C’est dire donc que les conséquences de tels manquements sur les capacités financières et opérationnelles du groupe Advens sont lourdes pour ses efforts de redressement de la société Transrail. Une société en difficulté qu’il a acceptée de prendre après la gestion catastrophique de l’ancien actionnaire de référence entre 2003 et 2006, le canadien Canac.
L’autre casse-tête auquel serait confrontée la société Transrail aujourd’hui est la double imposition. A cause du caractère binational de son activité, Transrail est soumis aux dispositions fiscales et douanières du Sénégal et du Mali. Pour mettre fin à cette situation anachronique, il a été convenu à Bamako en mai 2007 de prévenir les situations de double imposition à travers l’adoption d’un texte qui a été agréé par les deux Etats et Transrail mais jamais signé.
Conséquences : ce défaut d’exécution coûte annuellement à Transrail entre 600 millions et un milliard de FCFA du fait des doubles impositions et autres surcoûts fiscaux. Transrail se trouve aussi confronté à une situation d’insécurité juridique à cause simplement d’un défaut de jouissance du domaine concédé. Depuis la privatisation de 1228 km de la ligne ferroviaire Dakar-Niger en 2003, Transrail n’a jamais bénéficié d’un titre pouvant lui permettre d’empêcher les spoliations et envahissements du domaine ferroviaire. Cette situation de non droit entraîne des coûts importants pour Transrail. Le groupe Advens impute tous ces dysfonctionnements aux deux Etats qui ne font rien pour le soutenir dans son vaste plan de redressement de la société Transrail.
Si du côté Sénégalais, le groupe Advens enregistre quelques manifestations de bonne foi, du côté malien, le même groupe pense que certains responsables du département de l’équipement et des transports, en connexion avec certains conseillers techniques du président de la République, seraient en train de saboter toute leur action dans le simple but de faire venir un groupe chinois comme partenaire de référence de la société Transrail.
Faut-il en effet souligner que le point d’exécution des engagements pris par les Etats du Mali et du Sénégal en décembre 2007 à Paris, en juin 2008 à Bamako, en juillet 2009 à Bamako et en mai 2010 à Dakar est évocateur à plus d’un titre. En effet, au moment où le Sénégal est crédité d’avoir signé l’annexe le 6 avril 2007 ; le contrat d’ acquisition des matériels de l’ ex SNCS le 6 avril 2007 ; d’avoir fait le point des créances de Transrail et reconnu la somme de 2.787.583.087FCFA tout en s’engageant à l’inscrire dans son budget 2011 ; d’avoir converti en subvention d’équipement la dette sur l’ acquisition des matériels de la SNCS soit 6.678.150.263 CFCA, le Mali n’ a encore posé aucun acte allant dans le sens du respect de ses engagements contractuels.
Cette attitude des autorités maliennes est d’autant plus intrigante que depuis quelques temps des émissaires maliens ne cessent de demander au patron du groupe Advens, Abbas Jabber, de se retirer de la société Transrail au profit d’un groupe chinois qui chercherait à prendre possession de cet instrument d’intégration. Selon nos sources, le ministre Ahmed Diane Sémega serait dans la même dynamique à savoir contre le groupe Advens hors de Transrail. Et c’est lui d’ailleurs qui aurait exigé d’inscrire à l’ordre du jour de la réunion de Dakar (10, 11 et 12 mai 2010) « les négociations pour le retrait d’Advens du capital de la société concessionnaire ». Mais les cadres et les travailleurs de Transrail au Mali pensent que le schéma relatif à la sortie de l’actionnaire Advens, n’est pas d’actualité parce que selon eux « cet actionnaire n’a rien fait pour mériter d’être poussé dehors et qu’au contraire, il souhaite rester actionnaire majoritaire de la société pourvu que les Etats respectent leur engagement de décembre 2007 à Paris ».
Cet appel risque hélas de sonner dans le vide d’autant plus que des manœuvres sont déjà en cours. Le non respect des engagements contractuels par le Mali n’est qu’un élément de ce vaste complot. Peu importe donc la dégradation de la situation financière de Transrail et la réduction de sa capacité opérationnelle. Le but inavoué est de faire disparaître bientôt Transrail du fait des impayés des Etats et de leurs démembrements (PTB, SEFICS, CMDT).
L’année 2010 aura été donc difficile pour la société Transrail qui, en dépit du fait qu’elle entend mettre les investissements sur les infrastructures à la charge des Etats, ne saurait honorer ni ses engagements courants, ni l’entretien de la voie et du matériel, à fortiori les services de la dette et la redevance de concession.
Aujourd’hui, si la concession n’est pas mise à plat pour redéfinir son contexte dans son mode de gestion et son programme d’investissements, le dernier trimestre de cette année 2010 va marquer indubitablement l’arrêt de l’activité ferroviaire sur l’axe Dakar- Bamako.
Au moment où le corridor ivoirien est encore incertain, on se demande pourquoi l’Etat malien traîne le pied sur le paiement des arriérés de Transrail et pourquoi il ne reconnaît pas les factures de Transrail consécutives à des dépenses réalisées ? Qui veut abattre Transrail et au profit de qui ?
La seule consolation vient de la Banque mondiale et de l’AFD qui viennent de promettre des financements. Le Mali les laissera-t-il faire ?
Birama Fall
Le Républicain 20/12/2010