« Je suis convaincu que les destins de la France et du continent africain sont intimement liés », a rappelé le président Macron le 5 février depuis l’Elysée, en clôture de la rencontre organisée en petit-comité par le CPA qui rendait les conclusions de son « tour de France » de l’entrepreneuriat des diasporas africaines.
Après Bordeaux, Marseille et Lyon, les consultations conduites par le CPA depuis septembre 2020 se sont achevées à Paris, en présence d’Elisabeth Moreno, la ministre française de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’égalité des chances ; Franck Riester, le ministre français du Commerce extérieur et de l’Attractivité ; Pedro Novo (BPIfrance) ; Rima Le Coguic de l’Agence française de développement (AFD) ; Christophe Lecourtier (Business France) ; Jérémy Pellet (Expertise France), Momar Nguer (MEDEF International) et Etienne Giros (CIAN).
Né en 2017 des suites du discours de Ouagadougou pour refonder les relations Afrique-France, en s’appuyant sur la diaspora africaine, le CPA se lance dans une nouvelle série d’initiatives et sera à la manœuvre du prochain Sommet Afrique-France de Montpellier. Des signes qui confirment la volonté du président Macron de renforcer l’influence de la diaspora dans la relation entre la France et le continent.
De fait, les entrepreneurs franco-africains et afro-descendants sont devenus, parfois à leur corps défendant, les nouveaux ambassadeurs du soft power français en Afrique.
L’influence de la diaspora s’explique notamment par sa contribution dans les économies africaines, car si les virements électroniques ont remplacé les tontines d’antan, les fonds envoyés sur le continent restent considérables. En 2019, ils s’élevaient à 48 milliards de dollars selon la Banque mondiale.
« Les transferts de la diaspora représentent près de trois fois le montant de l’aide publique au développement », déclarait Rima Le Coguic, la directrice du département Afrique de l’AFD, le 5 février dernier. Réorienter une partie de ces transferts financiers dans des industries productives, permettrait à la France par l’entremise de sa diaspora, de créer les conditions de nouvelles opportunités commerciales sur le continent.
« Vous êtes un atout inestimable pour les relations entre la France et le continent africain et vous êtes l’une des clés du nouveau partenariat que nous voulons bâtir sur un pied d’égalité avec les pays d’Afrique », a déclaré, le ministre français du Commerce extérieur et de l’Attractivité, annonçant le lancement d’un nouveau mécanisme d’accompagnement des entreprises désireuses de développer leurs activités en Afrique, à l’occasion de « Choose Africa », qui se déroulera pendant le Sommet de Montpellier, les 9 et 10 juillet 2021.
De récentes enquêtes d’opinion ont laissé apparaître une volonté d’entreprendre en Afrique au sein de la diaspora, ce n’est donc pas une surprise de voir s’imposer l’entrepreneuriat au cœur du Sommet de Montpellier. « Ce forum sera celui de l’entrepreneuriat africain », s’est réjoui Franck Riester. « Ce Sommet inédit dans son format sera non seulement sans chef d’Etat, mais ce sera votre Sommet.
Ce sera le Sommet des acteurs africains, français, franco-africains, qui construisent par leurs projets, par leurs actions, par leur engagement, les nouvelles relations entre la France et le continent africain. Ensemble, nous redéfinirons les fondamentaux de cette relation, pour mieux affronter les défis qui nous sont communs, main dans la main », a déclaré le président Emmanuel Macron.
Les sept solutions du CPA pour l’entrepreneuriat
Le cycle de conférences-débats du CPA a rassemblé les besoins et les obstacles identifiés au sein de la diaspora africaine de France.
55 speakers, 9 table-rondes et 16 heures de débats ont ponctué ce « tour de France ». Manque d’informations disponibles, de « rôles-modèles » et frilosité du secteur bancaire sont les principaux défis rencontrés.
« Nous proposons sept solutions dans le cadre d’une approche reposant sur une logique de co-construction », annonce Wilfrid Lauriano Do Rego, le coordonnateur du CPA. Premièrement, le « PASS Africa », un label élaboré en partenariat avec BPI France qui sera décerné chaque année, à une 20aine d’entreprises ayant déjà réalisé une levée de fonds. Il permettra de les accompagner afin « d’accélérer leur développement et de passer à l’échelle », précise-t-il.
La communauté « PASS Africa/EuroQuity » connectera les écosystèmes de l’entrepreneuriat et de l’innovation européens et africains au sein d’EuroQuity, un service digital de networking et de partenariats pour l’Afrique qui rassemble 14.000 sociétés, 2.000 investisseurs et 1.500 structures d’accompagnement.
Le CPA soutient par ailleurs, MEET Africa en deuxième phase (développé par l’AFD et expertise France), qui se penchera sur la création d’une plateforme euro-africaine d’informations, sur le renforcement des acteurs d’appui à l’entrepreneuriat, sur la mise en réseau et l’accompagnement de 140 entrepreneurs et enfin, sur le financement de 170 entrepreneurs entre l’Europe et l’Afrique.
« BPIfrance est impliqué, tout comme le groupe AFD, Business France, la Team France Export indirectement, et ce ne que le début d’un collectif qui va accorder de l’attention et des moyens à la diaspora.
C’est une aventure qui démarre en termes de cohésion et de coordination » s’est félicité Pedro Novo, le directeur exécutif en charge de l’Export de BPI France, à l’occasion d’une conférence de presse virtuelle, qui s’est déroulée le 3 février 2021.
Parallèlement, le CPA lance son application pour l’entrepreneuriat et entend valoriser les diasporas dans le cadre du programme « Entrepreneuriat pour tous » destiné aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
« Talents en commun », le nouvel outil encadré par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et par l’AFD permettra à des experts et des cadres publics et privés, de réaliser des missions de service public renouvelables, d’une durée de deux semaines à un an, dans une administration ou une entreprise publique, en Afrique.
Enfin, le Chèque Relance V.I.E, mis en œuvre avec Business France, pour la mobilité des jeunes professionnels, bénéficiera d’un nouveau dispositif avec une prise en charge de 15 à 20% du coût annuel du volontaire.
Le « malaise » de la diaspora révélée par OpinonWay
« Il y a un malaise », reconnaît Wilfrid Lauriano Do Rego, le 3 février, en révélant à la presse, les résultats d’une étude d’OpinonWay auprès des diasporas africaines en France. 75% des personnes interrogées, considèrent que l’égalité des chances n’est pas respectée dans l’hexagone.
Parallèlement, 73% des sondés estiment que l’intégration des personnes d’origine étrangère en France fonctionne mal et 73% d’entre elles prétendent que les personnes d’origine étrangère sont victimes de discriminations.
« Il ne peut subsister dans notre République, d’égalité à double vitesse […] beaucoup de nos concitoyens désespèrent de notre République » a déclaré Elisabeth Moreno le 5 février, à Paris. « Nous avons pour obligation d’empêcher que la République ne se défasse », a-t-elle ajouté, citant Albert Camus.
« Nous devons agir vite et fort. C’est pourquoi le président de la République a décidé de lancer une grande consultation citoyenne sur les discriminations, portée par mon ministère très prochainement […] En parallèle, nous souhaitons créer une plateforme avec le Défenseur des Droits » a-t-elle annoncé.
L’étude d’OpinonWay, réalisée auprès d’un échantillon de 1.000 adultes de nationalité française, nées ou ayant des ascendants nés en Afrique, a mis à mal l’idéal républicain tricolore. Ils sont 80% à estimer que la diaspora africaine est mal représentée dans l’espace public, 55% que les personnes d’origine étrangère sont entravées dans leur parcours scolaire ou professionnel du fait de leurs origines, 66% qu’elles sont victimes de racisme, et pour 62% l’ascenseur social est en panne…
Le « regard est sévère et très largement majoritaire. Ce sentiment est particulièrement présent chez les 25-50 ans, qui rencontrent des obstacles en matière de recherche d’emploi » constate Bruno Jeanbart, le vice-président d’OpinionWay.
« L’étude d’OpinionWay nous suggère aussi des pistes remarquables qui nous poussent à l’action […] La majorité des répondants considèrent l’Afrique comme une opportunité pour la France d’un point de vue économique [83% d’entre eux, ndlr] et se disent prêts à s’engager dans un projet en lien avec le continent [71% des sondés et ce pourcentage atteint 76% chez les jeunes, ndlr] », a précisé le coordonnateur du CPA, le 5 février dernier. « Notre tour de France vient de se terminer, mais le combat continue » a-t-il conclu.
Marie-France Réveillard
Source: afrique la tribune