Le président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta et le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, ambitionnent refonder la gouvernance du Mali ; alors qu’ils sont censés passer le pouvoir à de nouvelles autorités élues, disposant d’un programme de gouvernement.
Même s’il parvient à poser les bases de la « refondation de l’Etat » du Mali, il est à priori impossible que les dirigeants actuels contraignent le prochain pouvoir à demeurer dans cette dynamique politique, celle de refonder l’ensemble des institutions du pays.
En effet, si la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants choisis à travers les urnes, c’est donc au peuple malien d’opter pour des réformes majeures par les prochaines échéances électorales. Les candidats aux prochaines élections qui auront proposé des programmes de refondation devraient donc bénéficier de la confiance du peuple. Ce n’est pas à un pouvoir d’exception, issu d’un ou de deux coups d’Etat, de faire un forcing politique pour aller à contre-courant des normes internationales.
Cette posture doit être comprise par le pouvoir du Colonel Assimi Goïta, qui doit comprendre qu’il lui sera difficile de faire un passage en force pour opérer les réformes qu’il souhaite et surtout dans des délais souhaitables. Non seulement, il s’expose à l’hostilité de la communauté internationale, mais aussi et surtout à l’adversité d’une classe politique peu collaboratrice.
C’est cela qui a conduit à la situation d’impasse dans laquelle le pays se trouve depuis plusieurs mois. Et, comme la sagesse populaire le dit, « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Même si la crise malienne est liée à de nombreuses tares de la gouvernance du pays, il est évident que nul ne peut vouloir traiter ce mal par une refondation brusque, comme par l’effet d’une baguette magique. La thérapie de relèvement ne peut qu’être progressive, consensuelle et inscrite dans la durée, car elle concerne aussi et surtout un changement de mentalité de l’homme malien. Il est donc absolument illusoire de penser qu’un pouvoir militaire de transition peut décréter le changement par un claquement de doigts et le concrétiser, même si c’est sur une durée de deux à trois ans. C’est cette posture qui a conduit le pays vers une hostilité de la part des dirigeants de la sous-région ouest-africaine et même d’une partie de la communauté internationale. Ce qui a entraîné des sanctions économiques et financières, même si celles-ci ne se justifient pas, à la fermeture des axes de coopération, dont des aides budgétaires non négligeables. Conséquences : le pays se retrouve dans d’énormes difficultés, frappé par une grave tension de trésorerie. Et cette crise existentielle (financière) pourrait, du reste, compromettre la mise en œuvre de grandes réformes.
Cette situation pousse à se poser la question de savoir si la dynamique de refondation de l’Etat doit être poursuivie contre vents et marées. La volonté de refonder l’Etat malien mérite-t-elle autant de sacrifices et de souffrances pour le peuple ? Aujourd’hui, ces souffrances n’ont-elles pas pour noms crise alimentaire, crise financière, blocage des transactions économiques et financières pour les opérateurs économiques, cherté de la vie, chômage et paupérisation accentué des populations, difficultés d’approvisionnement du pays en denrées alimentaires,, etc ?
Dans la perspective du sommet de la CEDEAO du 4 juin prochain, le chef de la Transition doit se résoudre à l’adage selon lequel « A l’impossible, nul n’est tenu ». Il doit alors lâcher du lest pour accepter la proposition de raccourcir le délai supplémentaire de cette transition à la durée minimale et suffisante à l’essentiel… Ce qui doit obliger le pouvoir à prioriser juste l’essentiel pour aller aux élections et retourner à la normalité constitutionnelle. C’est à ce prix que l’on évitera des lendemains encore plus incertains au Mali.
Baba Djilla SOW