Retour à la case départ !
De fait, le colonel Assimi Goïta, vice-président de la Transition et ex-chef du Conseil national pour le salut du peuple (CNSP), a repris ce matin les commandes de l’appareil d’Etat après avoir mis le »président de la Transition et le Premier ministre hors de leurs prérogatives ».
Il leur reproche d’avoir concocté la liste des membres du nouveau gouvernement, sans tenir compte des prérogatives du vice-président.
Au-delà, les arguments du colonel Assimi Goïta ont révélé une tension latente au sommet de l’Etat.
La publication de la liste du gouvernement a donné lieu à des remous à Kati.
Très vite, les rumeurs faisant état de bruits de bottes entre cette ville garnison et la capitale se sont avérées.
Le président de la Transition et le Premier ministre ont été conduits au camp Soundjata Keïta, où l’ancien président Ibrahim Boubacar Kéita avait rendu sa démission en août 2020.
Le climat qui prévalait alors s’empara de nouveau de tout le pays.
Les médias en ligne se sont emballés, reprenant en boucle les brides d’informations qui s’échappaient des locaux du camp Soundjata.
Sur les réseaux sociaux, chacun y allait de ses commentaires.
Avec à la clé des fake news délibérément distillés pour soutenir ou accabler les militaires.
Les Maliens passeront ainsi un après-midi tout aussi long que celui du mardi 18 août, les regards figés sur les petits écrans (Smartphones et télé).
Au même moment, la communauté internationale s’est mise en branle, appelant à la libération immédiate des autorités arrêtées.
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine, l’Organisation des Nations unies à travers la Minusma, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni l’Allemagne, l’Union européenne…
Tous dénoncent une » tentative de coup de force ».
Dans la foulée, la CEDEAO annonce qu’elle dépêchera une mission de médiation au Mali.
L’Union européenne, pour sa part, a dit envisager des mesures ciblées contre les dirigeants politiques et militaires qui font obstacle à la transition.
Aussi, comme pour montrer sa fermeté, le comité local de suivi de la transition composé de tous les représentants de la communauté internationale menace: ‘’Les auteurs de l’arrestation du Premier ministre et du président de la Transition seront personnellement rendu responsables de leur sécurité ».
Dans le sillage de la Communauté internationale, des personnalités politiques et organisations nationales ont donné de la voix.
L’ancien Premier ministre Moussa Mara ou encore l’ancien ministre Husseini Amion Guindo ont pris sur les réseaux sociaux position pour le président Bah N’Daw.
Les organisations de défense des droits de l’homme, dont la commission nationale des droits de l’homme (CNDH), ont dénoncé le caractère « illégal et arbitraire » des arrestations opérées.
Tard dans la soirée, une délégation du M5-RFP a été conviée au Prytanée militaire de Kati par les militaires pour échanger.
Peu d’informations ont filtré de la rencontre.
Mais elle a, semble-t-il, scellé une sorte de retrouvaille entre les alliés d’hier, après avoir été distanciés par les évènements.
Alors que certains responsables de ce mouvement continuent de jubiler, Mme Sy Kadiatou Sow, une figure de proue, s’est démarquée en condamnant le « coup de force » des militaires.
Tension.
C’est ce matin que le vice-président a rompu le silence, à travers un communiqué dont la teneur a été livrée sur la chaîne nationale par un de ses proches collaborateurs.
Un communiqué qui révèle une tension latente au sommet de l’Etat.
En effet, le Colonel Assimi Goïta a expliqué que Premier ministre Moctar Ouane s’est montré » incapable de constituer un interlocuteur fiable, susceptible de mobiliser la confiance des partenaires sociaux » face à la crise caractérisée notamment par des grèves.
Ce qui n’aurait pas empêché le président de la Transition de lui renouveler sa confiance pour former un nouveau gouvernement.
Pis, Bah N’Daw et Moctar Ouane ont établi une liste ‘’sans concertation avec le vice-président en charge des prérogatives à lui conférées par la charte à savoir, la Défense et la Sécurité’’.
Toute chose qui, selon Assimi Goïta, ‘’témoigne d’une volonté manifeste du président de la transition et du premier ministre d’aller vers une violation de la charte de transition’’.
Ainsi, a-t-il jugé utile d’agir pour préserver la charte.
Il a assuré que la transition poursuivra son cours normal et que les élections se tiendront courant 2022.
L’émissaire de la CEDEAO réussir a-t-il décanter la situation ?
Il avait fallu moult tractations pour que les militaires acceptent de libérer l’ancien chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta et, sous la pression de la CEDEAO, confié la direction de la Transition à Bah N’Daw qui a désigné Moctar Ouane comme Premier ministre.
Issa Dembélé
Source: L’Essormali