L’intervention française est d’autant providentielle qu’après des combats extrêmement violents, les narco-jihadistes étaient parvenus à se rendre maîtres de Kona, localité située à une centaine de km de Mopti, le dernier verrou menant à Bamako.
Nombre de ces jihadistes se sont endurcis dans le crime organisé: enlèvement d’otages occidentaux avec rançons, trafic de drogues et d’armes. Ils se sont retrouvés, avec le printemps libyen, en possession d’une armada inespérée grâce aux arsenaux de Kadhafi. La prise de Bamako aurait signé une déstabilisation durable du Mali et de toute l’Afrique de l’Ouest, au regard de la position stratégique de ce pays dans cette partie du continent africain et des conséquences catastrophiques pour tout le monde, y compris la France et toute l’Europe. C’est ici qu’il faut saluer la clairvoyance et le courage politique du Président François Hollande.
La crise malienne est à multiples paramètres. Le printemps libyen en fut le principal facteur déclencheur mais, en réalité, elle plonge profondément ses racines dans la mal gouvernance. Le Président de la Transition, Dioncounda Traoré, n’a pas dit autre chose dans son discours du nouvel an. «La crise que nous vivons résulte d’une mauvaise appréciation de la réalité et de notre incapacité à anticiper les événements » a-t-il laissé entendre. ATT, dans la foulée de la révolution de Mars 1991, n’avait à la bouche que le slogan «Kokadjè», le «laver proprement», autrement dit la guerre contre la corruption. Plus de 20ans après, qu’en est-il advenu?
En vérité, la corruption ne s’est jamais portée aussi bien que sous son mandat. Pour être recruté dans l’armée, il fallait délier les cordons de la bourse – devrions employer le présent de l’indicatif? Idem pour la police, la douane, la fonction publique. Sans compter les dessous de table et les sociétés écrans. On nageait – et on nage encore – dans les eaux glauques de l’affairisme.
Au lieu d’être une exception, la corruption est un système de gestion au Mali.
Elle a fini par gangrener tout le corps social, y compris l’armée. Tout se passe comme s’il était inscrit dans le subconscient collectif que voler l’Etat n’est pas voler. Dans l’administration, c’est la course effrénée aux postes et aux prébendes qui y sont liés. On emprunte des raccourcis pour arriver au sommet de la pyramide sociale, afin de narguer les autres. On préfère réussir dans la vie que réussir sa vie, même s’il faut vendre son âme au Diable. La politique n’est rien de moins qu’un moyen d’enrichissement rapide.
Avec la crise, on assiste à une véritable inflation d’associations à connotation patriotique. Mais combien le sont réellement? Très peu. Voire aucune, sinon comment comprendre qu’au moment où le pays est au bord du précipice, dans le viseur de l’ennemi, on pose des actes à même de précipiter sa chute?
Une fois le Nord libéré et les élections organisées, il s’agira de tirer toutes les leçons de la crise, de mener une lutte implacable contre la corruption et la délinquance financière, d’inculquer aux jeunes générations des valeurs comme le patriotisme, l’amour du travail, l’ordre et la discipline. C’est l’élite politique et intellectuelle qui doit leur montrer la voie. En somme, il s’agit de bannir l’esprit de «Tagnignibougou», le règne de l’affairisme.
Yaya Sidibé
Le 22 Septembre 2013-01-14 20:56:08