« C’est une révision pour rien à l’exception de la volonté de créer d’un monarque, un « mansa’’… »
Le samedi 10 juin 2017, le président du Parti pour la renaissance nationale (PARENA), Tiébilé Dramé, ancien ministre du Mali était face à la presse à la Maison de la presse de Bamako pour non seulement exprimer son refus catégorique face à la tentative de révision de la constitution du 25 février 1992, mais aussi de dénoncer la surfacturation qui entoure les projets routiers « prioritaires » du président de la République IBK. Dans ses propos liminaires, Tiébilé Dramé a fait savoir que cette tentative de révision constitutionnelle divise le pays. Ainsi, le Parena dit non au bricolage de la constitution de 1992 et invite le président de la République à retirer ce projet.
Le conférencier Tiébilé Dramé avait à ses cotés, le président du mouvement des jeunes Parena, Souhel Moulaye et de la vice-présidente du mouvement des femmes Parena, Mme Diop Awa Gari, en présence de l’ancien Premier ministre du Mali, Soumana Sako, du chef de file de l’opposition malienne, l’honorable Soumaïla Cissé, du président du parti PRVM Fasoko, Mamadou Sidibé, du leader de PDES, Nouhoum Togo, des militants et sympathisants du parti du bélier blanc et bien d’autres personnalités.
« Notre pays traverse une des périodes les difficiles de sa longue histoire: chaque semaine le sang coule au Mali, chaque semaine de jeunes militaires maliens ou leurs compagnons des forces internationales tombent au nord et au centre du pays. Dans ces régions, les communautés qui vivaient en harmonie s’en prennent les unes aux autres. Jamais le Mali n’a été autant divisé. Jamais l’ethnie et la tribu n’ont été autant mises de l’avant comme elles le sont aujourd’hui au nord et au centre. Jamais la mauvaise gouvernance n’a fait autant de ravages. C’est l’existence même de l’État malien qui est menacée. C’est dans un tel contexte que le président de la République a initié la révision de la constitution adoptée en janvier 1992 par le peuple souverain du Mali », c’est par ces mots que le président du Parena, l’opposant Tiébilé Dramé a commencé son allocution. Avant d’ajouter que la constitution que le président, le gouvernement et la majorité des députés veulent réviser est le fruit d’un consensus républicain élaboré par toutes les forces vives du Mali pendant la conférence nationale souveraine organisée au lendemain de l’insurrection populaire victorieuse de mars 1991. « La constitution, c’est la loi fondamentale du pays, elle fixe les règles du jeu politique et institutionnel. Si elle n’est ni le Saint Coran ni la Sainte Bible, elle ne doit pas, elle ne peut pas être révisée sans dialogue politique, sans concertation avec l’opposition et les forces vives du pays. Le président et son gouvernement tentent en ce moment un passage en force qui procède du mépris et de l’arrogance et qui heurte la conscience démocratique. Cette tentative de révision constitutionnelle divise le pays au moment où il a besoin d’être rassemblé pour faire face aux nombreux défis qui menacent l’existence de notre Nation », a souligné Tiébilé Dramé. En outre, dit-il, cette révision est initiée au moment où les 2/3 du territoire sont en proie à une insécurité rampante. Selon lui, au moins 500 personnes sont mortes au Mali entre le 1er janvier et le 8 juin 2017. A ses dires, plus de 500 écoles sont restées fermées au nord et au centre et au moins 70 sous-préfets ont été contraints de fuir leurs postes. « Dans ces conditions, vouloir organiser un scrutin référendaire relève de la cécité et du manque de sagesse », a dit le conférencier. A l’en croire, cette tentative ne règle aucune des équations relatives à la restauration de la stabilité, de la sécurité et de l’intégrité du territoire national. « C’est une révision pour rien à l’exception de la volonté de créer d’un monarque, un « mansa », un « faama » comme jadis au Mandé, comme jadis au pays de Ségou. En effet, avec le renforcement inouï et sans précédent et la concentration de tous les pouvoirs dans les mains du président de la République, ce projet codifie la personnalisation du pouvoir, il codifie toutes les dérives autoritaires et autocratiques constatées ces dernières années. En cela, le projet jure avec l’esprit et les idéaux de mars 1991 », a martelé l’opposant Dramé.
« Le président IBK a démontré qu’il est tout sauf un homme de dialogue »
Il a fait savoir que ce qui est en cours, n’est pas une révision, c’est un bricolage de la constitution de 1992. « La dernière preuve de bricolage est apportée par l’Avis émis par la cour constitutionnelle le 6 juin. Les neufs juges de la cour constitutionnelle ont relevé, entre autres, que dans leur précipitation, les bricoleurs ont omis une disposition essentielle du serment que le président élu doit prononcer: LA DÉFENSE DE L’INDÉPENDANCE DE LA PATRIE ET DE L’INTÉGRITÉ DU TERRITOIRE NATIONAL. Quelle est la portée d’une telle omission? Simple oubli? L’histoire le dira », a déploré le conférencier. Face à cet état de fait, le PARENA invite le président de la République à retirer ce projet. « Le président a amplement démontré ces dernières années qu’il est tout sauf un homme de dialogue », a révélé Dramé. Pour cela, le PARENA lance un vibrant appel à toutes celles et à ceux qui sont opposés au bricolage encours de la constitution de 1992 à se rassembler dans une large convergence, une large coalition, un large front pour exiger le retrait de ce projet diviseur et dangereux pour la cohésion nationale.
Surfacturations à ciel ouvert ?
S’agissant des projets routiers « prioritaires » du président IBK, le conférencier, Tiébilé Dramé a rappelé que cinq projets de route et un pont (celui de Kamankolé à Kayes) constituent les PPP (projets prioritaires du président) qui sont gérés par une coordinatrice des projets prioritaires sous l’autorité du Directeur national des routes (DNR). Selon lui, plusieurs exemples d’infrastructures confortent les soupçons de surfacturations. « Le 2eme pont de Kayes avec 532m de long et 26m de large coutera 36 milliards de FCFA au contribuable. Le pont le plus long jamais construit au Mali est celui de Sotuba ; il est long de 1616m sur 24m et a couté 30 milliards ; 6 milliard de moins que le pont de Kayes qui fait moins du tiers de sa longueur », a-t-il précisé. Enfin, le PARENA, par la voix de son président s’est dit favorable à la construction de ponts et au bitumage des routes pour réduire les souffrances du peuple en facilitant la circulation des personnes et des biens. « Mais les conditions dans lesquelles les présents projets présidentiels sont réalisés relèvent tout simplement de l’indécence. Des populations parmi les plus pauvres au monde sont dépouillées de façon éhontée de leurs maigres ressources publiques », a dénoncé Tiébilé Dramé. A cet effet, le PARENA invite le chef de l’État à ne pas couvrir de son autorité ces dilapidations grossières des deniers publics. « Ces marchés doivent être revus et les travaux payés à leur juste coût. Il est possible de réaliser ces routes à moindre coût sans saignée des faibles ressources du Mali », a conseillé l’opposant Dramé. Au regard de tout ce qui précède, le PARENA invite le Gouvernement à avoir de la compassion pour le peuple malien en mettant fin aux surfacturations grossières qui sont constitutives de crime contre le peuple. Il exhorte l’Assemblée Nationale à diligenter une enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur les conditions de financement des PPP. Enfin, il exige la démission immédiate de tous les responsables impliqués dans le montage des dossiers et la passation des marchés des PPP.
En réponse aux questions des journalistes, le conférencier Tiébilé Dramé a fait savoir que tout le monde est déterminé, au sein de l’opposition, à faire échec à cette révision constitutionnelle. Avant d’ajouter que les milliards qui seront investis dans la campagne référendaire peuvent servir à couvrir d’autres besoins. Pour lui, l’état d’insécurité dans lequel le pays se trouve ne permet pas d’organiser le referendum. « Il y aura un rassemblement contre cette révision. Dans le projet de révision constitutionnelle, il n’y a que le Sénat qui parle de l’Accord d’Alger. Cette révision de la constitution est la personnalisation du pouvoir…L’urgence est de mettre fin à la déliquescence de l’Etat qui est en cours plutôt que de passer au forcing la constitution », a souligné Tiébilé Dramé. Par ailleurs, il a invité le gouvernement à respecter le droit de manifestation qui est garanti par la constitution.
Aguibou Sogodogo
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