probablement contraint à un deuxième tour
Selon l’institut Ipsos, le chef de l’Etat malien et ses deux
principaux challengers se tiennent dans un mouchoir de poche
à l’approche du scrutin du 29 juillet.
Donné favori pour sa réélection il y a quelques semaines, le président
malien, Ibrahim Boubacar Keïta, pourrait avoir la tâche bien plus ardue
que prévu. Le dernier sondage Ipsos le donne certes en tête au premier
tour de la présidentielle du 29 juillet avec 24,7 % des voix, soit 2,2 % de
plus que la dernière vague d’enquête de l’institut français, réalisée en
mars. Mais Soumaïla Cissé, le président de l’Union pour la république et
la démocratie (URD), le talonne avec 23,5 % des intentions de vote (+
5,2%). Cheick Modibo Diarra, l’ancien Premier ministre de la transition
et président de Microsoft Afrique, complète le trio de tête avec 15,9 %. Le
quatrième est un autre ancien Premier ministre, Moussa Mara, avec 15,1
%. Or ce dernier vient de rallier Cheick Modibo Diarra dont la
candidature a été provisoirement invalidée par la Cour constitutionnelle
en attendant des clarifications sur les parrainages. Le tandem se met
donc à rêver de basculer en tête à l’issue du premier tour même si les
reports de voix ne seront pas systématiques. «Nous formons une équipe
et sommes sur la même longueur d’onde, explique Moussa Mara. Nous
proposons aux Maliens un programme de rupture basé sur la bonne
gouvernance et la redevabilité. Je me suis effacé à son profit car il est
plus âgé que moi». La bonne exploitation de ce sondage Ipsos,
commandé par l’un des challengers d’IBK, est importante pour
l’opposition alors que le pouvoir tente d’accréditer la thèse d’une victoire
dès le premier tour. «Le camp du président est obligé de renoncer à ce
projet funeste», poursuit Moussa Mara. De passage à Paris cette semaine,
le Premier ministre malien, Soumeylou Boubèye Maïga, a rencontré
Franck Paris, le conseiller Afrique de l’Elysée, et les journalistes de la
presse diplomatique. En campagne pour la réélection d’IBK, il se montre
pourtant très optimiste. L’Onu a également réalisé des sondages ces
derniers mois, donnant le président et son challenger, Soumaïla Cissé,
dans un mouchoir de poche, à un peu plus de 20 % des intentions de vote
au premier tour. Moussa Mara complétait alors le podium, à un peu plus
de 10%. Vote rural. Mais ces sondages comportent quelques biais,
notamment en raison de la surreprésentation des électeurs de Bamako.
«Plus de 50 % des électeurs vivent en milieu rural, explique un diplomate
connaissant bien le pays. Et cet électorat est sensible aux sirènes de
l’argent. IBK et Boubeye Maïga, qui a dirigé les renseignements,
connaissent très bien la carte électorale et disposent de moyens
conséquents pour faire voter massivement dans les campagnes». Le chef
de l’Etat devrait vraisemblablement être au deuxième tour mais une
élection au premier tour paraît difficile à moins de passer en force. Son
bilan, après cinq ans d’exercice, ne plaide pas en sa faveur. L’insécurité
touche aujourd’hui le centre du Mali, en plus du Nord du pays. Les
investissements économiques tardent à arriver. Et l’application de
l’accord de paix n'a pas connu d’avancée significative depuis des mois. «Il
y a un coup à jouer au deuxième tour, se met à rêver un soutien de
Soumaïla Cissé. Notre candidat est le principal challenger. Il cristallise
les déçus de l’ère IBK même si ce n’est pas forcément un vote
d’adhésion». Le candidat Cissé achevait en fin de semaine une tournée en
Côte d’Ivoire, pays comptant une importante diaspora malienne et dont
le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, est plutôt un allié politique.
De son côté, le duo Cheick Modibo Diarra et Moussa Mara étaient de
passage à Paris. Ils ont eu plusieurs entretiens avec les officiels français
(Quai d’Orsay, Elysée, service spécialisé de la défense). Les deux hommes
croient en leur étoile mais s’inquiètent de la mauvaise distribution des
cartes d’électeurs à Bamako. Les candidats de l’opposition travaillent
actuellement à la mise en place d’une alliance « tout sauf IBK » pour le
second tour. Sa concrétisation pourrait dépendre du poids de chacun au
soir du premier tour.
Pascal AIRAULT