Rex Tillerson s’envole mardi pour sa première tournée africaine à la tête de la diplomatie américaine, afin de tenter de dissiper les craintes du continent échaudé par le dédain prêté à Donald Trump.
Il est attendu, de mercredi au 13 mars, en Ethiopie, en pleine crise politique depuis la démission surprise du Premier ministre Hailemariam Desalegn, et où il rencontrera aussi les dirigeants de la Commission de l’Union africaine (UA), mais aussi à Djibouti, où se trouve la seule base militaire américaine de la région, au Kenya, qui sort d’une période électorale tourmentée, au Tchad — une première pour un secrétaire d’Etat américain dans cette ex-colonie française — et enfin au Nigeria.
Jusqu’ici, l’administration du président républicain n’a pas manifesté un grand intérêt pour l’Afrique.
Son prédécesseur démocrate Barack Obama, de père kenyan, s’était rendu au Ghana à peine six mois après sa prise de fonctions avec un message fort invitant les Africains à prendre leur destin en main. Si son héritage reste avant tout symbolique, le rapport qui semble s’instaurer avec Donald Trump est tout autre.
Il aura ainsi fallu plus d’un an à son secrétaire d’Etat pour aller fouler le sol subsaharien. Et lors d’une rencontre en novembre à Washington avec les ministres de l’UA, comme dans un discours mardi matin sur la stratégie des Etats-Unis pour l’Afrique, Rex Tillerson s’en est tenu à des objectifs très généraux: lutte antiterroriste, bonne gouvernance, développement.
« L’Afrique est l’avenir », a-t-il lancé, rappelant sa bonne connaissance du continent de par son ancienne casquette de patron du géant pétrolier ExxonMobil. Evoquant la croissance démographique du continent, son potentiel économique mais aussi la pauvreté et le chômage de masse, il a prévenu que « sans emplois et sans espoir dans l’avenir, cette jeunesse de plus en plus nombreuse représentera une nouvelle génération en proie aux terroristes, mettant à mal à la stabilité et les gouvernements démocratiques ».
Il a donc dit vouloir « approfondir » les « partenariats avec l’Afrique, afin de rendre les pays africains plus résistants et plus autosuffisants ».
– ‘Pays de merde’ –
Comment? Hormis l’annonce d’une aide humanitaire américaine supplémentaire de plus de 530 millions de dollars contre la famine et l’insécurité alimentaire dans la Corne de l’Afrique et dans le bassin du Lac Tchad, Rex Tillerson a surtout mis en cause la concurrence de la Chine.
« Les Etats-Unis veulent favoriser une croissance durable qui renforce les institutions, l’Etat de droit, et permette aux pays africains d’être autosuffisants », a plaidé le chef de la diplomatie américaine. « C’est l’opposé de l’approche chinoise, qui encourage la dépendance via des contrats opaques, des prêts prédateurs » qui « engluent les pays dans la dette », a-t-il dénoncé.
Problème, « nous ne dépenserons jamais autant que les Chinois en Afrique », puisque Pékin « construit des choses tangibles pour les Africains, des stades de football, des centres commerciaux », a souligné mardi le chef du commandement américain pour l’Afrique, le général Thomas Waldhauser, devant une commission parlementaire. « Nous devons continuer à faire de petites choses » qui puissent nous « mener loin » et préservent « notre influence », a-t-il estimé.
Le voyage « sera un début, un dialogue, il faudra vraiment travailler avec nos partenaires africains pour qu’il porte ses fruits », a expliqué à la presse un haut responsable du département d’Etat.
Pour Witney Schneidman, de la Brookings Institution, « ce sera avant tout un voyage d’écoute pour Rex Tillerson ». Car l’intention de cette administration américaine de réduire drastiquement son budget pour la diplomatie et l’aide internationale va « peser sur la tournée », tout comme « les propos négatifs prêtés au président Trump sur l’Afrique », relève ce chercheur.
En cause, la polémique sur les « pays de merde ». Donald Trump aurait utilisé cette expression pour qualifier Haïti et des pays africains lors d’une réunion à huis clos mi-janvier, selon plusieurs médias et un sénateur qui y a participé. Le tollé n’a pas tardé, d’autant que le président américain s’est ensuite défendu dans une formule alambiquée, reconnaissant uniquement avoir utilisé un langage « dur » mais pas ces mots précis.
« Je ne suis pas raciste », a-t-il finalement dû se justifier pour calmer le torrent d’indignation à travers le monde.
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