La décision du retrait des états membres de l’AES serait elle la conséquence de la guerre d’ influences géopolitiques et géostratégiques que mènent les grandes puissances à travers le monde.?
Une analyse approfondie de l’évolution de la situation sécuritaire et politique dans le Sahel et maintenant en Afrique de l’Ouest semble pousser plusieurs experts et analystes politiques à ajouter cette question dans l’analyse de ce qui se passe réellement dans notre sous-région.
Il ne fait aucun doute que la géopolitique et la géostratégie sont devenues des outils importants qui guident les pays et influencent désormais les relations internationales entre les états et les intérêts divers. Un autre constat est que si dans le passé c’est les questions économiques et financières y compris notamment le contrôle des chaînes internationales de distribution et d’approvisionnements qui occupaient le centre des préoccupations des grandes puissances aujourd’hui les questions sécuritaires ont pris désormais une place prépondérante dans les relations internationales.
Pour revenir au Sahel il est utile de se poser la question de savoir pourquoi le Burkina, le Mali et le Niger qui ont d’abord créé l’AES pour faire face ensemble au terrorisme ont décidé de se retirer soudainement de la CEDEAO ? Une autre question qu’il y a lieu également de se poser est de savoir pourquoi la CEDEAO donne elle la priorité aux sanctions sévères contre ses pays membres sans se soucier de leur impact sur les populations et sur les autres objectifs économiques de l’organisation sous-régionale ?
En écoutant les deux parties en face la CEDEAO d’un côté et les états dits putschistes de l’autre on peut dire sans se tromper que c’est le manque de dialogue suffisant et sincère qui est à la base de la crise actuelle entre les deux parties.
Pour la CEDEAO les coups d’état sont inacceptables et il faut les combattre sévèrement à travers des sanctions pour mettre la pression sur les militaires qui ont pris le pouvoir par les armes et dans le cas du Niger qui est apparu comme le coup d’État de trop ils ont même envisagé d’utiliser la force pour rétablir le président Bazoum au pouvoir.
Pour les militaires qui sont pouvoir ils justifient leur prise de pouvoir par le désordre et la mauvaise gouvernance de la classe politique et promettent de mettre de l’ordre dans le cadre des transition avant de retourner dans les casernes.
Les orientations politiques et les réformes que les dirigeants militaires ont choisi d’appliquer ainsi que la durée réelle de ces transitions semblent apparaître aujourd’hui comme des points assez importants de discorde au point de détruire la confiance entre les acteurs concernés.
Face à ce sombre tableau nous espérons que les parties vont privilégier le dialogue et la négociation pour éclaircir les malentendus et les confusions qui semblent les éloigner en passant des deux côtés à l’intérêt général de la sous-région et de ses populations en particulier.
Avant tout chaque pays de l’AES devra respecter les procédures judiciaires et politiques internes d’approbation de la décision de retrait s’il y a lieu pour obtenir l’adhésion des populations avant de rendre la décision effective dans chaque pays.
Dans le cas du Mali par exemple Le CNT pourrait ouvrir des discussions en son sein (qui peuvent même être à huis clos si nécessaire )sur la question notamment, de même que la court constitutionnelle pourrait donner un avis sur la constitutionnalité de la décision.
Les populations des pays de l’AES doivent comprendre que le problème du fonctionnement actuel de la CEDEAO notamment sa gouvernance et leadership dépasse les décisions prises sur les question des coups d’Etat et de la démocratie . Il y a des divergences profondes entre les états membres sur les missions mêmes de l’institution et la manière dont les décisions sont prises notamment au niveau des sanctions qui affectent les populations innocentes. Si on se réfère à l’expérience de l’Union européenne par exemple pour les décisions importantes l’unanimité des pays membres est requise. Ce qui n’est pas le cas pour la CEDEAO.
La conséquence est que des questions sur les ingérences et influences extérieures soulèvent des divergences sérieuses entre les états membres. Ces divergences sont malheureusement cachées et n’ont pas fait l’objet de discussions au sein de la CEDEAO elle même.
En effet il y a plus ou moins les questions géopolitiques et géostratégiques qui se sont invitées dans le débat politique en Afrique de l’Ouest et au Sahel. L’occident fait tout pour avoir ou garder les pays de la sous-région dans son giron Les interventions militaires récentes de la France dans la sous-région sont un exemple concret des intentions de barrer la route à toute forte présence de la Russie, de la Chine et même de la Turquie dans nos pays. Les secteurs de la sécurité et du développement sont devenus désormais les terrains où se mène la bataille entre les grandes puissances actuellement.
Chaque camp des grandes puissances cherche à faire accepter sa vision de l’ordre mondial aux pays africains. Et cela se passe sur plusieurs fronts y compris à travers des influences sur nos dirigeants dans leurs décisions.
Pour l’occident la doctrine repose sur la démocratie , les droits de l’homme et le libéralisme économique et les intérêts se sont étendus aussi aux questions sécuritaires qui sont devenues prioritaires dans plusieurs zones du monde.
Pour la Russie et la Chine et de façon générale les BRICS c’est de promouvoir un ordre mondial multipolaire et d’échapper au modèle de culture que l’occident veut imposer au reste du monde.
Voilà la lutte qui se mène actuellement en Afrique de l’Ouest.
Tous les pays de l’AES ont en commun d’avoir tous rejeté la présence des forces françaises dans leur pays au profit d’un rapprochement avec la Russie, la Chine et la Turquie qui aident désormais à équiper et former leurs armées nationales.
Il est clair que ce choix politique fait par ces états de choisir librement les partenaires qu’ils souhaitent est combattu par les pays de l’occident sous toutes les formes y compris à travers des campagnes de diabolisation des dirigeants qui sont au pouvoir. Des forces occultes agissent en passer par la CEDEAO à travers les chefs d’État qui leurs sont favorables pour gagner la bataille d’influence.
Nous devons analyser la question du retrait des pays de l’AES de façon plus approfondie et ne pas se limiter à ce qui est simplement apparent.
La CEDEAO devrait ouvrir un débat en son sein sur les questions de géopolitiques et géostratégiques qui sont devenues très importantes dans notre paysage politique et dans le contexte international. Et l’Afrique entière doit mener ce débat et idéalement adopter une position commune et consensuelle pour pouvoir mieux défendre ses intérêts et ceux de chacun de ses membres.
Nos institutions régionales africaines manquent sérieusement de réflexion prospectives pour guider l’Afrique et les pays africains sur les questions à long terme et éviter que nous soyons des éternels suivistes des puissances du monde. L’Afrique doit avoir désormais une voix qui compte.
Revenant au retrait des pays de l’AES nous ne pouvons à ce stade que demander que le dialogue avec la CEDEAO pour éventuellement s’accorder avec les trois pays (à défaut de résoudre leurs différents ) sur un plan de retrait en y incluant la future coopération et collaboration dans tous les domaines économiques, financiers,sociaux, culturels et mêmes sécuritaires.
À défaut d’un tel accord avec la CEDEAO l’AES pourrait engager des discussions ensemble avec chaque pays membres de la CEDEAO pour signer des accords entre l’AES et chacun de ces pays.
Dans les deux cas les chefs d’états de nos pays devront privilégier les intérêts de nos populations.
J’ajoute que nous ne devons pas paniquer et que les états sont souverains en matière d’entrée ou de sortie des organisations régionales. Il faut juste que ces organisations aient un leadership et une gouvernance exemplaire elles mêmes d’abord et éviter d’imposer des voies par la force aux pays membres sans obtenir un consensus sur le fond des questions concernées. Le dialogue doit être l’outil prioritaire de nos organisations régionales. Les politiques de sanctions de nos organisations régionales devraient être toutes revues pour les rendre moins sévères, moins injustes et ne cibler que les fautifs. Nos organisations sous-régionales doivent toujours tenir compte des opinions des populations dans leurs prises de décisions. L’assemblée inter-parlement de nos organisations régionales doivent jouer un plus grand rôle dans le fonctionnement de ces institutions qui sont de plus en plus taxées de CEDEAO des chefs d’État et non des peuples.
Analyse et Opinion du citoyen africain lambda.
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