Dans la seconde et dernière partie de la communication de Toumani Djimé Diallo, alors 1er secrétaire aux relations extérieures et à l’intégration du RPM, sur la politique d’alliances du RPM, il invitait ses camarades à se ressaisir en ces termes : « Prenons garde. Si les démocrates ne se ressaisissent pas, s’ils ne songent pas à réhabiliter le politique, s’ils perdurent dans leur lutte pour leurs développements propres, à travers des machins autoproclamés partis, mais en réalité appareils de promotions individuelles, alors, le bilan de la 3ème République serait très vite fait. Et se résumerait, malheureusement, à ceci : 1. La 3ème République a duré une vingtaine d’années ; 2. La première décennie a tué l’Ecole, quoique placée sous le leadership d’un enseignant ; 3. La seconde a tué, à la fois, l’Etat laïque et l’armée, quoique sous le leadership d’un général »
Il y a juste un mois, jour pour jour, j’ai exposé au BPN une note sur ce qui pourrait fonder la politique du RPM en matière d’alliances. Il m’a été demandé de produire un texte sur la feuille de route qui pourrait en découler. Tel est l’objet de la présente communication.
Je commencerai cette communication par chercher à me rassurer m’être bien fait comprendre, le 19 août dernier. En un second temps, j’essaierai de dégager les grandes lignes des enseignements que l’on pourrait tirer de l’expérience du RPM en matière d’alliances. Enfin, je proposerai un plan d’action, assorti d’un chronogramme pour la période de septembre 2009 à janvier 2010.
1. Rappel des points essentiels de la note du 19 août.
Les alliances nouées entre les partis politiques de la naissance de la Troisième République à nos jours ont toutes brillé par leur manque de cohérence et de lisibilité.
Cet état de fait trouve son origine dans un certain nombre de phénomènes, parmi lesquels :
a) le faible ancrage sociologique du système partisan malien.
Qui explique, en grande partie, l’indifférence populaire pour les élections. La mission fondamentale des partis étant de « concourir à l’expression des suffrages », la question de la légitimité de la classe politique toute entière se trouve ainsi posée ;
b) l’émiettement du système partisan :
L’espace politique malien se compose en effet d’une bonne centaine de partis, avec des « projets de société » quasiment consanguins. Cette atomisation est le fruit :
– du laxisme de la charte des partis en matière de création et de financement public ;
– des implosions observées au niveau des associations et mouvements politiques du mouvement démocratique, aussitôt le multipartisme instauré dans le pays,
– des scissions survenues au sein des partis politiques, suite à des conflits d’intérêts de types carriériste ou/et de chocs d’ego hypertrophiés ;
c) l’absence de base politique réelle aux alliances conclues :
Envisagées, plus comme des raccourcis vers le lucre du pouvoir, que pour le confort de projets de société, il s’est agi d’alliances de très court terme, rapidement concoctées, parfois subrepticement, la veille des échéances électorales, pour en général se dénouer aussitôt passées ces élections ;
d) leur limitation dans l’espace national.
Aucun parti malien n’est en alliance formelle avec d’autres partis africains. Certes, certains entretiennent des relations partisanes continentales ou intercontinentales, soit bilatérales, sur des bases dont l’éclectisme trahit du reste l’absence de principes directeurs, soit dans le cadre de structures multilatérales souples, du genre Internationale Socialiste ou Internationale Libérale. Mais ça s’arrête là.
Bref, de ces différents handicaps, il découle qu’on a affaire à des « alliances dans la contradiction », pour reprendre les termes de Bakary Camara. Qui ont généralement abouti à des alliances contre nature. La fracture du système partisan s’en est trouvée aggravée, au lieu d’être réduite. Son extrême morcellement s’est renforcé, au lieu des remembrements qui eussent été salutaires.
Et, plus fondamentalement, le triste spectacle offert par ces alliances, avec leurs lots de transhumances de partis et de militants, a freiné le processus de légitimation populaire des partis politiques maliens. Pire, le mépris du peuple pour le politique, assimilé à la politique politicienne et à une lutte d’intérêts particuliers, s’est approfondi.
Or, camarades, lorsqu’une démocratie représentative se caractérise par une profonde crise de légitimité de la classe politique, elle devient une proie facile pour les deux prédateurs qui la guettent en permanence :
– La tentation bonapartiste du recours à l’auto plébiscite d’un homme providentiel. C’est exactement ce qui se passe sous nos yeux au Niger, en Mauritanie et à Madagascar. C’est également ce à quoi Moussa Dadis Camara s’essaie en Guinée. C’est, en une forme plus subtile il est vrai, la situation qui prévaut au Mali, où un homme, issu de l’armée, dirige le pays sans parti politique propre (du moins officiellement), mais avec le soutien proclamé de pratiquement toute la classe politique.
– La non pertinence de l’Etat, avec comme corollaire, l’affaiblissement de son autorité. Or, en l’absence d’un Etat fort, tout devient possible dans un pays. Y compris la montée en puissance du grand banditisme, avec le cas extrême de la Guinée Bissau, où les narcotrafiquants se sont tout simplement emparés de l’Etat. Y compris, également, l’exacerbation des revendications identitaires et communautaires défiant l’Etat central, généralement sous l’impulsion de populistes ultraconservateurs, et mettant en péril, l’unité nationale, l’intégrité territoriale, si ce n’est le fondement même de l’ordre républicain et démocratique, à savoir l’Etat laïque. N’est-ce pas ce qu’il y a lieu de craindre pour le Mali actuellement ?
Sur un tout autre plan, et outre tout ce qui précède, la politique d’alliances du RPM, en vue notamment de 2012, doit intégrer l’inédit de la situation actuelle du pays. A savoir que la constitution en vigueur ferme totalement la porte à une éventuelle candidature du président en exercice. Elle ferme la porte également, sauf interprétation contraire de la Cour Constitutionnelle, à une candidature de son prédécesseur. En outre, aucun parti politique ne se trouve en situation de conservation du pouvoir. Le jeu est donc en principe très ouvert.
Dans un tel contexte, la nouvelle politique d’alliances du RPM devra :
– être, politique en premier lieu, et non simplement électorale ;
– être fondamentalement stratégique et non uniquement tactique ;
– transcender l’actuel clivage majorité/opposition devenu un non sens de fait ;
– dépasser tout ce qui pourrait refroidir les relations entre le président du parti et les deux derniers présidents de la République ;
– faire en sorte que l’échéance 2012 soit considérée comme un palier vers la réunification à terme des démocrates républicains ; et enfin
– s’intégrer dans un cadre au moins sous régional.
2. Quelles leçons tirer des expériences du RPM en matière d’alliances ?
Le RPM a participé à deux alliances, depuis sa création, compte non tenu des alliances passées çà et là, au gré des spécificités locales, à savoir Espoir 2002 et FDR.
D’abord, qu’est-ce qui a pu les motiver ?
a) Concernant Espoir 2002 :
L’objectif du RPM était de disposer d’un instrument lui permettant de briser la politique du « Tout sauf IBK » dont le pouvoir d’alors ne se cachait pas.
Quant à ce qui concerne nos partenaires, l’opinion la plus partagée au sein du RPM attribue leurs motivations à une quête de portage politique et d’appui matériel et financier.
Il faut bien entendu ajouter à cela des motivations spécifiques.
Le CNID, par exemple, a participé et continue de participer à toute alliance politique excluant l’ADEMA.
Dans le cas du MPR cette alliance avait l’avantage de le doter d’un « ticket de respectabilité démocratique », lui qui n’hésitait point à assumer « l’héritage de l’UDPM du Général Moussa Traoré ». Quelle belle opportunité en effet, que d’aller en alliance, contre l’ADEMA, mais avec l’ancien Premier ministre de ce parti qui passe pour avoir été le sauveur de son régime. De ce point de vue, l’intergroupe parlementaire ADEMA – URD – MPR, qui vient de se créer, scelle définitivement cette évolution.
L’alliance ainsi fondée a pu survivre à l’échec des candidats à la présidentielle de 2002.
D’abord parce que cet échec a été plus qu’honorable. Le candidat Espoir 2002 le mieux placé, le président de notre parti, a été écarté du second tour, mais avec un gap de seulement 4000 voix environ, après que 500 000 voix aient été annulées sur un total de votants de l’ordre de 2 millions. En outre, des urnes ont été portées disparues dans la capitale, fief à l’époque du candidat du RPM, disparitions explicitement mentionnées dans l’arrêt de la Cour Constitutionnelle. Leur comptabilisation aurait suffi pour changer la donne. De même qu’une candidature unique d’Espoir 2002. Mais enfin …. !
Ensuite, la perspective des législatives militait en faveur du maintien de cette coalition. Elle les gagnera en fait, frisant de peu la majorité absolue, mais n’atteindra jamais cette dernière. Au contraire, l’alliance a volé en éclats, victime de la gouvernance de consensus déployée par ATT et de l’exacerbation de ses luttes internes pour des intérêts particuliers.
b) Concernant le FDR :
La participation du RPM au FDR se fonde sur la même motivation, à savoir cette hantise quasi atavique à ne pas se retrouver seul, comme s’il était aussitôt pris de vertige.
Or, bien qu’ayant appelé à voter ATT au second tour de la présidentielle de 2002, il finit par troquer sa place dans la majorité présidentielle contre celle de chef de file de l’opposition, libérant un statut que l’URD, parti créé par le challenger de ATT en 2002, se dépêchera d’occuper.
Et pour mettre un terme dans l’inconfort de sa position d’opposant participant au gouvernement de consensus, il quitta ce dernier, en ne laissant aucun doute sur sa volonté de présenter un candidat en 2007. En réaction, le pouvoir s’est attelé à le laminer, sans état d’âme.
Le PARENA le rejoindra dans l’opposition, mais après un parcours plutôt curieux.
Tiébilé Dramé, président du PARENA, a toujours entretenu d’excellentes relations avec ATT. Elles ont été tissées dans les années 80, au camp para où, leader estudiantin, Tiébilé avait été un moment détenu. Le camp para était alors placé sous le commandement de ATT, qui réussit à forcer la sympathie de tous les patriotes qui y étaient incarcérés. Durant la Transition, ATT le fit rentrer d’exil, pour lui confier le porte feuille du Ministère des Affaires Etrangères. A l’entame de la 3ème République, le portrait de ATT était le seul à trôner sur son bureau, au journal qu’il créa alors, Le Républicain. ATT lui confia l’organisation du Sommet France Afrique. Elle donna lieu à sombre affaire de mauvaise gestion, dont les historiens écriront peut-être les tenants et aboutissants, mais qui fut à l’origine de leur rupture. Celle-ci fut aussi brutale qu’avait été forte leur amitié. Et le PARENA bascula aussitôt dans le camp de l’opposition.
Autre composante principale du FDR : Convergence 2007, mouvement politique créé autour de Soumeylou Boubèye Maïga, ancien Vice Président de l’ADEMA, ancien directeur de la Sécurité d’Etat, ancien ministre de la Défense, candidat malheureux aux primaires ADEMA pour la présidentielle de 2002. Constatant que le Président ATT briguerait un second mandat, et persuadé que son parti ne présenterait pas de candidat, il déclencha une fronde qui se solda par son exclusion.
Inspiré par l’ADJ, mouvement créé par des cadres ADEMA inquiets des « dérives démocratiques ambiantes », et auquel plusieurs cadres RPM ont adhéré, le FDR n’eut aucun mal à réunir le RPM et le PARENA dans un front pour l’alternance dès le scrutin de 2007. Y ont également participé, la CDS de Blaise Sangaré, ainsi que de nombreux partis de la mouvance RPM. Dès sa naissance, il s’est assigné pour objectif de refonder la démocratie représentative malienne et de lutter contre la ploutocratie.
Tout comme Espoir 2002, les principales formations politiques du FDR sont allés à la présidentielle en rang dispersé. Mais contrairement à Espoir 2002, il n’a pas survécu à l’échec du de la présidentielle, Amadou Toumani Touré ayant été élu au 1er tour. Dès les législatives suivantes, l’alliance s’est brisée sur le socle des réalités locales. Ainsi, dans le cas particulier de Nioro, fief de Tiébilé Dramé, le PARENA a préféré composer avec l’ADEMA et l’URD, plutôt qu’avec le RPM. De même, après les législatives, il opta pour la real politique, en créant un groupe parlementaire avec SADI, plutôt que de constituer, avec le RPM, un groupe parlementaire FDR. Le projet d’intergroupe réunissant les groupes RPM et PARENA-SADI est, encore de nos jours, resté au stade de projet.
Finalement, tout comme Espoir 2002, mort sans délivrance de certificat de décès, le statut juridique actuel du FDR est des plus flous. L’alliance est tombée en léthargie. Sa présidence tournante s’est arrêtée de tourner. Les militants de Convergence 2007 sont retournés au bercail. Le mouvement ADJ a fini, tel un feu follet. La CDS est invisible et inaudible, depuis la perte de ses sièges de députés élus à Bougouni. Bref, le FDR est sur cales.
Alors, quelles leçons tirer de ces expériences ?
La première est qu’il ne faut plus que le RPM s’engage dans des regroupements purement conjoncturels. A défaut de partir sur des bases claires et avec une vision à long terme, il serait plus payant, pour lui, de chercher plutôt à exorciser sa peur de la solitude, à s’employer à mieux affirmer son identité, à approfondir la mobilisation, verticale et horizontale, des militants et des électeurs. Il faut que le RPM se débarrasse de son complexe de la marginalisation. Mais aussi, qu’il se départisse de son statut d’éternelle victime, qu’il assume sa part de responsabilité dans l’échec de ses expériences d’alliances.
La seconde leçon à tirer est d’ordre organisationnel. Il faudrait à l’avenir, que les alliances se structurent à 3 niveaux :
– un premier niveau de conférence des secrétaires chargés des Relations Extérieures, agissant un peu comme une conférence des ministres des Relations Extérieures. A ce niveau, doivent se traiter toutes les négociations de base, avec une compétence décisionnelle dans des domaines à définir. Chaque secrétariat agissant bien entendu sous le contrôle de la direction du parti.
– Un niveau conférence des Présidents et Premiers secrétaires, pour définir les grandes orientations et pour prendre les décisions dans les domaines dépassant la compétence du 1er niveau, mais obligatoirement instruites par lui. Il faut éviter autant que possible la pratique du passé, où les présidents se réunissaient, se saisissaient de dossiers essentiels, sans aucune préparation en amont, pour traitements et décisions immédiats et simultannées.
– Un niveau conférence de Secrétaires généraux, chargés de la coordination de l’exécution des décisions.
Dernière leçon que je soulèverai ici : Il faut rompre avec une définition des alliances au sommet, sans implication, ni même information, des militants à la base. N’est-ce pas ce que l’on va perpétuer avec la signature prochaine, le 26 septembre, du Manifeste pour la création d’un parti de gauche ?
Les alliances politiques seront véritablement porteuses le jour où elles trouveront véritablement écho à la base, et que, à quelques rares exceptions près liées à des spécificités locales bien identifiées, se prolongeront au plan organisationnel dans les régions, voire les cercles.
3. Plan d’action et chronogramme
Accordez-moi de faire l’impasse sur la typologie des partis maliens, c’est-à-dire, sur l’identification des différents partis à travers l’analyse de leurs projets de société, le cas échéant, sinon de leurs projets politiques, à travers également les forces et les faiblesses de chacun. Les débats seront à même de mieux nous édifier, sur ce plan.
Disons que, dans la centaine environ de partis existant dans le paysage politique malien, une douzaine seulement se détachent du lot, et tentent d’animer l’action politique dans le pays. Ce sont l’ADEMA, l’URD, le RPM, le MPR, le CNID, la CODEM, le PARENA, la SADI, l’US-RDA, le BDIA, le PIDS, l’UDD, le MIRIA et le PSP.
Les autres partis vivent en général en « satellites » de ces derniers, dans les alliances concoctées à l’approche des scrutins électoraux.
L’objectif stratégique étant la création à terme d’un grand parti démocratique et réellement populaire, il s’agira :
– de conclure, dans les meilleurs délais, avec les partis ayant manifesté une volonté de fusion ou de création d’une nouvelle entité, à savoir le PARENA et le MIRIA ;
– d’inclure dans cette dynamique les partis ayant toujours accompagné le RPM ;
– de faire partager par l’ADEMA, l’URD, le MPR, le BARA, en un premier temps, et, en un second temps, la CODEM, l’US-RDA, le BDIA, le
PIDS et le PSP, la vision selon laquelle la fragmentation actuelle de la classe politique risquant fortement d’être fatale à la démocratie malienne, il urge pour les patriotes de bâtir un grand parti solidement ancré dans le peuple, afin de lui servir d’avant-garde dans sa lutte contre les sous-développements politiques et socio-économiques. Et que les partis qui feraient siens cette vision devraient s’organiser pour que les alliances électorales de 2012 soient placées dans cette perspective, soit dans le cadre de plateformes partagées (menant à des candidatures ou à des listes communes) soit dans celui de plateformes coordonnées (menant à des accords de reports de voix pour les seconds tours ou à des accords de formation des bureaux municipaux). Avec bien entendu un programme commun de gouvernement.
– de créer les conditions structurelles d’actions politiques communes ou concertées
Tableau du plan d’action – chronogramme (cf. page suivante)
Source: Le 22 Septembre 2014-08-14 14:12:47