Paniers, touchdowns et buts pleuvent cette saison dans les grands championnats professionnels nord-américains, résultat, pour partie, de changements de règles qui favorisent l’attaque et le spectacle, arguments de poids dans la conquête d’une audience globalisée.
Jamais, depuis sa création, la NFL, la ligue professionnelle de football américain, n’avait vu autant de touchdowns marqués en une saison régulière, avec le 1286e inscrit dimanche, lors de la dernière journée de l’exercice 2018.
Côté basket, en NBA, il faut remonter à 32 ans pour voir, comme cette saison, toutes les équipes du championnat afficher un rendement offensif de plus de 100 points par match (117 points pour Milwaukee, la meilleure attaque, 100,4 pour Chicago, la moins prolifique).
En NHL, le championnat phare de hockey sur glace, pas de record, mais des chiffres en nette hausse, plus vus depuis 13 ans.
Dans les trois cas, ce feu d’artifice est en bonne partie le fruit de changements de règles, mais aussi de consignes données aux arbitres.
A l’instar de la NHL qui a réduit, plusieurs fois, la taille des protections de ses gardiens, les ligues compensent l’émergence de joueurs beaucoup plus rapides et plus athlétiques que leurs prédécesseurs, susceptibles, sans modifications, de verrouiller le jeu par leur défense.
Mais la philosophie générale semble aller bien au-delà, en décalage avec le premier sport au monde, le football, moins porté sur le changement.
« La NBA prône la liberté de mouvement depuis plus de dix ans », a observé l’ancien ailier des Celtics Paul Pierce sur la chaîne ESPN, début octobre, « donc je ne trouve pas surprenant qu’ils tournent tout vers l’attaque, parce que soyons honnête, le basket offensif, c’est excitant ».
En poussant le curseur, le sport professionnel a même fini par bousculer le sacro-saint adage selon lequel un titre ne pouvait se gagner qu’en défense.
Les deux finalistes du dernier Super Bowl, Philadelphie et New England, avaient les deux meilleures attaques de la NFL, tandis qu’en NBA, la machine offensive Golden State a raflé trois des quatre derniers titres.
Pour la première fois dans l’histoire du sport moderne aux Etats-Unis et au Canada, l’attaque fait l’unanimité, que ce soit sur le plan des intérêts sportifs ou économiques.
En NFL, les arbitres ont reçu pour consigne de protéger les quarterbacks et receveurs des plaquages violents, ce qui a également permis de réduire les blessures sérieuses, dans une ligue où la violence est un sujet récurrent, remarque Michael Lewis, professeur de marketing à l’université d’Emory (Atlanta).
– Génération « highlights » –
L’accélération de l’attaque s’inscrit dans une nouvelle ère de l’industrie du sport, où les grands championnats veulent capter une part de cette audience désormais mondialisée, synonyme de nouvelles sources de revenus.
« L’enthousiasme que génère l’attaque peut être relié à l’intérêt des fans et à leur investissement, ce qui est intéressant en soi », souligne David Abrutyn, associé au sein de la société de conseil Bruin Sports Capital.
Avec la révolution numérique et le développement des technologies mobiles, les modes de consommation du sport sont démultipliés et beaucoup plus personnalisés, relève-t-il, ce qui permet d’exploiter à l’infini les images de buts, touchdowns, tirs à trois points et autres dunks.
« Les temps forts (highlights) et les contenus (vidéo) de format court », qui comprennent essentiellement les meilleures actions offensives, « sont, sans conteste, des outils économiques, attractifs pour les fans », explique David Abrutyn.
Ligues et championnats se livrent désormais une concurrence frontale et se positionnent même, plus généralement, face à toutes les formes de divertissement, pour séduire bien au-delà des fans habituels, en particulier au sein de la génération YouTube.
Se pose néanmoins la question du bon calibrage des attaques, pour ne pas s’aliéner une partie du public, en particulier les puristes, qui pourraient y voir un dévoiement.
Michael Lewis rappelle que, durant les années 70, la NBA a, un temps, souffert d’une réputation de championnat sans saveur, où les attaques déroulaient sans fin, ce qui a nui à son développement.
Cette saison, dit-il, « une partie des fans est clairement mécontente de ce qu’a fait la NFL et a l’impression qu’il est devenu impossible de plaquer un quarterback ».
Pour autant, après deux saisons de net recul, les audiences TV de la NFL sont en hausse sensible, entre 4% et 8% selon les chaînes.
« Pourriez-vous être trop radical? » dans l’évolution des règles, interroge David Abrutyn. « C’est tout à fait possible, mais je pense que ces championnats emploient plein de gens talentueux qui empêcheront que ça n’arrive. »