TOUR DE LASSA : La liberté confinée pour sauver la communauté

Ce dimanche matin (22 mars 2020), confiné dans la «Tour de Lassa», j’ai eu tout le loisir de réfléchir sur notre sort face à la menace planétaire du Coronavirus  (COVID 19). Une menace réelle accentuée par nos traditions socioculturelles et les mauvaises habitudes. Et immédiatement, il m’est venu à l’esprit une histoire entendue la veille sur une radio internationale.

C’est l’histoire d’une créatrice de mode uruguayenne qui, au retour d’un voyage en Espagne, a contaminé 44 personnes en participant dès le lendemain à un mariage qui réunissait 500 invités. Elle avait réagi en faisant croire qu’elle ne présentait aucun symptôme à son retour. Une ignorance feinte ? Visiblement car elle n’aurait cessé de violer les conditions de sa mise en quarantaine jusqu’à ce qu’elle soit confinée de force dans une structure publique.

En pensant aux rassemblements dans les rues et ruelles, sous des hangars de bâches le jeudi 19 et dimanche 22 mars 2020 pour la célébration des mariages un peu partout dans notre capitale, on ne peut qu’être effrayé par notre vulnérabilité à ce virus, à cette pandémie. Imaginez qu’une seule personne dans cette foule soit contagieuse à son insu. Connaissant nos habitudes lors de pareils rassemblements, c’est la porte ouverte une crise sanitaire.

Comme le dit une amie activiste, «c’est tout le problème du Mali». Et de poursuivre, «en une seule journée un porteur peut contaminer 10 personnes, chacune de ces personnes vont infecter 10 autres personnes et ainsi de suite». Cette pandémie est à prendre très au sérieux car même si aucun cas n’a été détecté, cela ne signifie pas que ce virus est absent : il travaille en silence sans se faire voir. Mais une fois là, il est déjà trop tard pour empêcher sa propagation à une large échelle.

Nous sommes donc nombreux à passer outre les mesures édictées par le gouvernement. Et sans compter cette jeunesse insouciante et irresponsable prête à tout pour assouvir ses vices ou se livrer à la débauche. Un tour dans la capitale malienne dans la nuit du vendredi au samedi (20-21 mars 2020), nous a donné la chair de poule. On a l’impression que le COVID 19, c’est pour les autres. Sinon nous, les jeunes notamment, bénéficions d’une immunité miraculeuse. Et pourtant, face au coronavirus, personne n’est invincible !

«Aujourd’hui j’ai un message pour les jeunes : vous n’êtes pas invincibles. Ce virus peut vous conduire à l’hôpital pendant des semaines et même vous tuer. Même si vous ne tombez pas malade, les choix que vous faites dans vos déplacements peuvent être une question de vie ou de mort pour quelqu’un d’autre», a averti Tedros Adhanom Ghebreyesus, le Directeur général de l’OMS, lors d’une conférence de presse en ligne animée depuis Genève (Suisse) le vendredi 20 mars 2020.

Il est vrai que les autorités doivent se donner les moyens d’une application stricte de leurs décisions. Mais, chacun de nous est le premier responsable de sa vie.  Malheureusement le sens de la responsabilité est l’une des valeurs sacrifiées avec l’avènement de la démocratie au Mali. Chacun se croit libre de tout faire  même si son acte expose une majorité de personnes autour de lui à des dangers.

Respecter ou non les mesures préventives est une décision personnelle avant d’être une responsabilité collégiale. Malheureusement, l’incivisme,  l’indiscipline, la manie de toujours de tester ou défier l’autorité de l’Etat… sont dans l’ADN du Malien depuis l’avènement de la démocratie. Et cela parce que nous avons compris la liberté comme le droit de tout faire. Cette liberté acquise par le sang des Martyrs n’est pas restrictive pour le Malien. Elle nous autorise tout au péril de notre propre vie et de la sécurité de la communauté.

«Tremblements de terre, tempêtes de sable ou de neige, cyclones, tsunamis… Quand les éléments de la nature se déchaînent, l’homme semble être autant fasciné qu’il est condamné à l’impuissance. Pourtant, il se pourrait que de tels spectacles lui permettent de découvrir une part essentielle et insoupçonnée de son être», disait Emmanuel Kant. Selon le philosophe allemand, l’homme fait l’expérience du sublime face aux catastrophes naturelle. «Entre plaisir et sidération, il découvre la raison qui lui donne la liberté», a-t-il écrit.

Face alors à la menace du COVID 19, la liberté doit faire place au bon sens, au sens de la responsabilité. Alors espérons que cette menace va réveiller en nous le sens de la responsabilité. La liberté qu’on doit revendiquer aujourd’hui et que nous devons être fiers de manifester, est celle de refuser d’être la courroie de transmission de cette terrible maladie dans nos familles, dans nos écoles, dans nos clubs, sur notre lieu de travail, dans la communauté et dans le pays ! Il ne s’agit pas de paniquer face aux premiers cas ! Mais d’adopter des comportements responsables pour briser la chaîne de transmission.

Acceptons alors que notre liberté soit confinée pour notre bien, pour le bien de la communauté !

Moussa Bolly

LE MATIN