Indicateur du Renouveau : Comment interprétez-vous le coup d’Etat du 22 mars ?
Tiéba Traoré : D’abord ce coup d’Etat m’a trop surpris. Je n’avais jamais pensé un seul instant qu’il y aurait un coup d’Etat au Mali après 20 ans de démocratie. Cependant, en tant que religieux, j’essaie toujours de comprendre le sens des événements sous un angle religieux. Nous vivons une période où Dieu veut enfin établir un monde de paix, de justice. Donc tout système politique, économique, social et même religieux qui ne contribue pas à la réalisation de cet idéal divin sera balayé. C’est ce qui explique le Printemps arabe, les crises financières dans les pays européens et même le coup d’Etat au Mali. Ce coup d’Etat était providentiel comme le Printemps arabe l’est aussi. En conclusion, Dieu ne va plus tolérer l’injustice, la corruption. Il est temps que nous changions notre façon de comprendre la vie.
I. R. : Les militaires ont accepté le retour à l’ordre constitutionnel. C’était aussi providentiel ?
T. T. : Le retour à l’ordre constitutionnel est le témoignage d’un certain patriotisme du CNRDRE. Si jamais les militaires s’entêtaient à rester au pouvoir, le Mali allait se retrouver dans l’enfer ! Au lendemain du putsch, la question que je me posais était de savoir : sous quel type de régime les militaires vont diriger les Maliens. La dictature ou la démocratie ? J’étais vraiment confus. Vous savez, les Maliens ont atteint un niveau de maturité démocratique qu’il serait impossible de les diriger sous un autre régime. Le pouvoir des militaires allait créer une grande confusion dans notre pays. Dieu merci, ils ont été humbles et obéissants. Ce geste a été inspiré par la force de Dieu.
I. R. : Mais ils ont accepté sous la pression de la Cédéao ?
T. T. : Ils avaient le choix. Le choix entre « rester au pouvoir pour isoler le Mali ou laisser le pouvoir pour faire revenir le pays dans le concert des nations ». Le comportement qu’ils ont adopté n’est pas un signe de faiblesse, ni de lâcheté, mais plutôt un signe de force et de caractère.
I. R. : Depuis l’indépendance, le Mali est confronté à une rébellion récurrente au nord. Comment expliquez-vous cette situation ?
T. T. : Oui, c’est vraiment regrettable de voir les enfants d’une même nation s’entretuer à cause du territoire qui leur appartient tous, à cause de l’exacerbation identitaire, des considérations raciales, religieuses qui doivent être d’ailleurs des facteurs de cohésion au lieu de division et de conflit. Aujourd’hui, le MNLA réclame les régions du Nord-Mali au nom d’une République de l’Azawad. D’abord posons-nous la question suivante : à qui appartient le territoire ? Ça appartient à Dieu. Si ça appartient à Dieu, quelle nation dans le monde peut montrer un papier dûment signé par Dieu pour lui octroyer ce territoire ? Aucun, même les Israéliens n’ont pas un tel papier. Dieu, à travers le colon, a confié ce territoire à tous les fils du Mali en premier lieu, à l’Afrique et au monde. Cette réclamation du MNLA est animée d’un esprit égocentrique. C’est aussi décevant de constater qu’après 50 ans d’indépendance, les Maliens aient des problèmes à s’accepter, à vivre ensemble sur leur territoire ancestral.
I. R. : Les islamistes veulent instaurer la charia au Mali. Qu’en pensez-vous ?
T. T. : Les traditions religieuses sont le fondement des civilisations. Hélas ! Dans le monde actuel, la religion attise la violence. Il faut donc inviter les traditions religieuses à privilégier la sagesse. Manifester sa foi avec zèle et conviction est naturel. La foi doit donner aux gens le désir de surmonter les préjugés, le ressentiment mais l’excès, le zèle déforment pour donner du fanatisme. La foi vécue doit donc s’accompagner d’autres vertus. On peut être fervent mais humble, ouvert aux autres opinions, désireux de se remettre en cause sans se renier. Transmettre le sacré, oui ; sacraliser les traditions, oui mais pas par la violence. La charia ne doit pas être imposée, mais chaque musulman doit s’imposer la charia. L’Ançar Eddine du Nord tue les gens aujourd’hui pour imposer la charia, pourtant la charia elle-même interdit de tuer. Donc les adeptes d’Ansar Eddine sont les premiers qui violent la charia.
I. R. : Quelle sortie de crise voyez-vous ?
T. T. : D’abord je nourris l’espoir que la vraie paix peut se réaliser au Mali. Le Nord et le Sud peuvent se réconcilier par la parole et non des armes. Les forces loyalistes et les rebelles sont lourdement armés et continuent de chercher des armements sophistiqués pour s’entretuer à cause d’une portion de terre. C’est l’ignorance et un piège satanique. Il faut un éveil de conscience et d’esprit pour ne pas tomber dans ce précipice. Cette crise malienne est une invasion satanique. Il faut que nous nous ressaisissions et qu’on se que nous avons la même origine : Dieu. Si nous éprouvons cela au plus profond de notre être, nous irons de l’avant et trouverons la volonté de nous réconcilier. Avec cette volonté, nous découvrirons, ensemble, le meilleur chemin.
En tant que Mooniste et membre de la Fédération pour la paix universelle, je propose donc l’organisation d’un séminaire de 7 jours sur la paix à Tombouctou, regroupant tous les protagonistes. A la fin de ce séminaire, chacun pourrait renoncer à son ego et être prêt à faire la paix. On peut rétablir la paix au nord du Mali en 7 jours seulement.
Un dernier conseil : il faut que les Sudistes cessent de penser que le MNLA est leur ennemi. Cette manière de penser est un obstacle à la réconciliation. J’insiste là-dessus : laissons les armes et parlons entre nous comme des frères et sœurs. Que Dieu bénisse le Mali !
Propos recueillis par
Abdoulaye Diakité
L’ Indicateur Du Renouveau 16/04/2012