TRANSPARENCE DANS LES INDUSTRIES EXTRACTIVES Vers une suspension du Mali de l’Itie : l’incompétence d’un cadre en cause

Pr Tiémoko Sangaré

L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie-Mali) est sur une pente glissante, conduisant inéluctablement à la suspension du Mali de cette organisation. En cause : les agissements et l’incompétence du secrétaire permanent de l’institution, Boubacar Tienta.

Le Mali a adhéré à l’Itie et a été déclaré pays conforme à la norme de cette Initiative depuis le 29 août 2011. C’était grâce aux efforts du gouvernement et de toutes les parties prenantes, notamment les sociétés minières, la société civile, la Banque mondiale, la Coopération allemande (GIZ) et d’autres partenaires. L’Itie compte aujourd’hui 51 pays membres. Ils désignent des hauts cadres pour sa direction.
Depuis la mise en place des organes de la structure notamment le comité de supervision, présidé par le Premier ministre, et celui de pilotage, présidé par le ministre des Mines, la transparence et la bonne gouvernance sont le socle du secteur extractif. L’un des critères d’admission à l’Itie – nommer un haut représentant chargé de sa mise en œuvre au comité de pilotage et au secrétariat permanent – est observé.
A l’annonce du départ de Djibouroula Togola, ancien secrétaire permanent et conseiller technique, toutes les parties s’attendaient à la désignation d’un cadre expérimenté dans l’administration ou dans le secteur minier. Mais, à la grande surprise, en 2014 Boubacar Tienta a été parachuté à ce poste. Il a suffi quelques jours pour voir ses comportements contraires à la norme. Du coup, il a exposé la structure à la rétrogradation.

Les agissements
Les efforts consentis jusque-là et les progrès réalisés dans le secteur s’effritent peu à peu. En effet, il nous est revenu que lors des sessions du comité de pilotage et de supervision, M. Tienta lit les présentations sans faire de commentaires et ne daigne même pas répondre aux questions à lui posées, si ce n’est l’intervention de ses trois assistants.
Ses participations aux réunions internationales sont sans compte rendu officiel (cas de l’Itie internationale au Pérou). Alors qu’il s’apprêterait à participer à un atelier de formation sur la norme Itie en Côte d’Ivoire. Au lieu d’envoyer des techniciens comme le font certains pays.
Notre source précise que les messages envoyés par l’Itie internationale sont directement transmis dans sa boîte personnelle au lieu de la principale boîte de l’Itie-Mali. Si bien que les informations ne sont pas communiquées au comité de pilotage.
Aussi, on parle d’un véhicule TX Toyota mis à la disposition de l’Itie par GIZ pour les missions du comité de pilotage et du secrétariat. De nos jours, cet engin est utilisé pour les courses privées de la famille de M. Tienta. Après qu’il a garé la deuxième voiture Peugeot fond bleu utilisée pour les mêmes causes et réparée à hauteur de quelques millions aux frais de la GIZ, sans oublier le carburant utilisé illégalement.

Budgétivore
Boubacar Tienta n’a aucune expérience, ni dans l’administration ni dans le secteur minier. Plus étonnant, son contrat salarial dépasse tout entendement, au regard de la taille et du budget de la structure. Il gagne 1,2 million de F CFA net par mois, c’est la grande partie du budget de l’Itie-Mali qui est consacré à son salaire. Cela entrave l’atteinte des objectifs du comité de pilotage.
Pis, à chaque ouverture des crédits, la direction des finances et du matériel (DFM) du ministère des Mines est obligée d’adresser des demandes d’ouverture par anticipation pour que les salaires du personnel du secrétariat puissent être payés. Un tour à la DFM-Mines et à la direction du budget permettrait de comprendre la charge inutile que cet individu constitue pour l’Etat et les organes de l’Itie-Mali.

Incompétence
Le secrétaire permanent de l’Itie-Mali est M. Tienta du titre de géologue alors que ses camarades de service se demandent si réellement il connait les phases d’une opération minière. En clair, sa désignation est contestée par certains représentants au comité de pilotage, qui l’ont ouvertement manifesté lors d’une réunion de pré validation du Mali. Ceux-ci pensent même que dans le choix de Tienta, un indicateur relatif à la désignation d’un haut représentant n’est pas respecté.
Ensuite, le désir de celui-ci de faire passer son contrat pour un CDI n’a pas reçu l’aval de l’ex-ministre Cheickna Seydi Ahamadi Diawara. Sa prise en charge, plus élevée que ceux du personnel du secrétariat, crée l’injustice et la démotivation à l’Itie-Mali.
Son inexpérience et sa méconnaissance de l’administration ont même poussé certains à la démission. Pis, certains partenaires ont reconsidéré leur accompagnement de la structure. C’est le cas de la Banque mondiale qui avait financé en 2015 à hauteur 120 millions de F CFA. Elle a refusé d’accompagner le Mali en 2016 à cause de la gestion opaque de ces fonds, malgré leur externalisation au Pase.

Sortir de la léthargie
Nos sources sont formelles : tout va de Charybde en Scylla, acheminant le Mali vers la perte de sa conformité ou sa rétrogradation à sa prochaine validation. Un processus qui doit s’achever avant la fin de l’année à cause de l’incompétence du responsable de l’Itie-Mali.
Le ministre des Mines, Tiémoko Sangaré, et les parties prenantes du comité de pilotage sont fortement interpellés pour éviter une probable suspension du Mali. Certaines parties ne manqueront pas de dire clairement aux experts évaluateurs qui arriveront bientôt au Mali. Et d’autres n’hésitent plus à impliquer le syndicat pour le retrait pur et simple du contrat de travail de Tienta.
En somme, pour mettre le bureau Itie-Mali sur la voie du progrès, tout le monde s’accorde qu’il faut un haut responsable fonctionnaire à la place d’un novice.
A. M. C.