Sa fille de sept ans voulait être une princesse et c’est en théorie chose faite. Jeremiah Heaton, qui vit dans la campagne de Virginie, s’est rendu à la frontière de l’Egypte et du Soudan où une parcelle de terrain, le Bir Tawil, n’est officiellement sous l’égide d’aucun pays. Elle n’a aucun gouvernement, aucune ville et aucun habitant permanent. Après avoir planté son drapeau, il a donc déclaré sa fille Emily, princesse du « Royaume du Soudan du Nord ».
Le Bir Tawil est un territoire d’environ 2 000 km² en forme de triangle. Il est frontalier de Hala’ib, qui est lui très convoité par les deux pays car il a un accès à la mer. Si le premier territoire ne se trouve aucun prétendant, c’est parce que le revendiquer reviendrait à renoncer au second et donc à la bordure maritime. Un jeu du chat et de la souris qui dure depuis la fin du 19e siècle.
Jeremiah Heaton a donc profité de cette dissension pour faire de ce bout de terre sa propriété. Mais suffit-il de planter un drapeau pour cela ? Alioune Badra Fall, docteur en droit public et spécialisé en droit international à l’université de Bordeaux, a expliqué sur l’antenne de RFI qu’« il n’y a aucune loi qui interdit [à Jeremiah Heaton] de faire ça. Aujourd’hui je crois que les seules limites qui pourraient lui être opposées ce serait des limites d’ordre environnemental ou une menace pour la sécurité dans le monde ».
« On va aider les enfants d’Afrique »
Mais pour Edward Swaine, professeur de droit à l’université George Washington, ce n’est pas si simple. « La toute première chose à faire, c’est de prouver que cette terre n’est revendiquée par personne, a-t-il déclaré à l’AFP. Et de ce que j’en sais, ce n’est pas évident. » De plus, il ne s’agit pas de simplement planter un drapeau, la personne « doit effectivement occuper cette terre ». Ce que l’Américain compte bien faire. Celui-ci a déjà de grands projets pour son royaume. Il compte y créer une oasis écologique qu’il financera grâce à des dons récoltés via une plateforme collaborative. Un projet que la « princesse » soutient à 100% : « On va aider les enfants d’Afrique qui n’ont rien à manger. On va faire un jardin qui sera aussi grand que notre territoire. »
Si le projet semble juridiquement difficilement défendable tout de même, Jeremiah Heaton se prend à rêver : « A mon sens, quand les gouvernements égyptiens et soudanais se seront rendu compte que nous allons exercer une force positive dans la région, ils comprendront qu’ils ont tout à gagner à reconnaître le Royaume du Soudan du Nord. »
Acheter une île ou une étoile
Mis à part le Bir Tawil, la Terre Marie Byrd, une région de la partie occidentale de l’Antarctique, est le second et unique territoire du monde à ne pas être revendiqué par un Etat. Dans ce cas, le traité de l’Antarctique de 1959 fait de la Terre Marie Byrd une terra nullius. Celui-ci prévoit qu’« aucun acte ou activité intervenant pendant la durée du présent Traité ne constituera une base permettant de faire valoir, de soutenir ou de contester une revendication de souveraineté territoriale dans l’Antarctique, ni ne créera des droits de souveraineté dans cette région. »
Le triangle de Bir Tawil et la Terre Marie Byrd sont donc les deux seuls territoires sur notre planète à ne pas être revendiqués par un Etat. Impossible donc pour vous, de créer votre principauté. Il vous reste encore la possibilité de devenir propriétaire d’une île. Celles-ci bénéficient d’un statut juridique particulier proche de celui de la propriété immobilière qui permet aux Etats et aux particuliers de les vendre et de les acheter (sous conditions des traités et lois spécifiques).
Pour cela, il faut mettre la main au porte-monnaie. Si les îles les moins chères, que l’on trouve sur le site le plus populaire de vente, peuvent être achetées pour moins de 10 000 euros (plus proche d’un bout de cailloux que de l’île paradisiaque), pour obtenir un coin de sable blanc au milieu d’un océan azur, il faudra dépenser plusieurs millions. Enfin, si vous ne trouvez pas votre bonheur sur cette terre, vous pouvez toujours acquérir une étoile ou un bout de planète, même si l’Union astronomique internationale, un peu rébarbative, rappelle que toutes les étoiles connues sont déjà nommées et ne peuvent être achetées.
RFI