TRIBUNE:Le putsch le plus débile et la volonté manifeste de confiscation du pouvoir par le capitaine

Une chose est sûre, la nouvelle situation place la classe politique devant ses responsabilités à peser sur le cours de l’Histoire et constitue un test de la capacité du médiateur à fixer la ligne jaune à ne pas franchir en dehors de la Constitution de 1992.

Dans la crise que notre pays traverse, la classe politique malienne semble s’être passée le mot dès les premières heures de la mutinerie : « Surtout ne rien faire pour sauver la mise au président sortant ! »

Fidèle à cette ligne, un Front pour la défense de la démocratie et de la République fut monté à la hâte plus pour sauver les apparences que pour mener un combat déterminé contre une junte qui, il faut le préciser, peine à exercer une quelconque autorité au-delà de son réduit du camp de Kati. Tant qu’à faire semblant, il faut se laisser prendre à son propre jeu jusqu’au bout : deux manifestations symboliques rassemblant à peine un millier de personnes (le 26 mars 2012 et le jour de la mission avortée des chefs d’Etat de la Cédéao) ; c’est déjà beaucoup mais bien peu pour des partis qui représentent l’écrasante majorité des électeurs maliens.

Mais qu’importent les raisons de tant de tiédeur de la part des alliés d’ATT, les partis politiques significatifs sont obligés maintenant d’abattre leurs cartes s’ils ne veulent pas être les dindons d’une farce qui peut s’avérer moins rigolote qu’il n’y paraît avec un capitaine Sanogo qui conduit une transition à sa main et se porte candidat au bout du parcours pour se faire élire « démocratiquement » à la tête de l’Etat.

Il est urgent et important que les partis politiques sortent de l’attentisme et des jeux mesquins. Eux qui, comme Gbagbo et Guéï, rêvent de tirer les marrons du feu. Dans cet esprit, la campagne de calomnie et de dénigrement organisée contre le président Dioncounda Traoré est tout simplement minable et déshonore ses auteurs.

Prétendre que l’homme n’a pas de charisme et qu’il serait faible de caractère, c’est une insulte à la carrière militante de l’homme. Mariko et les groupuscules qui gravitent autour du Sadi ont entonné cette musique, mais que des personnalités comme IBK fassent chorus de cette insulte ab hominem est inacceptable.

Ce prétendu falot de Dioncounda a connu combien de fois la prison quant lui IBK se la coulait douce à Terre des hommes ? Le courage se mesure à l’aune du sacrifice physique et de la conviction. N’est-ce pas le même Dioncounda qui, en 2002, à choisi de soutenir Soumaïla Cissé malgré les liens personnels qu’il avait avec ATT et l’abandon du candidat par tous les ténors de l’Adéma !  Le courageux IBK n’a rien trouvé de mieux que d’aller se réfugier chez Bongo quand cela a commencé à sentir le roussi avec Konaré en 2001. C’est révoltant d’aller présenter Dioncounda comme une mauviette à des officiers subalternes dont la seule campagne militaire connue est d’avoir tiré des boulets de canon sur la présidence de la République.

Cette danse du ventre devant la junte mènera nombre d’hommes politiques au déshonneur à l’heure du bilan. Dioncounda a décidé de renoncer à son ambition pour le Mali. Nous lui demandons de rester digne de ce sacrifice de haute portée patriotique et de tenir la dragée haute à la junte et au médiateur.

Le Mali n’est pas un laboratoire d’expérimentation de schémas politiques inédits qui ne nous conduiront qu’à la catastrophe. Le temps est venu pour les partis de faire entendre leur voix, de mobiliser au besoin des milliers de militants de l’Adéma, de l’URD, du Parena, du PDES etc. Pour arrêter la mascarade.

Cette junte ne repose que sur le noyau d’excités qui joue les gros bras, Kalachnikov au poing, elle ne résistera à aucune vague populaire.

Le médiateur ne peut pas aussi rester impassible devant le hold-up constitutionnel et la transition sur-mesure que veut se tailler la junte. Si dans 40 jours, le capitaine Sanogo doit revenir diriger la transition autant lui laisser le pouvoir dès maintenant pour sortir de l’hypocrisie. On saura alors que le coup est consommé et qu’il appartiendra aux Maliens de se préparer à des mois, voire des années de lutte pour recouvrer la démocratie. Il est symptomatique de relever qu’en dehors de la Cédéao, tous les pays et organismes de coopération avec le Mali ont maintenu leurs sanctions, en l’absence d’engagement clair d’une junte qui n’est pas prête de s’écarter du jeu institutionnel.

On peut comprendre la perplexité du médiateur qui s’il ne devait pas réussir sa mission, aura eu le temps de connaître les Maliens dans ce qu’ils ont de plus misérable : petits calculs politiciens, commérages et lâcheté.

Même dans une ambiance aussi peu ragoutante, la médiation de la Cédéao à l’obligation de ne pas transiger sur les principes. La direction politique du pays est une question centrale qui conditionne tout le reste : au nom de quoi, des soldats ghanéens viendraient mourir pour l’unité territoriale du Mali quand des officiers subalternes propulsés à la tête du pays n’ont de souci que vider chaque fin d’après-midi les caisses de la douane malienne, des impôts, d’EDM et de toutes les régies financières de l’Etat ?

Si la Cédéao est réellement engagée auprès du Mali, le commandement des futures troupes doit s’installer au Mali dès la prestation de serment du président Dioncounda. La junte aura immédiatement des interlocuteurs sur les aspects militaires de la reconquête pour laisser le président par intérim et le gouvernement faire leur travail au plan politique pour recréer la confiance avec nos partenaires.

N’est-il pas curieux qu’un coup d’Etat perpétré au nom des conditions de l’armée dure maintenant depuis 3 semaines sans que le chef de la junte n’ait visité la moindre garnison, même à Koulikoro pour s’enquérir des conditions de vie des soldats ? Le rideau de fumée s’est estompé : ce groupe n’est mû que par l’exercice du pouvoir.

Proposition au capitaine Sanogo : s’il est si sûr que les partis politiques sont discrédités, il peut parfaitement démissionner de l’armée aujourd’hui pour être dans les délais constitutionnels et être le candidat officiel des partis lilliputiens qui le soutiennent. En cas d’élection par des voies démocratiques, tous les Maliens se soumettront à son pouvoir comme le veut la loi du suffrage universel. Toute autre concession à la junte serait une forfaiture que les partis paieront cash.

Abdoulaye Demba Tall

Citoyen et démocrate malien

L’Indicateur Du Renouveu 11/04/2012