En réalité, les moutons ne sont pas chers cette année mais seulement les gens n’ont pas d’argent. Et, c’est ça la vérité. Aujourd’hui, tout le monde se rend compte de la vie chère. Cela n’a pas commencé aujourd’hui. Bien que le gouvernement et les revendeurs aient fait un effort pour diminuer les prix des moutons, ils restent inaccessibles au pauvre, faute d’argent.
Idrissa Coulibaly : Ouvrier
Je suis ouvrier mais sans travail. Pour payer un mouton, je pense qu’il faut avoir de l’argent. Celui qui n’a pas un travail ne peut pas penser s’acheter un mouton. Cette année rien ne va. On ne peut même plus parler de difficulté. Car c’est devenu « le sauve qui peut ». Les petits boulots qu’on fait se font rares. Ceux auprès desquels tu peux obtenir aide ou assistance à leur tour se plaignent. Donc le pauvre ne peut se remettre qu’à Dieu.
Badié Coulibaly : ouvrier
Je ne peux même pas parler de fête car je suis en chômage depuis quelques mois. Cette année fut une année exceptionnelle. Les chantiers se font rares, les difficultés ne font qu’augmenter. Pour aller demander le prix du mouton cela suppose qu’on a un peu. On ne peut même pas rester à la maison, car il y a les enfants qui espèrent avoir quelque chose. Rien ne va dans ce pays.
Drissa Diarra : mécanicien.
La fête a été cette année très difficile. Mon premier constat est que je ne voyais mes amis que le jour de la fête. Mais cette année, ils sont chez moi tous les jours. La plupart d’entre eux sont au chômage. Ceci traduit les difficultés qu’ils traversent. Dans ces conditions, il est difficile de dire que la fête va être bonne. L’année dernière, j’avais mon mouton une semaine avant la fête mais cette année à deux jours de la fête je n’arrive pas à me payer encore un mouton. Chacun est bouffé par les charges quotidiennes, c’est-à-dire que chaque chef de famille se débrouille pour assurer le quotidien.
Mamadou Traoré : transporteur à San, 4 femmes, père de 26 enfants.
Pour moi la fête cette année n’est pas aussi importante. Si je dis cela c’est en connaissance de cause. Nous les transporteurs nous savons les réalités dans les localités. Les inquiétudes sont d’abord d’ordre céréalier. L’hivernage a été mauvais. Dans notre zone à San, l’hivernage a été passable en quelques endroits. Si nous avons quitté la campagne en cette période pour venir à Bamako, c’est pour chercher quelque chose pour les enfants. Dans la campagne, il n y a rien. Les gens se regardent et personne n’a rien. Si les autorités dès maintenant ne prennent pas des dispositions, la famine s’annonce déjà dans beaucoup d’endroits. Et, c’est quand le paysan a le ventre plein qu’il peut bien travailler. Donc pour moi la fête est secondaire.
Ablaye Togo : revendeur
Nous avons amené beaucoup de moutons cette année. Le marché est bien fourni mais la vente se fait à compte goutte. Nous constatons nous-mêmes que les gens n’ont pas d’argent sinon les moutons sont plus nombreux cette année que l’année dernière. Les prix varient de 250 000FCFA à 30 000FCFA. Ceux qui pensent que les moutons sont chers doivent comprendre que cela n’est pas notre faute. Aujourd’hui le transport aussi a augmenté. Il y a quelques années un mouton était transporté à 2000FCFA mais cette année le transport est allé jusqu’à 2500F – 3000FCFA. Malgré tout, les autorités en charge de l’élevage ont fait des efforts considérables, sinon les prix seraient inabordables.
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Tabaski
La fête de Tabaski pointe à l’horizon et cette période est propice pour semer la zizanie dans les foyers. Le stress est devenu le compagnon de plus d’un à l’heure actuelle, en raison des difficultés financières.
A l’annonce de la fête de Tabaski, beaucoup de gens sont partagés entre euphorie et stress. Une crainte de ne pas pouvoir s’acheter le fameux bélier du mois de tabaski. A la veille des fêtes, plusieurs couples se disputent faute de moyens financiers pour satisfaire les besoins du couple. Des chefs de familles sont contraints de « s’exiler » hors du foyer conjugal pour échapper aux exigences de Madame. Car en plus du mouton rituel, il y a le choix du poids et la taille du mouton, compte tenu du regard de l’entourage. Outre cette préoccupation qui empêche beaucoup de chefs de famille à trouver le sommeil, il existe le besoin d’habiller les enfants à bas âge qui ont du mal à accepter les difficultés financières d’un père. Les chefs de famille ploient ainsi sous le poids des charges. En plus du foyer, il en existe de nombreuses autres : celles d’un coussin, d’un collègue en difficulté, d’un voisin nécessiteux.