Décédé le lundi 21 mars 2022 à 67 ans (il avait vu le jour le 8 juin 1954 à Gao) à la Polyclinique Pasteur, Soumeylou Boubèye Maïga a été accompagné à sa dernière demeure jeudi dernier (24 mars 2022 au cimetière de Niaréla) par sa famille, ses proches et une foule d’admirateurs. Ainsi prend fin l’un des plus brillants parcours au service de l’Etat. Et finalement, seule la mort a pu dompter le «Tigre» qui focalisait en même temps une forte admiration et une haine féroce dans l’arène politique malienne.
On ne peut pas mieux servir son pays en laissant son état d’âme prendre le dessus sur le devoir citoyen voire patriotique ! Telle était sans doute la conviction du regretté Soumeylou Boubèye Maïga qui a rejoint sa dernière demeure jeudi dernier (24 mars 2022) au cimetière de Niaréla. «Tu nous disais aussi qu’on ne peut pas avoir peur de Dieu et avoir peur des hommes», ont rappelé à la foule émue les enfants dans un témoignage très émouvant. Et comme ils nous l’ont également rappelé, Soumeylou s’est «battu pour le Mali toute sa vie et aujourd’hui tu nous quittes pour le Mali».
Vrai leader avec un fascinant pouvoir d’analyse et une surprenante capacité d’adaptation et d’anticipation, l’homme a marqué l’histoire contemporaine du Mali de son empreinte. Du cabinet du président Amadou Toumani Touré (conseiller spécial du président ATT entre avril 1991 et juin 1992) à celui de Premier ministre (du 20 décembre 2017 au 23 avril 2019), ce Grand commis de l’Etat a occupé certaines des plus hautes fonctions. Certes, il n’a pas été président de la République, mais le «Tigre» avait cette belle réputation de faiseur de rois dont l’influence a toujours été incontestable dans les allées du pouvoir.
Vrai leader doté d’une capacité d’analyse et d’anticipation hors du commun, il a toujours su mener à bien les missions qui lui ont été confiées pendant cette brillante carrière. On peut dire que l’ascension de ce basketteur (joueur, entraîneur du Club Olympique de Bamako/COB et Directeur national de la Fédération malienne de basket-ball-FMBB) a véritablement débuté quand le président Alpha Oumar Konaré lui a fait confiance pour diriger la Direction générale de la sécurité d’Etat (DGSE) en janvier 1993 après avoir été son chef de cabinet. Après un long règne sur les services de renseignements, il endosse des costumes de ministre.
Ministre de la Défense et des Affaires étrangères sous ATT, il va occuper le portefeuille de la Défense sous feu IBK. Il démissionne après la tragédie liée à la visite controversée du Premier ministre Moussa Mara à Kidal en mai 2014. Quelques années plus tard, IBK lui renouvelle sa confiance comme Secrétaire général de la présidence du Mali. Un poste qu’il quitte pour la Primature dont il est le locataire du 30 décembre 2017 au 23 avril 2019. Entre temps, le «Tigre» avait été le principal artisan de la réélection d’Ibrahim Boubacar Kéita pour un second mandat écourté par le putsch du 18 août 2020. De nombreux observateurs pensent d’ailleurs que la situation a échappé à IBK parce qu’il a cédé à la pression pour se séparer de Soumeylou qui était pourtant le meilleur bouclier qu’il pouvait avoir pour se protéger des événements qui ont précipité sa chute.
Journaliste et acteur engagé du Mouvement démocratique
Journaliste chevronné formé au Centre d’étude des sciences et techniques de l’information (CESTI) de l’Université Cheick Anta Diop de Dakar (UCAD) au Sénégal Soumeylou Boubèye Maïga a également obtenu un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) de diplomatie et d’administration des organisations internationales en 1987 à l’Université de Paris-sud. Il est aussi titulaire d’un diplôme de relations économiques internationales à l’Institut d’Administration de Paris. Il a été journaliste à l’Agence malienne de presse et de publicité (AMAP) notamment à l’Essor, Podium et au Soundiata.
C’est au sein du Parti malien du Travail (PMT) qui a fait ses premiers pas de militant politique. Acteur du mouvement démocratique, il a été membre fondateur de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ). Exclu de la «Ruche» lors de la conférence nationale des 24 et 25 février 2007 de l’Adéma, pour avoir fondé le mouvement «Convergence 2007» pour soutenir sa candidature à la présidentielle, il va finalement fonder l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques (ASMA-CFP). Et il était incontestablement l’un des grands favoris de la prochaine présidentielle. Hélas !
Adulé, admiré, respecté ou craint voire détesté, tout laissait de marbre ce grand leader qui savait si bien cacher ses sentiments en public. «Insulté, vilipendé, calomnié… Tu n’as jamais daigné répondre… Tout comme le loup de Vigny, tu es resté stoïque et fier. Toute une leçon de vie», a témoigné Fakoroba Coulibaly. La haine dont il a fait l’objet ces dernières années se nourrissait le plus souvent de rumeurs et de volonté délibérée de lui nuire. En tout cas, ceux qui ont su surmonter leur crainte et surtout leurs préjugés pour l’approcher retiennent de lui un homme très intelligent, affable, généreux, franc, sincère, fidèle dans ses relations et taquin.
Tigre dans l’arène politique, père aimant et attentionné, ami loyal et jovial
Le Tigre, cette bête politique, était un autre homme dans la famille, avec ses amis et ceux qu’il avait pris sous sa protection pour une raison ou une autre. «Le premier homme de la vie de tes filles, super-héros de tes garçons. Tu as été un homme avec un grand H. Un homme bon, généreux, humble, exemplaire, courageux. Ta tolérance, ta force de caractère, ta résilience, ta détermination, ta droiture et ton sens du partage nous ont toujours laissé admiratif. Plus qu’un pilier tu étais notre socle», a déclaré le porte-parole de la famille lors des obsèques.
Et d’ajouter, «tu as toujours été là pour nous et pour tout le monde d’ailleurs. C’est un privilège et un honneur de t’avoir eu comme père. Ce père aimant, attentionné, disponible, protecteur, respectueux et ouvert d’esprit. Tu étais un ami, un conseiller, un confident. Cela peut surprendre mais tu étais aussi ce papa drôle»… Une identité que beaucoup ne connaissent pas parce que n’ayant jamais su se départir de leurs préjugés à son égard.
En tout cas, l’histoire retiendra que ce leader que nous avons laissé mourir entre les mains de ses geôliers le 21 mars 2022 est immortalisé par son engagement pour l’avènement de la démocratie et les hautes responsabilités qu’il a exercées et qui en ont fait une figure nationale incontournable de la vie publique. Il nous revient maintenant de nous racheter en poursuivant son combat pour un Mali de justice, de prospérité et d’unité de tous ses enfants.
Dors en paix Béro
Qu’Allah te réserve le Firdaws pour toujours !
Moussa Bolly