui prend toute son ampleur. Ayez une petite pensée pour ce terrain vierge qui s’étend à perte de vue. Souriez de l’absurdité d’un panneau d’indication routière sur une plaine sans route, sans repères. Et enfin lorsque vous arrivez dans ce village du bout de la plaine, laissez vous surprendre par le bonjour de l’enfant : « Stylo ! ». Là réside toute la différence. A suivre.
Tom PIEL
Le Républicain 22/11/2011