L’Institut national de la statistique du Mali a publié son rapport d’Enquête modulaire et permanente auprès des ménages (Emop) déroulée entre avril 2015 et mars 2016. Elle touche les aspects : consommation, pauvreté, bien-être des ménages. Les ménages dirigés par les hommes contiennent plus de pauvres que ceux dirigés par les femmes (48,3 % contre 28,5 %).
Depuis plus d’une décennie, le gouvernement a placé la lutte contre la pauvreté au cœur de toute politique de développement du pays. Cette volonté s’est manifestée à travers la mise en œuvre des différentes générations du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP).
Le rapport résulte de l’analyse des données consolidées des dépenses de consommation des ménages de la 5e édition (Emop-2015/2016) et expose le niveau des principaux indices de pauvreté enregistrés au niveau national, dans les régions et les milieux de résidence retenus en tant que strates d’analyse (Bamako, autres villes et rural).
L’Institut national de la statistique, avec l’appui de la Suède, entend relever ce défi en mettant en place un système d’enquête modulaire et permanente auprès des ménages (Emop) qui a pour objectif de fournir, dans des délais courts, les indicateurs permettant de suivre régulièrement les conditions de vie des populations et des ménages.
Niveau de la pauvreté
L’incidence (taux) de la pauvreté, c’est-à-dire la proportion de la population malienne qui n’arrive pas à dépenser 177 000 F CFA nécessaire pour satisfaire ses besoins de base, est estimée à 47,2 % en 2015. La pauvreté est largement répandue en milieu rural, plus de la moitié d’entre eux sont pauvres (53,1 %). Les ménages dirigés par les hommes contiennent plus de pauvres que ceux dirigés par les femmes (48,3 % contre 28,5 %).
L’effort d’investissement nécessaire pour éradiquer la pauvreté, mesuré par sa profondeur, c’est-à-dire le déficit collectif moyen des dépenses des pauvres par rapport à la ligne de pauvreté pour l’ensemble de la population, est estimé à 434 milliards de F CFA.
Possession de biens durables
L’enquête montre qu’un ménage sur trois (32,1 %) possède un téléviseur. C’est le milieu urbain qui explique en grande partie cette possession avec 66,3 % contre 19,2 % en milieu rural. Le pourcentage de ménages possédant un téléviseur a connu une augmentation significative entre 2006 et 2015, passant de 21,5 % à 32,1 %.
La possession du téléphone portable par les ménages a enregistré une progression significative entre 2006 et 2015, passant de 22,5 % à 82,7 %. Les proportions des ménages possédant ce moyen de communication sont estimées respectivement à 95,5 % et 77,8 % pour les milieux urbain et rural.
Accès aux services de base
La proportion de ménages ayant accès à l’eau potable est passée de 78,7 % à 84,6 % entre 2006 et 2015. Dans l’ensemble, 21,2 % des ménages parcourent plus de 15 km pour accéder à l’eau potable et 19,6 % d’entre eux y accèdent après 60 m.
En termes d’hygiène, l’enquête révèle une augmentation dans l’utilisation de la nature comme moyen d’aisance en milieu rural entre 2014 et 2015. On passe ainsi de 10,8 % à 11,7%. L’enquête montre également que le bois reste la principale énergie utilisée par les ménages comme moyen de cuisson.
La proportion des ménages ayant recours à ce combustible a connu une baisse passant de 83,8 % à 75,3 % entre 2006 et 2015. Ce sont les ménages ruraux qui sont les plus grands utilisateurs de ce moyen (87,7 %) alors qu’en milieu urbain ce taux est de 42,5 %. L’analyse révèle un progrès significatif quant à l’accès à l’électricité en réseau. En effet, au Mali, le taux d’accès est passé de 20,1 % en 2006 à 23,7 % en 2009 et 44,8 % en 2015.
Allocation des dépenses selon les fonctions de consommation
De façon globale, les ménages maliens mettent plus de la moitié de leurs dépenses dans l’alimentation (56,9 %). Cette part est plus importante dans la région de Tombouctou (69,4 %) et moins élevée à Bamako (38,8 %). Autrement dit, si les ménages de toutes les autres régions ont mis plus de la moitié de leurs dépenses dans l’alimentation, Bamako en a mis un peu plus du tiers.
Ce résultat est d’autant plus plausible dans la mesure où la grande majorité des ménages aisés résident à Bamako et qui selon la théorie économique privilégient les dépenses sur d’autres biens au détriment des biens alimentaires. Environ 12 % des dépenses des ménages sont affectées au logement, 7,0 % au transport, 6,0 % dans les habillements et 3,7 % aux meubles, articles de ménages et entretiens.
Bamako a la plus forte proportion de toutes les dépenses citées avec 19,6 % d’allocation des dépenses dans le logement, 11,3 % dans le transport et 6,2% dans les articles d’habillement et de chaussures. Les parts des dépenses quasiment nulles constatées au niveau de l’enseignement et la restauration et les hôtels seraient probablement dues au poids des ménages du milieu rural qui ont des dépenses.
Etat sanitaire de la population, activité et pauvreté
L’Emop renseigne une série de questions qui informent sur l’état de santé de la population, les services de santé auxquels elle recourt en cas de nécessité et les difficultés rencontrées lors des consultations médicales.
Ces informations sanitaires croisées avec le statut de pauvreté font ressortir que la maladie touche à peu près de la même proportion les pauvres et les non pauvres. Ce croisement montre que l’incidence de la pauvreté est plus faible chez les personnes malades dans au moins 2 passages (42,1 %).
Les résultats montrent également que le service de santé auquel les pauvres ont recours est le Cscom (58,0 %), suivi du guérisseur ou marabout (14,6 %) et autres privés ou ONG (6,6 %). L’ensemble des difficultés rencontrées par les pauvres lors des consultations, se résument essentiellement aux coûts de consultation (75,9 %), à la durée des temps d’attente (14,9 %) et à l’inefficacité des traitements (15,4 %).
Alphabétisation
Parmi les caractéristiques individuelles, l’alphabétisation est un des facteurs fortement liés à la pauvreté. Même si le taux d’alphabétisation n’est pas très élevé au Mali, force est de constater que le pays a connu une croissance considérable entre 2001 (21,3 %) et 2015 (33,1 %) soit une augmentation de 12 points de pourcentage entre les deux dates. L’alphabétisation est plus répandue chez les hommes comparativement aux femmes et aucune réduction n’est perceptible en ce qui concerne l’écart entre les deux sexes.
Les résultats de l’enquête indiquent que quel que soit le milieu de résidence, le taux de possessions des biens d’équipement est plus élevé chez les « non pauvres ». Ils révèlent également que les pauvres ont moins accès aux services de base. Au vu de ces résultats, les politiques de lutte pour la réduction de la pauvreté doivent s’orienter sur les mesures qui visent à : faciliter l’accès des ménages aux produits alimentaires de base pour lesquels ils engloutissent une bonne partie de leurs ressources ; persévérer dans les efforts de scolarisation et d’alphabétisation de la population; faciliter l’accès des ménages ruraux aux services ou infrastructures de base à travers une stratégie d’investissements adéquats dans les zones rurales ; proportionner les efforts d’investissement en fonction de l’ampleur de la pauvreté dans les différents milieux de résidence.
Ousmane Daou et Instat