Trump se sert de Londres pour défendre son décret anti-immigration

Le président américain Donald Trump à la Maison Blanche, à Washington, le 5 juin 2017 / © AFP / NICHOLAS KAMM
Donald Trump a continué lundi d’invoquer l’attentat de Londres pour défendre sa volonté de bloquer l’entrée des États-Unis aux ressortissants de certains pays musulmans, attisant les tensions avec le Royaume-uni et risquant de mettre en péril cette mesure controversée, bloquée en justice.
Enchaînant les salves sur Twitter depuis l’attaque, le président américain est revenu à la charge lundi matin, jugeant « pathétiques » les explications du maire de Londres, Sadiq Khan, qui s’était défendu d’avoir pris le terrorisme à la légère.
Des meetings de campagne aux salons de la Maison Blanche, le milliardaire républicain a gardé un même ton militant pour défendre ses mesures sur l’immigration et dénoncer le terrorisme jihadiste, éreintant ceux qui le critiquent. Quitte, cette fois, à ébranler la solide et longue relation unissant Londres et Washington.
« Nous ne laisserons pas Donald Trump diviser nos communautés », a fini par rétorquer Sadiq Khan, premier maire musulman de cette capitale fière de son cosmopolitisme, après avoir refusé de lui répondre dimanche. « Certains se nourrissent de la querelle et la division », a-t-il martelé sur la BBC.
Le maire a également renvoyé le président américain dans les cordes de son réseau social préféré, expliquant sur Sky News avoir des choses plus importantes à faire que de « répondre à des tweets de Donald Trump », alors que la ville se relève à peine de l’attaque, dans un pays plusieurs fois meurtri par des attentats ces dernières semaines.
– Colère des diplomates –
Au lendemain de l’attaque qui a fait sept morts, Sadiq Khan avait averti les Londoniens qu’ils allaient remarquer une présence renforcée de policiers armés, les appelant à ne pas s’en alarmer. Saisissant ces mots, Donald Trump avait accusé le maire de minimiser la menace.
« Nous devons cesser d’être politiquement corrects et nous mettre au travail sur la sécurité pour nos concitoyens. Si nous ne sommes pas malins, cela ne fera qu’empirer », a écrit le président dimanche.
En privé, des diplomates britanniques ne cachent pas leur colère face à ces propos. Et en public, la Première ministre britannique Theresa May a affiché sans détour son soutien au maire travailliste de Londres, opposant un démenti à peine masqué au président américain.
« Sadiq Khan fait du bon travail et c’est incorrect de dire le contraire », a déclaré la conservatrice.
Aux États-Unis, de nombreux diplomates et responsables politiques aguerris font part de leur grande gêne. « Mes amis du Royaume-uni: je m’excuse », a ainsi déclaré Ben Rhodes, un ancien proche conseiller de Barack Obama.
La Maison Blanche a de son côté tenté de minimiser les propos du dirigeant républicain. « Il ne me semble pas du tout que le président cherche la bagarre avec le maire de Londres », a estimé la porte-parole de l’exécutif Sarah Huckabee Sanders, accusant la presse d’en « faire trop » sur le sujet.
– « Justice politisée » –
Avec son avalanche de tweets, Donald Trump a ouvert un double front, en plongeant également son projet de décret anti-immigration, suspendu par la justice, dans des eaux troubles.
« Le ministère de la Justice doit demander un examen d’urgence de l’interdiction de voyager édulcorée devant la Cour suprême et demander une version beaucoup plus stricte », a-t-il déclaré lundi sur Twitter.
L’administration Trump a saisi jeudi la Cour suprême pour faire rétablir ce décret interdisant temporairement l’arrivée sur le sol américain aux ressortissants de six pays (Iran, Libye, Somalie, Syrie, Soudan et Yémen) et à tous les réfugiés.
Pour défendre sa constitutionnalité devant les juges, la Maison Blanche a joué la prudence, assurant que le décret ne représentait pas une « interdiction » d’entrer et ne ciblait pas spécifiquement les musulmans.
Rompant avec ces précautions, le président a ajouté: « Les gens, les avocats et les tribunaux peuvent l’appeler comme ils le veulent, mais je l’appelle comme nous devons le faire, c’est-à-dire une INTERDICTION DE VOYAGE! »
« Les tribunaux sont lents et politisés », a-t-il poursuivi dans une critique de la justice, extrêmement rare aux États-Unis de la part d’un élu.
Des messages qui dérangeaient jusque dans les cercles proches du président, comme en témoigne ce tweet de l’époux de sa proche conseillère, Kellyanne Conway.
« Ces tweets font que certains se sentent peut-être mieux mais ils n’aideront certainement pas » l’administration à obtenir le feu vert de la Cour suprême, a ainsi estimé George Conway, concluant – en parodiant une expression célèbre de Donald Trump – ses propos d’un simple « Sad » (Triste).

(©AFP / 06 juin 2017 08h00)