Divergences éthiques ensuite : les islamistes sont pour le respect de la propriété personnelle, le Mnla est dans une logique de butin de guerre. Les islamistes tiennent à la charia, le Mnla en a une sainte horreur. Mujao et Aqmi professent l’austérité, le Mnla est flexible. Et puis il y a les divergences de cultures et de moyens. Le Mnla est un mouvement touareg pendant que la haute hiérarchie salafiste est arabe (d’ailleurs et du Tilemsi au Mali) et il considère les Touareg d’Ansardine juste comme le faire valoir des Emirs algériens. Les Islamistes sont perçus comme riches, le Mnla est fauché.
Il était cependant difficile à imaginer que les deux mouvements qui ont fait cause commune pour prendre le Nord-malien allaient en découdre avec la violence qui a caractérisé leurs affrontements du mercredi à Gao.
Certains analystes et des plus avisés prédisaient que l’interface Ansardine finirait par les dissuader de s’affronter. Le spectacle d’hier, dans la capitale des Askia, les dément désormais. Depuis trois jours en effet, le Mujao avait repris les check- points de la ville des mains du Mnla. Lundi, l’assassinat de Idrissa Oumar a été très mal vécu par les jihadistes. Mardi, ils ont encadré, un moment, la marche des jeunes de Gao et enjoint au Mnla d’arrêter de tirer sur les manifestants dont quatre avaient été tués et une dizaine blessés. Dans la même journée, ils déclarent avoir arrêté les deux présumés assassins de l’élu municipal et retrouvé sa moto. Dans la soirée, le Mnla réclame la libération de ses deux éléments.
En vain. Mercredi matin, Gao résonne de nouveau de ces crépitements qui sont son lot depuis plusieurs mois. Le Mnla, de bonne source, est en train de battre le rappel de ses troupes, de Douentza, Hombori, Menaka, Kidal, Tombouctou pour en découdre avec les salafistes d’Aqmi et du Mujao. Mais, comme le montre le film des événements, le très vocal Mnla a perdu la bataille du 27 juin.
Le film des événements
Vers 8h30. Les manifestants d’hier qui veulent marcher de nouveau se trouvent à l’hôpital pour saluer leurs compagnons blessés.
Un responsable du Mujao les y rejoint pour leur demander d’annuler leur manifestation, par peur d’un carnage, car dit-il, le Mnla est décidé à écraser leur révolte.
C’est à ce moment, selon le récit du correspondant de Reuters Thompson qui lui a parlé dans l’après-midi, que Sanda Ould Boumama, porte-parole d’Ansardine-Aqmi à Tombouctou, aurait téléphoné au Colonel Bouna pour se plaindre des exactions du Mnla et lui dit « ça ne peut plus continuer, on ne peut pas tuer quelqu’un pour une Jakarta ». Bouna, selon le jihadiste, lui aurait raccroché au nez.
9h. Des combats à la kalach opposent le Mujao au Mnla dont le QG se trouve à l’ex gouvernorat de Gao.
10h30, Une colonne du Mujao apporte des mortiers et s’en sert. Le bel édifice colonial à l’architecture soudanienne est calciné.
11h-12h. Le Mujao maître des lieux s’empare du QG fumant. Au même moment il évacue onze de ses blessés sur l’hôpital qu’il contrôle désormais. Il y achemine aussi dix civils atteints par des balles perdues. Deux d’entre ceux-ci décèderont peu de temps après.
Vers 14h. Seul le contingent dit libyen du Mnla ayant pris quartier à l’hôtel bon séjour du Mnla restait. Les positions du mouvement indépendantiste à l’Assemblée régionale, à la Poste, au Palais de justice et au Camp 2 tombent les unes après les autres.
A Tombouctou, le Mnla qui contrôle l’aéroport se retire.
15 h. Nourris dans la matinée, les bruits d’armes lourdes provenant du camp Firhoun tenu par le Colonel Assalat Ag Abi, une des figures emblématiques du Mnla, se réduisent et le camp tombe.
17h. Les corps de vingt quatre combattants du Mnla sont exposés à la place de l’indépendance. Parmi eux, peut-être celui du colonel Bouna donné pour mort dans toute la ville. Au même moment, sur les cendres chaudes de l’ancien gouvernorat, la jeunesse de Gao danse et chante l’hymne du Mali dont elle hisse aussi le pavillon vert jaune-rouge à la place des couleurs du Mnla.
Vers 18h. De Tombouctou, Sanda Ould Boumama connu pour être un bon communicant s’entretient avec Reuters. Il lui dit que le Bilal Ag Sherif grièvement blessé était en train d’être évacué par ses hommes au Burkina Faso. Ce n’est pas tout : triomphal, il ajoute « le terrain ce n’est pas Facebook, n’en déplaise à Moussa Ag Assarid ».
Adam Thiam
Le Républicain