Au cours des deux dernières années, le traitement de la plupart des grandes questions de la Nation a été marqué par le recours à la rue par les personnes ou les groupes intéressés. Ce fut le cas pour l’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm), suite à des troubles qui ont émaillé la célébration de la fête du travail. Par ailleurs, plusieurs marches de protestation ont été organisées à Bamako par des couches socioprofessionnelles pour marquer leur refus de l’Assurance maladie obligatoire (Amo). Et ce n’est que par ce moyen qu’elles ont été entendues.
Aussi, des dossiers comme ceux de la corruption et la délinquance financière des deniers publics, le chômage au Mali, le foncier dans le district de Bamako, les reformes constitutionnelles, et même la gestion du football malien, ont provoqué des soulèvements populaires, parce qu’il s’agit partout de mal gouvernance refusée par les populations. Faute d’interlocuteurs crédibles, elles ont recours à la rue. Certes, expressions de grandes libertés publiques, consenties par les pouvoirs publics, mais l’immobilisme qui caractérise les dossiers au point que rien ne bouge sans l’expression démocratique de la rue, cela traduit un malaise grave de l’Etat, une insuffisance qui peut déboucher soit dans une faiblesse institutionnelle grave ou dans l’autre extrême : l’autoritarisme.
Une autre grande question nationale est sans doute la crise sécuritaire qui touche principalement le nord de notre pays et qui se caractérise par la présence d’Aqmi sur le territoire malien, la circulation des armes et de la drogue, mais aussi des prises d’otages pour les revendre à leur pays d’origine générant d’énormes richesses pour le financement de futures actions terroristes. Ce commerce florissant et inhumain a libre cours sur notre territoire, souvent facilité par des gouvernants qui y participent et même concèdent souvent à la libération de salafistes prisonniers. La revendication de l’indépendance de la République de l’Azawad, évoquée par des touaregs de Kidal et Ménaka, qui ont également marché pour l’exprimer, ne s’explique que par une absence d’autorité institutionnelle.
Si la rue devient le moyen d’action le plus porteur, presqu’une mode, c’est parce qu’on est face à des institutions inaptes à régler convenablement les problèmes de leurs administrés. Cette situation qui traduit un symptôme grave dénote également du dysfonctionnement ou de l’échec des canaux institutionnels de règlement des problèmes posés. Les Maliens décident simplement de mettre à l’écart des institutions qui n’existent que pour eux. De deux choses l’une, ou ces institutions sont mal adaptées, ou elles sont animées par des hommes qui ne sont pas à hauteur de mission et donc ne peuvent pas jouer le rôle qui est le leur. Alors, c’est la voie ouverte à la rue, et peut-être aux aventures.
B. Daou
Le Républicain 09/12/2011