A la suite du vote favorable du projet de loi portant révision de la constitution du Mali, L’Honorable Dr. Témoré TIOULENTA, Président du Groupe parlementaire de l’ADEMA – PASJ à l’Assemblée Nationale a bien voulu nous livrer ses sentiments et son analyse à propos d’un dossier qui concerne au plus haut point l’ensemble des Maliens. Lisez.
Le Républicain : Votre parti vient de voter le projet de loi portant révision de la constitution quelles étaient, sur le fond et sur la forme, vos motivations ?
Honorable Dr. Témoré TIOULENTA : J’ai eu l’honneur, en tant que président de groupe parlementaire, de décliner la position de mon parti sur le projet de révision constitutionnelle soumis à l’examen de l’Assemblée nationale par Son Excellence le Président de la République, Chef de l’Etat. Il faudrait, à cet effet, rappeler qu’un projet de révision constitutionnelle avait été soumis par notre parti, en 2000, à l’Assemblée nationale qui l’avait adoptée. Le dit projet n’avait cependant pas connu de consultation référendaire.
La poursuite de ce travail était donc attendue par toute la classe politique malienne. Nous ne pouvons que nous féliciter qu’il en soit ainsi. Il convient d’ailleurs de constater qu’il existe entre les deux projets d’importantes ressemblances.
Ceci dit nous avons voté en faveur de ce projet parce que convaincus qu’il porte en lui des avancées. Ainsi, nous estimons qu’envisager des possibilités que les femmes accèdent à des mandats électifs est une bonne chose, qu’un organe unique soit dédié à la régulation du secteur de l’audio – visuel peut favoriser un travail plus rationnel, que nos langues nationales soient enfin considérées au même titre que le français comme des langues d’expression officielle est un minimum pour un peuple fier de ses racines et dont la contribution efficiente de chacun des fils au développement est attendue. Au demeurant, pour le linguiste et militant pour la promotion des langues nationales que suis, j’en jubile.
Il convient au demeurant de retenir que le type d’exercice est loin d’être une sinécure. Et il devient plus complexe quand on sait que ceux qui sont conviés à l’écoute se recrutent dans les milieux les plus divers. Et c’est pourquoi avons- nous indiqué qu’ « A l’évidence, l’unanimité est rarement au rendez- vous dans ce genre d’exercice, et ce, pour de multiples raisons. Il arrive que les analyses, les observations et les remarques les plus objectives côtoient des positionnements politiciens, des crispations circonstancielles et des mimétismes a priori ».
Le Républicain : Que répondez vous à ceux qui soutiennent que la loi que vous venez de voter fera du futur président du Mali un monarque absolu ? Justifiez votre réponse
Hon. Dr. TIOULENTA : Les tenants de cette logique estiment pour l’essentiel que c’est accorder au Président de la République un pouvoir exorbitant que de lui permettre de déterminer la politique de la Nation, de nommer le Président de la cour constitutionnelle alors que déjà il désigne trois des neuf sages , qu’il nomme et démette le Premier Ministre sans que celui – ci soit obligé de lui remettre sa démission. Je crois qu’il sied de respecter les arguments avancés par ceux – là en termes d’expression d’inquiétudes.
Ce qui a cependant prévalu c’est en définitive le souci de la stabilité des institutions dans un environnement démocratique encore fragile, celui de minimiser des conflits de compétence entre des acteurs qui doivent évoluer dans une parfaite harmonie pour l’atteinte des objectifs visés.
En plus des arguments avancés, il nous a semblé que l’antidote, la garantie contre le Président – Roi, du Président -Monarque se trouve dans l’irréversibilité de notre démocratie Et c’est pourquoi avons-nous soutenu qu’ « A l’évidence, les maliens n’accepteront aucun Zeus au sommet de leur Olympe. Ceux qui rêvent se délecter d’ambroisie et de nectar en ce lieu dit onirique, chamarrer leurs princesses de sublimes parures des meilleures joailleries orientales, savent plus que quiconque que les maliens ne négocient plus leurs libertés, qu’ils savent défendre leurs droits ».
Du reste, le législateur, dans sa sagesse, a assoupli les procédures de révision constitutionnelle pour favoriser des modifications sans passer par un référendum en cas de nécessité. Enfin, l’adoption du projet de loi ne met pas forcément fin au débat sur ces questions ; A l’épreuve du temps, les acteurs apprécieront et prendront s’il y a lieu les dispositions idoines. C’est la loi du genre.
Le Républicain : L’honorable Mamadou Sadio Gassama de l’URD a laissé entendre que, pour le vote de la loi, les députés ont été « pris en otage » par la commission des lois de l’A.N. Qu’en était-il ?
Hon. Dr. TIOULENTA : J’ai un profond respect et une forte considération pour mon frère et collègue Mamadou Hawa Gassama. Et je profite de l’occasion pour le remercier quant à la qualité de ses relations avec notre groupe et pour tout le bien qu’il dit de notre président et candidat, son frère, le Professeur Dioncounda TRAORE. Je crois cependant qu’il a manqué une belle occasion de se taire cette fois. En effet, à ce que je sache, il était absent de Bamako pendant toute la période d’écoute des personnes ressources comme au cours de l’élaboration et de l’adoption des amendements. Sa participation aux travaux aurait pu fortement contribuer à l’amélioration de la qualité des résultats obtenus.
Du reste, je puis affirmer qu’à l’Assemblée nationale, nombreux sont les députés qui ne sont pas dans la nasse, qui assument vaillamment leurs positions et leurs responsabilités. Je l’invite à aider ceux qui sont « pris en otage » à se libérer.
Il convient enfin de préciser que l’examen d’un projet de loi c’est la confrontation des idées, la force de l’argumentation et au bout une position retenue qui peut ne pas correspondre à la votre. C’est ça aussi la démocratie.
Le Républicain : La ruche bourdonne beaucoup ces derniers temps, que faut-il craindre après la désignation de son candidat à l’élection présidentielle prochaine ?
Hon. Dr. TIOULENTA : Bourdonner est le propre d’une ruche en bonne santé. La ruche bourdonne parce qu’elle à repris des couleurs suite à l’élection à l’unanimité de son candidat à la candidature au poste de président la République en 2012. La sérénité et la confiance réciproque sont bien de retour.
Vous avez dit craindre ! Je préfère espérer. J’espère donc que nous saurons maintenir l’ambiance du 30 Juillet jusqu‘à l’élection présidentielle. Alors, plus rien à craindre.
Propose recueillis par
S.El Moctar Kounta
Le Républicain 08/08/2011