Le noma est un fléau qui frappe les enfants des pays pauvres. Cela commence par une banale irritation des gencives, un œdème de la joue qui –faute de soin- se transforme en quelques jours en une nécrose putride qui ravage le visage. Seuls 20% des victimes survivent mais à quel prix ! Souffrances, trous béants dans la face, rétraction qui affecte les mâchoires, impossibilité d’une alimentation normale, rejet social : les petites victimes du noma ont leurs vies détruites à jamais. Cette maladie s’attaque aux êtres affaiblis (de préférence les enfants aux chairs tendres) souffrant de malnutrition et de manque d’hygiène. Elle n’est pas transmissible. Est-ce pour autant qu’il faut l’accepter comme une fatalité ?
Yes we can !
« L’accepter comme une fatalité »… Voilà typiquement le genre de phrase qui n’entre pas dans le vocabulaire d’Oumou Sangaré ! C’est même le genre de chose qui la pousse à se battre. Et les batailles, elle en a déjà gagné plusieurs…
Abandonnée par son père à l’âge de 5 ans, la petite Oumou grandit dans des conditions difficiles. Sa mère a du mal à joindre les deux bouts pour élever ses 5 enfants. Comme le dira pudiquement Oumou Sangaré lorsqu’elle sera intronisée ambassadeur de la FAO en 2003 : « C‘est un honneur… car je sais ce que la famine veut dire ».
Grâce à ses talents de chanteuse, elle devient soutien de famille à dix ans. Propulsée au rang de Star en 1991 à l’âge de 21 ans (où elle son sort son premier album), Oumou Sangaré n’a jamais cessé depuis d’être sur le devant de la scène. Dès le départ, elle défend le droit des femmes, se bat contre la polygamie et dénonce les injustices sociales. Très vite elle devient une porte parole qui porte haut les couleurs du Mali à travers le monde, car elle tourne sur toutes les grandes scènes internationales. Il faut dire qu’Oumou a une capacité hors norme à bouleverser le cœur des gens, par delà les barrières de la langue.
D’ailleurs parmi ses fans, on compte Oprah Winfrey, Alicia Keys, Tracy Chapman, Trilok Gurtu, la reine Béatrix des pays Bas… Et on ne dénombre plus les pays où elle est reçue comme une star : Mexique, Australie, Pays bas, Maroc, Etats Unis, sans compter les pays du continent africains qui renforcent systématiquement les services d’ordre quand elle s’y produit dans des stades.
Star et chef d’entreprise
Cette star discrète, qui provoque des émeutes publiques lors de ses apparitions mais qui est restée très simple, a depuis toujours à cœur d’aider les démunis, les « sans-voix ». Par ses chansons tout d’abord, que tous les maliens du monde écoutent en boucle (toutes générations confondues). Mais aussi à travers diverses actions. Car comment décrire Oumou Sangaré ? C’est une tornade d’énergie et de vie, dotée d’un sens des responsabilités hors du commun.
Comme il n’existe pas de système de retraite pour les artistes au Mali et qu’elle doit faire vivre un nombre respectable de personnes, Oumou a créé un hôtel situé sur la route de l’aéroport. Puis elle a acheté une ferme où elle élève des bovins hybrides entre les vaches hollandaises (pour la productivité en lait) et les vaches maliennes (pour la résistance au climat). Sur les terres disponibles, elle cultive du mil et du maïs pour les plus démunis. Elle est aussi à l’origine de construction d’écoles et de dispensaires (essentiellement dans la région du Wassoulou).
Le point décisif dans sa vie est la création de la société de véhicules Oum Sang (des voitures chinoises au moteur japonais, que cette citoyenne du monde commercialise sous une enseigne malienne) en avril 2006, qui emploie plus de 70 personnes. Cela lui a donné le goût d’entreprendre. Elle a mis sur pied une société de taxis Oum Sang, chanté pour la célébration des 60 ans de la déclaration des droits de l’Homme à Harvard, sorti un album qui a été célébré dans le monde entier.
Africa !
Aujourd’hui, Oumou Sangaré est saluée sur toute la planète tant pour ses qualités artistiques, pour ses capacités à aller vers d’autres styles musicaux (duo télévisé avec Alicia Keys, featuring avec des rappeurs, tournées aux Usa avec Tracy Chapman) que pour sa démarche de chef d’entreprise. Pour tous les maliens (diaspora comprise), Oumou Sangaré symbolise l’Afrique du 21ème siècle, celle qui prend son destin en main.
Le 25 décembre, a été lancée la fondation Oumou Sangaré, dont la première action a été l’organisation d’un concert au grand stade de Bamako pour recueillir des fonds afin de lutter contre le noma. Tous les artistes Maliens ont répondu présent et le concert, qui a été retransmis sur Africable et Orange Mali. On imagine sans peine que Salif Keita, Hadja Soumaro, Nahawa Doumbia & co ont donné leur accord immédiatement, trop heureux de soutenir une initiative 100 % malienne.
Afrikcom 12/01/2011