En coulisse, il est apparu que la délégation d’hommes d’affaires et de dirigeants aurait préféré se rendre au Sénégal ou mieux en Côte d’Ivoire, avant de se plier à une décision politique.
« Le prochain Sommet Afrique-France de Bamako est d’abord un sommet politique, a rappelé Pierre Gattaz, président du syndicat patronal français (Medef), en ouverture d’une conférence de presse organisée à la mi-novembre au siège de l’organisation patronale. Mais nous allons aussi en faire un sommet économique ».
Après avoir détaillé toutes les opportunités en matière de business qu’offre l’Afrique (démographie galopante, importance de la Francophonie, croissance soutenue, faible décalage horaire…), le patron des patrons a une nouvelle fois déploré la raréfaction des entreprises françaises sur le continent : « Les Africains me demandent souvent : ‘Mais où sont les Français ? On ne les voit plus !’ »
En amont du 27e Sommet Afrique-France qui aura lieu à Bamako, les 13 et 14 janvier 2017, le Medef et ses partenaires lancent diverses initiatives destinées, selon Pierre Gattaz, à soutenir l’économie et l’emploi. « Nous cherchons une approche durable basée sur le long terme, a déclaré le président. En créant des emplois en Afrique, nous en créons aussi en France ».
Les Programmes pour la croissance et la jeunesse active, dont la première action sera l’organisation des forums de la jeunesse et de l’entreprenariat Afrique-France les mardi 6 et mercredi 7 décembre à Paris, réuniront des décideurs publics, des entrepreneurs et des patrons.
Plateforme en ligne
Lors de ce forum, le prix de l’entrepreneur Business-Africa sera notamment remis aux « entrepreneurs emblématiques Afrique-France » et une plateforme en ligne collaborative en libre accès sera lancée pour permettre aux jeunes et aux entreprises de partager leurs expériences.
« Ce sont des initiatives intéressantes qui servent à la promotion des jeunes entrepreneurs africains, se félicite Mahamet Traoré, président du Conseil national de la jeunesse malienne en France. Les intentions sont bonnes, car il ne faut pas oublier que l’entrepreneur africain est confronté à des difficultés que l’entrepreneur français ignore, telles que le problème des infrastructures, le manque de sécurité de l’investissement et les difficultés d’accès au crédit. Il y a des étapes qu’il ne faut pas brûler et il est nécessaire que nos gouvernements soient impliqués ».
Une quarantaine de chefs d’Etat, les principaux responsables onusiens, plusieurs centaines de ministres et près de 3000 participants sont attendus à Bamako lors du sommet. Pour l’occasion, des chantiers d’extension et de modernisation ont été engagés à l’aéroport international Modibo Kéita, qui porte officiellement le nom du père de la nation malienne depuis janvier.
Les deux assaillants
Si l’on promet que la ville sera impeccable – nettoyage des rues, collecte des ordures ménagères et campagnes de sensibilisation pour un changement de comportement en matière d’hygiène et de propreté ont été lancés -, on assure que la sécurité sera renforcée dans toute la ville, personne n’ayant oublié l’attaque jihadiste contre l’hôtel Radisson Blu qui avait tué 22 personnes, dont les deux assaillants, le 20 novembre 2015.
Mais, dans les couloirs du Medef, le cœur n’y est pas. « Le problème de la sécurité nous inquiète un peu, mais il n’y a pas que cela, confie un haut responsable de l’organisation patronale qui souhaite rester anonyme. Notre délégation d’hommes d’affaires et de dirigeants aurait préféré se rendre au Sénégal ou mieux en Côte d’Ivoire, où il y a de très bonnes affaires en ce moment [en avril, 130 chefs d’entreprises français s’étaient rendus à Abidjan pour partir à la reconquête de ce pays qui enregistre une croissance moyenne de 9 % depuis 2010]. Le choix de Bamako résulte d’une décision politique et non économique ».
Succès de sa politique étrangère
Lancée en janvier 2013 par l’armée française, l’opération « Serval », qui a permis de soutenir les troupes maliennes pour repousser une offensive des groupes armés islamistes dans le Nord du Mali, est présentée par François Hollande comme l’un des grands succès de sa politique étrangère. « Notre avis n’a pas été entendu », déplore-t-on au Medef.
Diverses tentatives pour déplacer le sommet de Bamako vers Abidjan ont eu lieu, en vain. Interrogé sur un éventuel regret de ne pas accueillir le sommet en Côte d’Ivoire, Daniel Kablan Duncan, Premier ministre ivoirien, a voulu calmer le jeu : « Abidjan ou Bamako, c’est la même chose. L’essentiel est de voir l’Afrique de l’Ouest en tant que zone. Nous aurons à Abidjan un grand sommet plus large entre l’Union européenne et l’Afrique, probablement en novembre 2017. C’est donc bien de se partager les événements. Bamako est finalement tout près d’Abidjan ».
A. M. C. avec Le Monde Afrique