En effet, le 22 juin 2015, Jean-Yves Le Drian, après avoir brillé par son absence depuis plusieurs mois au Mali, est revenu en «terre conquise», par l’entremise des opérations Serval et Barkhane, le lendemain de la signature de l’Accord de paix d’Alger par les rebelles de la CMA, Coordination des Mouvements Armés, avec qui il semblerait que le ministre entretiendrait une fraternelle ardente.
Le sieur Le Drian, du haut de son piédestal de condescendance, jetterait ainsi à a face du peuple malien: «depuis l’indépendance de ce pays, il y a deux peuples qui essayaient de vivre ensemble et qui n’y arrivaient pas bien, qui éventuellement s’affrontaient, ceux du nord et ceux du sud. Dès qu’il y avait des tensions, voire des violences, cela favorisait la percée des djihadistes».
Après, Nicolas Sarkozy, «l’homme noir de Dakar»; Alain Juppé, «la victoire éclatante des touaregs sur le Mali»; Laurent Fabius, «les deux armées au Mali»; François Hollande, «intraitable si le Mali ne va pas aux élections»; Hervé Ladsous, «ceux qui n’ont pas signé ne seront pas sanctionnés»; Pierre Lelouche, «les musulmans du Nord contre les Bambaras du Sud»; et j’en passe, les propos du Sieur Le Drian, à l’imparfait, indiqueraient-ils que les «deux peuples» ne veulent ou ne voudront plus vivre ensemble?
Si réellement, il y a un peuple du Nord et un peuple du Sud au Mali (toujours la conception de l’opposition Nord / Sud), qu’en est-il en France? Y a-t-il un peuple français du Nord et un peuple français du Sud? Pourtant, il y a une différence culturelle notoire entre un Breton, un Corse, un Basque, un Gascon, un Normand, un Alsacien et un Auvergnat…
Les propos tenus par Jean-Yves Le Drian, dans une argumentation fallacieuse et dilatoire, démontrent que le ministre français de la Défense ne fait aucun lien entre les rebelles au Mali et leurs accointances avec les terroristes, les jihadhistes et les trafiquants en tout genre.
Cependant, tous les observateurs avertis ont compris que ces différents éléments sont permanemment enchevêtrés les uns dans les autres et qu’ils s’auto-génèrent par une mutation sémantique.
Ainsi, Le Drian doit avoir la mémoire sélective ou en régression. «Si les tensions, voire les violences, favorisaient la percée des jihadistes», leur origine devrait être recherchée dans l’époque coloniale.
De plus, le Sieur Le Drian devrait lire les mémoires du Révérend Père Charles de Foucauld, ou la publication d’André Bourgeot «Sahara: espace géostratégique et enjeux». Il apprendrait beaucoup sur l’irrédentisme touareg et sa propension à contrôler une partie du Sahara.
Le peuple malien espère que Le Drian et tant d’autres ne voudront pas imposer au Mali le plan relooké de l’OCRS, l’Organisation commune des Etats riverains du Sahara, «la chasse gardée française», zone tampon et de prospection entre l’Algérie et l’Afrique noire.
Ce plan, basé sur une barrière ethnico-politique (un sens caché de la création du MNLA par l’ex-puissance colonisatrice), pouvait se décliner dans une série d’oppositions classiques du genre : nomades / sédentaires, Touaregs / Arabes, Touaregs / populations noires, Blancs / Noirs, Nord / Sud.
Cette conception ethnico-territoriale a été utilisée comme une «arme de guerre ethnique» par l’ancienne puissance colonisatrice pour la mise en place de l’OCRS, ce qui a surement exacerbé les relations intercommunautaires au Nord du Mali. Voila une des causes des rebellions récurrentes dans le septentrion malien.
Les propos néocolonialistes et vexatoires de Jean-Yves Le Drian et de plusieurs hommes politiques français sont aux antipodes de la réalité socio-historique du Mali. Le peuple malien, attaché à la cohésion nationale, est convaincu que le peuple français, dans sa majorité et dans son fondement républicain, dont la devise est Liberté, égalité, fraternité, condamnerait les propos déplacés de son ministre de la Défense, certainement en manque d’inspiration.
Il est admissible de comprendre que les intérêts de la France ne coïncideront pas toujours avec ceux du Mali, mais le peuple du Mali, étant issu de grandes civilisations, a toujours compris qu’un Homme juste, courageux et humaniste n’a pas besoin de travestir l’Histoire.
Nous osons espérer que Le Sieur Le Drian fera son mea-culpa pour l’offense de ces propos à l’égard du peuple malien. Le Mali est meurtri dans ses fondements, déstabilisé par des éléments extérieurs, dont certains tirent le diable par la queue, dans un marché de dupes, savamment orchestré par des puissances extra africaines dont la cible pourrait bien être un autre pays.
Le Mali a subi, sciemment ou inconsciemment, les effets collatéraux d’une guerre qui n’est pas la sienne. Cependant nous croyons que le Mali s’en remettra, comme le Sphinx a pu renaitre de ses cendres, et repartira pour une longue période de paix et de prospérité. Vive la fraternité libre et sincère entre le peuple français et le peuple malien.
Le 26 juin 2015
Oumar MC Koné
Source: Le 22 Septembre 26/ 06/2015