L’intervention de l’armée a été de courte durée, sous le commandement du Colonel Didier Dacko. Les troupes de cet officier vaillant, qui a libéré momentanément Ménaka, étaient régulièrement harcelées par les bandits armés. Résultat: les forces armées et de sécurité se sont repliées sur Gao, abandonnant la ville et les populations à leur triste sort. Des sources absolument crédibles laissent même entendre que cette situation est consécutive à un déficit de renforts et de ravitaillement en vivres.
Conséquence: le MNLA s’est confortablement installé à Ménaka. Il occupe en ce moment les postes de la Gendarmerie, de la Police et le Camp militaire. Le Tribunal, le bureau du Préfet et celui du Maire sont également occupé par les insurgés. L’adduction d’eau potable et l’AMADER sont gérées directement par des éléments de cette force obscure.
En clair, Ménaka est sous administration MNLA. Ses combattants ne font pas de mal aux civils, selon ce que l’on nous a rapporté. Mais ceux-ci ne leur font pas confiance et fuient tous les jours plus nombreux la ville. Nombre d’entre eux se sont déjà réfugiés au Niger et d’autres ont rapidement rallié Gao.
Ne ne parlons pas de la seule ville de Ménaka, mais aussi de toutes les agglomérations de la contrée, dont Andéreboukane, Talataye, Tessit et même Intillit, située à 95 km de Gao. Dans cette dernière cité, il semble que les populations aient entièrement vidé les lieux, pour se retrouver dans des campements voisins, mieux sécurisés.
En outre, on signale aussi des affrontements à Tinzawatten, à la frontière avec l’Algérie et des harcèlements incessants des troupes d’Elhadj Gamou à Kidal, ainsi qu’à Tessalit. Dans l’après-midi de mercredi, nous apprenions d’ailleurs que la ville était elle aussi tombée aux mains des rebelles, après trois jours de combat qui ont amené les soldats maliens à épuiser leur stock de munitions. Ainsi, même si le Colonel Gamou arrive toujours à tirer le premier coup de feu tendant à les repousser, les rebelles se replient et reviennent ensuite à la charge.
Quant à Gao, la ville est bien sécurisée avec le camp militaire qui s’y trouve, dirigé par le Colonel Didier Dacko, dont nous parlions plus haut, appuyé par le Colonel Ould Meydou. Des patrouilles s’effectuent tous les jours. Mais la psychose règne quand même et les populations sont très inquiètes. Certaines d’entre elles, surtout les «peaux rouges ou blanches», ont trouvé refuge à Bamako ou dans des pays voisins, notamment le Burkina Faso, le Niger et la Mauritanie.
A Tombouctou, la situation est plus calme que dans les deux autres régions du Nord. La sécurité est manifestement assurée, car les éléments du camp militaire Cheick Sidi El Bakaye, soutenus par une milice arabe, sont très vigilants et très actifs. Pour autant, la psychose gagne les populations civiles des autres communes du Cercle de Tombouctou. Ce qui a nécessité une rencontre des différents élus de ces communes, sous l’égide du Maire de la Cité des 333 saints, Hallé Cissé, lequel a invité «les merveilleuses populations de Tombouctou à la solidarité vis-à-vis des déplacés».
Au même moment, la classe politique tergiverse, multipliant les réunions inutiles pour sortir un «plan d’action». Incapable de formuler des propositions concrètes, réalistes et exécutoires immédiatement, en raison de l’urgence, elle élabore un document douteux qu’elle entend soumettre au Président ATT, pour avis, avant sa publication officielle. Que non! Indépendants du Président, les partis doivent s’engager et proposer des actions, avec ou sans l’assentiment du chef de l’Etat. C’est ainsi qu’on pourra engager un véritable débat démocratique, dénué de toute hypocrisie ou calcul politicien. S’il faut avoir l’accord d’ATT pour agir ou se manifester, cela n’en vaut pas la peine!.
Le PDES a agi à sa façon, avec sa modeste contribution de 10 millions de FCFA aux forces armées et de sécurité. D’autres partis veulent proposer des actions dilatoires (un forum, un meeting et que sais-je encore) dont ils attendent que le financement soit assuré par l’Etat, lequel est manifestement en train de «se chercher». C’est vraiment dommage!
De son côté, le Quai D’Orsay, par la voix d’Alain Juppé, souhaite un «cessez-le-feu immédiat au Mali, où la rébellion touareg a remporté récemment d’importants succès militaires face aux troupes maliennes… Nous considérons que, quels qu’en soient les motifs, ce recours à la force n’est pas acceptable dans une démocratie comme le Mali. Un cessez-le-feu immédiat est pour nous impératif». Le ministre français a également ajouté, devant le Sénat, «parallèlement, il importe de traiter la question touareg au fond, ce qui suppose un dialogue entre Bamako et toutes les parties concernées», avant de préciser: « je l’ai dit moi-même au Président Touré. Je salue son sens de l’unité nationale, tel qu’il l’a manifesté dans un discours récent, et je suis confiant dans la capacité du peuple malien à préserver son modèle démocratique ».
Le temps presse et l’horizon n’est pas vraiment clair, avec le flot des réfugiés, plusieurs dizaines de milliers de personnes, qui ont trouvé refuge dans des campements au Mali, mais aussi dans des pays voisins. Ils seraient au moins 10 000 au Niger, 9 000 en Mauritanie et 3 000 au Burkina Faso, selon le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).
Sur le terrain militaire et diplomatique, aucun résultat significatif n’est enregistré à ce jour. Et personne ne pourrait parier sur ce qui adviendra demain. Tout est donc toujours possible et rien n’est à exclure (le meilleur comme le pire). Que Dieu aide le Mali!
Chahana Takiou
22 Septembre 08/02/2012