Après plusieurs tentatives manquées de recrutement de jeunes dans le Nord, Aqmi a changé de fusil d’épaule et a pu avoir la caution de la secte terroriste Boko Haram du Nigeria. Et, à quelques jours du début des hostilités qui ont vu le septentrion tomber aux mains des groupes armés, nombreux combattants de la nébuleuse secte ont évolué aux côtés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans ses multiples bases installées entre le Nord du Mali, la Mauritanie et l’Algérie.
La bande sahélienne fait encore parler d’elle et c’est à travers le tristement célèbre Aqmi qui a ses tentacules dans ce grand espace désertique que partage plusieurs pays, dont le nôtre. Très bien structuré, le réseau a eu une force de frappe insoupçonnée avec, à la clé, des prises d’otages suivies de paiement de rançons. Après plusieurs tentatives pour recruter le maximum de jeunes gens du désert malien à l’image de Sanda Ould Boumama ou Oumar Hamaha, c’est finalement au Nigeria que le puissant réseau terroriste a pu enrôler nombre de combattants acquis à sa cause.
Selon nos sources, en son temps, c’est la première fois qu’Aqmi renforce ses effectifs avec des recrues noires. Et les habitants des villes et hameaux du Nord ont en mémoire au mois de septembre 2011, la ruée d’un grand nombre de jeunes gens de teint noir qui se sont fondus dans le désert. A l’époque, ceux qui connaissent la zone ont vite fait d’alerter sur les faits et gestes de ses personnes étrangères.
Mieux, les observateurs avertis ont conclu que les émissaires de Belmokhtar n’ont pas eu assez de difficultés à convaincre des adeptes de Boko Haram à venir grossir les rangs de leurs effectifs. Sitôt, ces jeunes recrutés au Nigeria par Aqmi ont fait le détour d’Agadez (au Niger) avant d’être sur le sol malien, précisément à Kidal et à Gao. A leur arrivée, ils se faisaient passer pour de simples refoulés de la Libye avant de se fondre dans le désert.
Inquiétudes sahéliennes
En son temps, l’information a été confirmée par un responsable de Boko Haram dans les colonnes d’un confrère nigérian au parfum des activités du groupe terroriste malien sur leur territoire, voire à l’échelle sous-régionale. Mais, l’on ne sait pas si ces jeunes combattants recrutés par Aqmi ont bénéficié d’émoluments ou ont agi au nom de Dieu qu’il utilise comme prétexte.
« Lors de l’occupation par les jihadistes, des éléments de Boko Haram ont servi dans notre village. Souvent, j’ai eu à échanger avec certains. Un jour, un d’eux m’a confié qu’ils sont engagés dans cette lutte parce qu’ils croyaient que des églises existent dans le Nord du Mali. Il m’a confirmé qu’il n’a plus sa raison d’être chez nous, car les gens d’ici connaissent mieux la religion et la pratiquent », témoigne Sidi Moussa, enseignant à Kabara. Avant de faire remarquer que, contrairement aux autres combattants, ceux de Boko Haram étaient curieux de savoir la façon dont vivent les populations maliennes.
Ce qui est clair encore, c’est que le recrutement des éléments de Boko Haram s’est intervenu après qu’Aqmi eut perdu de nombreux combattants dans l’accrochage avec l’armée mauritanienne, qui avait eu le droit de poursuite en territoire malien. Par conséquent, elle était obligée de s’engager dans une course contre la montre pour renforcer ses effectifs et surtout avec le retour des Touaregs de la Libye au nord du Mali, notamment, à Zakat et le MNLA qui avait promis à la France de venir à bout du terrorisme et libérer les otages français.
En tout état de cause, informées du recrutement de ses ressortissants, les autorités nigérianes d’alors ont tenté de se lancer aux trousses de ceux-ci. Mais, ce fut sans succès. En revanche, l’évidence est que l’apport des éléments de Boko Haram a été déterminant dans la stratégie pour le contrôle du Nord du Mali. Car, ils ont été de tous les combats et étaient les derniers des jihadistes ayant quitté le désert malien quand la donne a basculé en défaveur de la secte employeuse.
Au regard de tout ce qui précède, nombreux sont les spécialistes qui redoutent encore d’une nouvelle coalition entre Aqmi et Boko Haram pour déstabiliser davantage le Nigeria, le Niger et le Mali.
En tout cas, les événements en série, notamment l’enlèvement de jeunes lycéennes jusqu’à Abuja même, les affrontements entre l’armée nigériane et des éléments de Boko Haram et l’accentuation du terrorisme dans le Nord du Mali constituent un motif d’inquiétude pour la stabilité dans le Sahel.
Alpha Mahamane Cissé
L’ Indicateur Du Renouveau 2014-05-14 17:06:18