Hier, mercredi 8 mars 2017, l’expert indépendant des Nations Unies a animé une conférence de presse au siège de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali) sis au quartier Badalabougou de Bamako sur la situation des droits de l’homme au Mali. Au cours de cette conférence de presse, Suliman Baldo a fait savoir que l’insécurité des civiles au nord et au centre du Mali est préoccupante avec comme conséquence, l’absence de l’Etat et le nombre important d’écoles fermées. En outre, le conférencier a déploré la lenteur prise dans le traitement de certains dossiers devant la justice dont les cas de violences sexuelles. Il avait à ses cotés, les responsables de la Minusma dont le directeur de la division des droits de l’homme, Guillaume N’Gefa.
Depuis le 27 février dernier, l’expert indépendant, Suliman Baldo séjourne au Mali. C’est sa huitième mission au Mali durant laquelle, il a rencontré les ministres des affaires étrangère et de la Sécurité et de protection de civils ainsi que d’autres hauts responsables du Gouvernement malien, tels que les secrétaires généraux des ministères de la Justice et de droits de l’homme et du ministère de la réconciliation nationale, des représentants de la société civile, y compris des associations de victimes, des représentants des mouvements armés Plateforme et CMA aussi bien à Gao qu’à Bamako, ainsi que des membres du corps diplomatiques et le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Mali. Au terme de sa visite au Mali, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme a animé une conférence de presse hier, peu avant midi, au siège de la Minusma. Il précise dans un communiqué de presse que les graves menaces sécuritaires au nord et au centre du pays continuent à mettre les populations civiles en danger et à entraver leur accès aux services sociaux de base. « Un indicateur de cette insécurité grandissante est le nombre très élevé des écoles fermées dans le centre et le Nord du pays, risquant de priver de nombreux enfants de leurs droits à l’éducation», a souligné Suliman Baldo. Avant de déplorer la prolifération de postes de contrôle mis en place sur les axes routiers par des groupes armés et par des dissidents de ces derniers ainsi que par de bandits et la multiplication des attaques armés à ces postes, tels les actes de braquages et des vols de véhicules et bétails qui ciblent les civils et les acteurs humanitaires. Il a aussi dénoncé l’impact néfaste de crimes économiques transfrontaliers qui fragilisent la sécurité des populations dans les régions affectées.
Minusma : l’opération la plus meurtrière au monde
En exprimant son choc du fait que les attaques ciblées menées par les groupes extrémistes violents contre les forces de défense et de sécurité maliennes et les forces internationales ont fait de l’opération de maintien de la paix au Mali l’une de plus meurtrière au monde aujourd’hui. M. Baldo a rendu hommages à ceux qui ont donné l’ultime sacrifice pour que le Mali retrouve la paix et la stabilité. A l’en croire, il s’est rendu à Gao, dans le nord du Mali, où les premières patrouilles mixtes constituées de combattants représentants des parties à l’accord de paix de 2015, à savoir le gouvernement malien et les alliances de mouvements armés, la Plateforme et la Coordination de Mouvements de l’Azawad (CMA), ont été lancées le 23 février. « J’encourage les partenaires et la communauté internationale à soutenir ce processus afin que ces patrouilles puissent protéger les populations et les sites de cantonnements de combattants », a-t-il dit. L’Expert a ajouté que l’attaque odieuse et meurtrière du 18 janvier 2017 contre le camp du mécanisme opérationnel de coordination chargé d’organiser ces patrouilles montre que les ennemis de la paix ont toujours une importante capacité de nuisance. L’annonce faite le 2 mars de l’unification de plusieurs groupes extrémistes violents sous la bannière d’Al-Qaida au Maghreb islamique montre que ces groupes sont déterminés à contrecarrer les progrès réalisés dans la mise en application de l’accord de paix, a estimé M. Baldo. « Déjouer le dessein déstabilisateur de ceux qui veulent dérailler le processus de paix est la responsabilité des parties à l’accord et celle des partenaires internationaux du Mali », a-t-il dit. Et de poursuivre en disant ceci : « Je me suis penché sur diverses problématiques et en particulier celle de l’impunité pour les violations des droits humains commises lors de la crise de 2012 ainsi que dans la période qui a suivi, y compris dans le cadre de lutte contre le terrorisme. J’appelle les forces nationales et internationales au respect des droits de l’homme dans la conduite des opérations antiterroristes et à davantage de transparence en ce qui concerne les enquêtes menées sur les allégations de violations liées à ces opérations ».
L’absence de l’Etat au nord et au centre
L’Expert s’est dit aussi préoccupé par les conditions de détention, et les violations des droits des femmes, de migrants et des réfugiés. Il a noté de modestes progrès à cet égard, mais demeure inquiet du manque de progrès sur des questions essentielles telles que la lutte contre l’impunité pour les violations graves des droits de l’homme et la capacité du système judicaire dans le nord et le centre du Mali. Après les retards dans la mise en application de l’accord de paix, Suliman Baldo a indiqué que les parties à cet accord semblent bien déterminées à rattraper le temps perdu en relançant les processus de mise en place des autorités intérimaires et de patrouilles mixtes de leurs combattants. « Malgré les dérapages qui continuent à se manifester, les parties doivent continuer à s’acquitter de leurs engagements sous l’accord de paix car ces mesures sont nécessaires pour rassurer et sécuriser les populations locales et pour permettre le retour des autorités étatiques partout sur le territoire national comme cela est prévu dans l’accord de paix. Les parties doivent aux Maliens de continuer à trouver des solutions consensuelles à leurs différends et de permettre l’accélération du déploiement de structures étatiques notamment les forces de sécurité et le personnel administratif et judiciaire vers les villes et les cercles du nord et du centre du pays. Il y va du bien-être et de la sécurité de communautés entières que les parties prétendent représenter. Ce faisant, les trois parties doivent assurer un accès humanitaire sans entraves à ces populations et assurer la protection du personnel humanitaire et de leurs opérations », a martelé Baldo. A ses dires, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, et particulièrement les dispositions essentielles en matière des droits de l’homme, constitue une garantie nécessaire pour une meilleure protection des civils. Par ailleurs, Suliman Baldo s’est félicité du progrès réalisé dans le domaine de la justice transitionnelle notamment avec l’ouverture officielle des antennes régionales de la Commission, vérité, justice et réconciliation (CVJR) et le commencement de la prise des dépositions. L’Expert a souligné qu’il reste beaucoup à faire surtout dans le domaine de la sensibilisation de la population. « Afin d’achever son travail efficacement la Commission aura besoin d’un appui durable sur le plan technique et financier», a observé Monsieur Baldo.
La lenteur des dossiers devant la justice
En réponse aux questions des journalistes, le conférencier, Suliman Baldo a véritablement déploré l’absence de l’Etat dans le nord et dans le centre du Mali ayant engendré l’insécurité au sein des populations locales. « Il y a une complication très sérieuse au centre. Beaucoup d’écoles restent fermées et la population est privée de tous les droits importants. La situation d’insécurité est réelle bien qu’il y a des progrès », a-t-il dit. Avant d’inviter les acteurs à une concertation nationale pour la lutte contre l’impunité. En outre, le conférencier a déploré la lenteur prise dans le traitement de certains dossiers devant la justice dont les cas de violences sexuelles. S’agissant de l’Affaire de Amadou Haya Sanogo, l’ex chef de la junte, l’expert indépendant n’a pas voulu faire de commentaire tout en disant que l’affaire est devant la justice. Quant au directeur de la division des droits de l’homme de la Minusma, Guillaume N’Gefa, il s’est réjoui du partenariat qui existe entre sa structure et les institutions maliennes comme la cour constitutionnelle.
A noter que l’expert indépendant présentera un rapport sur la situation des droits de l’homme au Mali au conseil des droits de l’homme durant ce mois mars 2017.
Aguibou Sogodogo