« Le coup d’Etat a plongé le Mali dans un puits ». Lorsqu’on sait que cette phrase vient d’un ministre du gouvernement Diango Cissoko, en l’occurrence le ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, la déclaration a tout son sens dans le débat politique.
Cela fait un an, jour pour jour, qu’un coup d’Etat, mené par le capitaine Amadou Haya Sanogo, renversait le régime Amadou Toumani Touré. Et ce 23 mars au petit matin, les Maliens devaient se résoudre à accepter la dure réalité du jour. Les putschistes dénonçaient « la mauvaise gouvernance au sommet de l’Etat », notamment dans la gestion de la crise au Nord du pays.
Un an après, qu’est-ce qui a vraiment changé ? Rien ! S’empresse de répondre l’écrasante majorité des Maliens, qui voient en ce coup d’Etat, « un gâchis », « une aventure menée par un groupe d’individus pour parvenir à leurs ambitions personnelles ».
« Une bouffée d’oxygène pour les Maliens«
Le président du Collectif des patriotes (Copa, réputé très proche de l’ex-junte), réfute catégoriquement cette thèse. Pour Makan Konaté, « l’action menée le 22 mars 2012 est l’expression d’une révolte contre un système de mauvaise gouvernance ».
« Au moment du coup d’Etat, personne n’ignorait qu’on était dans une situation chaotique, notamment avec une armée en pleine déliquescence. A l’époque, nous pensions que le coup d’Etat a été salutaire, et beaucoup d’hommes politiques se sont rendus à Kati pour faire allégeance au capitaine Sanogo avant de se rétracter. Le coup d’Etat, pour nous, a permis aux Maliens d’ouvrir les yeux… », ajoute le président du Copa.
Selon le chef du regroupement pro-putsch, les réformes entreprises pour remettre l’armée dans les conditions dignes sont, entre autres, des acquis de ce coup d’Etat. En clair, au Copa on ne regrette pas le renversement de régime.
Au parti Sadi (autre formation pro putsch), on estime que le changement était bien présent à partir de l’action des militaires. Ce qu’on regrette ici, c’est la transition imposée par la Cédéao. « Le médiateur, Blaise, et Alassane Ouattara veulent imposer leur vision au Mali, alors que c’est au peuple malien de décider », explique Mohamed Ag Akératane.
Selon le secrétaire politique, chargé de la communication du parti Sadi, « le coup d’Etat a constitué une bouffée d’oxygène pour l’écrasante majorité des Maliens ». « On était asphyxié, le pays était en train de s’écrouler. Il fallait donc arrêter ce cycle », soutient le secrétaire politique de Sadi, pour qui le coup d’Etat constitue un espoir pour les Maliens de construire une démocratie saine, pour le bien-être social et économique du peuple.
« Aucun coup d’Etat n’est salutaire«
Interrogé sur la question, le porte-parole du FDR (front anti-putsch) est formel : le coup d’Etat n’a servi qu’à l’effondrement de l’Etat et l’encouragement de l’insécurité dans notre pays. Pour Amadou Goïta, les Maliens doivent s’investir pour éviter « un autre 22 mars » à notre pays. Le 22 mars 2012 a-t-il été un gâchis ? Il en rit.
Pour lui, la question ne pose pas, au regard de tout ce que ce coup de force a apporté comme conséquence au pays. La chute des régions du Nord, suivie de la souffrance de nos compatriotes par les jihadistes, l’image ternie du Mali, etc. pour le responsable du FDR, le constat est là.
M. Goïta réitère qu’aucun coup d’Etat n’est salutaire, surtout lorsqu’il intervient à deux mois des élections dans un pays. Ce que notre interlocuteur souhaite, c’est la tenue d’élections qui permettront aux Maliens d’avoir un président et un gouvernement issus du choix des urnes et qui leur redonneront espoir. Et pour cela, prévient le porte-parole du FDR, le futur président aura du pain sur la planche.
S’il y a quelque chose que certains citoyens regrettent amèrement dans le coup d’Etat du 22 mars 2012, c’est surtout le saccage de la Cité ministérielle par les mutins. Ce qui fera dire à ce cadre d’un département ministériel que l’administration malienne peine encore à se remettre au travail à cause des dégâts subis.
Pour lui, la perte de documents, le vol des coffres-forts, de matériels de travail et la destruction des installations du réseau informatique sont tellement énormes que l’amnistie accordée aux putschistes est une prime à l’impunité.
Un an après, le débat sur le coup d’Etat est donc loin d’être clos. Mais que l’on soit pour ou contre, les événements du 22 mars 2012 ont anéanti bien des espoirs.
Issa Fakaba Sissoko Indicateur 2013-03-22 01:08:07