Notre Administration publique, depuis 1992, au lieu de s’améliorer progressivement, comme il était espéré, plonge chaque jour et de manière étonnante, dans l’abime, par des pratiques qu’il est temps, vraiment temps d’endiguer. A sa base, dans les Communes et les Cercles, la situation est indescriptible, parce que piteuse, suffocante.
Tout s’y fait. On y voit et rencontre tout, sauf ce qui rime avec le fonctionnement normal d’une Administration communale véritable ou d’un service public (falsification de documents, faux et usage de faux). Sous des prétextes divers, la spéculation foncière avec des abus, sans hésitation, ni crainte, est depuis des années l’activité principale des responsables communaux, avec la complicité d’un vaste réseau, remontant jusque dans l’Administration d’Etat.
Monsieur le Président, il est temps, vraiment temps, d’aider, d’aider à la bonne administration des communes, par la relecture des textes qui les régissent. Cette relecture doit commencer incessamment par l’adoption d’une loi rétroactive, pénalisant la responsabilité individuelle, par des peines de prison fermes ou autres, pour tout responsable communal, pour des actes indélicats.
L’Agent fautif, doit être condamné à payer une partie ou la totalité des frais imputés à l’Etat par sa faute. La simple suspension du responsable indélicat ne suffit plus pour ramener les brebis galeuses dans les rangs, du fait du bas niveau de conscience et du manque du sens de la responsabilité dans les administrations de nos communes.
La chose publique (les domaines de l’Etat), des biens des communautés et même des biens privés, sont traités, extorqués, vendus, comme des propriétés personnelles. Aucune propriété n’est épargnée, même pas celle des personnes âgées. Du banditisme impuni dans un Etat, qui se dit de droit! Où va le Mali?
Après les élections municipales de 1992, l’organisation des élections au Mali, surtout dans l’ordre habituel : municipales, législatives, présidentielle, a fondamentalement changé. A cause des difficultés dans l’organisation des élections de 1997, de la tension entre l’opposition Collectif des Partis Politiques de l’Opposition (COPPO) et la majorité, le calcul politicien du pouvoir de l’époque, l’opportunisme des candidats et les moyens financiers de ceux-ci, pour battre campagne, faits cautionnés par les partis politiques, un autre ordre a été établi dans l’organisation des élections, ordre encore en cours : Présidentielle, législatives, communales.
Ainsi des ’’individus’’ ne se présentent aux élections que par calcul, forts très souvent de leurs fortunes, qui leur ouvrent la voie royale, pour la meilleure place (tête de liste) dans la liste des candidats. Une fois ces candidats élus, ils ne songent qu’à se servir, vite, très vite et gros. Ces pratiques accumulées, mises par opportunisme au compte de l’apprentissage de la démocratie, par ceux-là à qui elles assuraient audience, doivent être proscrites de notre système électoral.
En remontant le cours de l’évolution de l’organisation des élections depuis 1997, l’on se fait aisément une idée, des tares, qui ont jalonné pendant 20 ans, le choix des futurs responsables communaux. C’est pourquoi, les élections communales à venir, même si elles doivent encore être reportées, doivent se dérouler dans une nouvelle forme d’organisation et sur de nouveaux critères de désignation des candidats.
Aux audiences du tribunal administratif, où bon nombre d’affaires de parcelles extorquées sont jugées, un cardiaque ne peut assister sans mal; tant par cupidité, des affaires simples, claires, devenues confuses, sont imbriquées et transformées en toile d’araignée, dans laquelle se débattent désespérément parfois, des citoyens honnêtes.
Monsieur le Président, la société malienne se désintègre. Les valeurs morales et sociétales se dégradent. Comment un citoyen, Agent de l’Etat en exercice, parce qu’assumant une certaine responsabilité, élective de surcroit, peut-il par excès de pouvoir, impunément s’attaquer aux propriétés de ses concitoyens? Difficile à comprendre!
L’Etat, dans l’impunité, va-t-il continuer à fonctionner dans cette anarchie, dont seuls tirent bénéfice, les auteurs au détriment de citoyens honnêtes, dont le tort est d’avoir légalement hérité ou possédé une parcelle de terrain? Quel Mali? Pas le nôtre, celui des Soudanais et des Maliens, dont les fondateurs ont nourri de grandes ambitions et rêvé d’en faire un pays où chaque citoyen dans l’honnêteté et dans l’égalité des chances et des droits, doit se faire une place par le travail, au sens noble du terme, donc à la sueur de son front.
L’Ecole par l’Etat ou non, avec l’assistance de la famille et de la société, éduque et forme le citoyen. L’Etat a, à mon humble avis, le devoir de punir et comme il faut, tout citoyen qui enfreint les règles de bonne conduite. Aux problèmes particuliers, des solutions particulières!
En raison de l’énormité du gâchis, qu’a été l’œuvre de la majorité des Maires depuis1992: irresponsabilité, manque du sens de l’Etat, copinage, cupidité, spéculation foncière surtout, expropriation ou tentatives d’expropriation des propriétaires de parcelle de terrain à divers usages, abus de toutes sortes etc ; aujourd’hui se pose avec acuité la question de la meilleure manière d’administrer les Communes.
Par l’action des Maires et de leurs collaborateurs, avec des complicités dans l’Administration d’Etat et de certaines professions libérales, des mairies sont devenues sur toute l’étendue du territoire, surtout dans le District de Bamako et le Cercle de KATI, des bazars, des lieux d’affaires, des bureaux immobiliers et de transaction, où tout se trame. Des lettres d’attribution s’y vendent comme des petits pains. Une même parcelle peut être vendue ou attribuée à plusieurs personnes à la fois. Quelle image négative pour l’Administration des Communes!
Eh Allah, an tayé an ka koyé, avec dans leur sac des lettres d’attribution à vendre, s’exclament dans les coulisses, les acolytes et hommes de main de ces cadres véreux, élus par et pour l’argent et n’ayant jamais fait l’objet d’enquête sérieuse de moralité, avant la validation de leur candidature. Comment peut-on ignorer jusqu’à certains points, d’où on vient, pour ne pas savoir ou comprendre, ce qu’on doit faire dans les limites du normalement correct? Pour se faire bonne conscience, des Maires murmurent : «Nous n’avons pas de salaire. L’Etat nous demande de faire preuve de plus d’initiative».
Alors, ils se croient tout permis et protégés contre tout, même des fautes sciemment commises. Ainsi, autour des Maires, sous leur impulsion, pour des actes insolites, se créent et s’organisent de véritables réseaux d’individus sans scrupule, d’affairistes léonins qui ne servent que leurs intérêts et ceux de leurs complices, tandis que sont relégués à l’arrière plan, les vrais problèmes des Communes, qui, dans un état de délabrement total, baignent toutes dans des immondices indescriptibles; des flaques et des ruisseaux d’eaux usées dans des rues avec des mouches, moustiques et rats dans tous les quartiers de Bamako et surtout ceux de la Rive gauche et des risques d’insécurité permanente. Dans les mairies, un nettoyage systématique sans état d’âme, s’impose.
Modibo Kéita, premier Président du Mali, a été Maire de Bamako, dans les années 50, Soungalo Coulibaly dans les années 60, Bourama Sidibé à Kati, Dramane Coulibaly à Ségou. Des lotissements et de grandes infrastructures ont été réalisés dans leur ville pendant leur mandat. Jamais Bamako, Kati et Ségou n’ont connu de problèmes fonciers cruciaux, comme ceux que nous vivons aujourd’hui dans ces localités.
Quel abus alors aujourd’hui, malgré les textes et lois, qu’on foule impunément aux pieds. Ces Maires, des années 50 et 60 n’étaient pas nantis de doctorat en Economie de développement ou en Droit. Ils n’ont fait que dix(10) années d’étude au plus. Mais par amour pour leur pays, l’ambition de le bâtir, leur sens élevé du devoir, de la responsabilité , le respect strict des textes et des lois et la considération qu’ils avaient pour la confiance de leurs mandants, ils ont accompli leur mission sur tous les plans, à la satisfaction des populations. Ce sont là, des exemples connus de tous, qui doivent inspirer les Maires d’aujourd’hui.
Pour l’information de leurs mandants, Monsieur le Président, le bilan des Maires avant les prochaines élections communales, doit comporter de façon claire: 1. Nombre de parcelles détournées. 2. Nombre de propriétaires de parcelle expropriés. 3. Nombre de tentatives d’expropriation. 4. Nombre d’espaces verts, d’aires d’agrément ou de portion de cimetière vendu ? Comment et à combien? 5. La part de la Commune et la part propre des Maires dans chacune de ces opérations.
Objectivement, à partir du vécu depuis vingt (20) ans, faut-il toujours laisser l’administration des Communes entre les mains des Maires «élus», comme par le passé? Ou faut-il trouver une autre forme d’administration des Communes et de désignation de leurs responsables?
Il faut une nouvelle forme d’organisation, d’administration des Communes et surtout de désignation des responsables communaux ; l’exercice de la mission de maires dans plusieurs de nos communes, ayant jusqu’ici conduit à la catastrophe.
Notre Administration d’Etat est gangrenée, dans des mairies des Communes encore plus. Pour la refondation de l’Etat, le groupe Maire-Délégués-Conseillers « élus » doit sauter, au profit de Délégués administratifs nommés pour la conduite des affaires des Communes, pour une période de dix (10) ans au moins. Le temps nécessaire, il nous semble pour mettre de l’ordre dans la baraque, en élaborant des textes et lois convenables pour l’administration et le développement réels des Communes.
A la lumière de l’expérience vécue pendant les 20 dernières années, les membres de la Délégation administrative des Communes, doivent être des citoyens ayant le sens de l’Etat. Leur désignation ne doit se faire qu’après de sérieuses enquêtes de moralité et de compétence.
La mission principale de la Délégation administrative, sera la réalisation des tâches définies ensemble avec les populations, visées par l’Etat dans le cadre d’un Programme National de Développement des Communes (PRONADEC). Une opportunité pour l’utilisation judicieuse des fonds alloués à cette fin et l’application correcte des politiques d’aménagement du territoire.
Après le problème du Nord, les problèmes qui assaillent dangereusement le pays, sont ceux de la corruption et du foncier. Ils méritent, qu’on leur accorde une très grande attention.
Daignez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments très respectueux.
Bamako, le 11 août 2014
Sékou Kéita, 76 38 98 71, sekou.keita12@yahoo.fr
Source: Le 22 Septembre 2014-08-14 13:35:19