Elles sont des milliers de victimes au Mali qui vivent dans l’ignorance de leurs droits ratifiés par l’Etat en vue de leur permettre de vivre dignement dans la sécurité physique et morale. Mais le non-respect, la non-application de ces textes juridiques par l’Etat et la passivité des organisations de droits de l’Homme font que la violence sur les personnes gagne du terrain.
Aujourd’hui, le Mali est parmi les pays qui ne respectent pas comme il se doit les textes juridiques qui protègent le peuple. Pourtant, plusieurs instruments régionaux, nationaux et internationaux ont été ratifiés par le pays, reconnaissant les droits de la personne humaine.
Mais depuis 2012, le Mali est au cœur de la problématique. Le Sud du pays est en proie à une instabilité politique, suite aux événements de mars 2012 qui ont renversé le président démocratiquement élu, Amadou Toumani Touré.
Ce putsch militaire dirigé par les hommes de Kati, selon les rapports des acteurs de droits humains, a entraîné des violations graves des droits humains.
De nombreux responsables politiques et militaires ont été arrêtés et détenus de manière arbitraire. La liberté de la presse a été remise en cause suite à l’arrestation, l’enlèvement et les menaces dont ont fait l’objet des journalistes de la part d’individus armés, partisans présumés de la junte militaire.
Les autorités de la transition n’avaient pas les réalités du pouvoir comme l’ont démontré l’agression dont a été victime le chef de l’Etat par intérim, Diouncounda Traoré, ainsi que la répression et l’intimidation, en toute impunité, d’opposants à la junte militaire. Les violations des droits humains les plus graves commises par les acteurs du 22 mars ont eu pour cible des militaires et des policiers arrêtés après une tentative de contrecoup d’Etat qui a eu lieu le 30 avril 2012.
Selon les investigations des droits de l’Homme, ces violations des droits humains comprennent des tortures, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées. La répression, qui a fait suite à ce contrecoup d’Etat, a été d’autant plus violente que les militaires et policiers arrêtés n’ont pas été incarcérés dans un lieu de détention officiel, mais ont été conduits au camp de Kati, siège de la junte, où ils se sont retrouvés livrés, durant longtemps, aux mains des militaires auxquels ils s’étaient opposés.
Les autorités de transition n’ont pas respecté pleinement les obligations qui leur incombent aux termes des traités internationaux de droits humains et n’appliquaient pas les garanties essentielles de protection des droits humains expressément prévues par la législation nationale. Ce qu’a aggravé la situation socio politique au sud.
Quant au nord, c’était une zone « no man’s land ». Plusieurs allégations d’atteintes aux droits humains commises par les groupes islamistes armés notamment homicides arbitraires et délibérés, recrutement d’enfants soldats, viol et autres. Des exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées commises par les groupes armés. Ces actes ont chaviré les fondements de notre Etat.
Pour appuyer les autorités à recouvrer la liberté fondamentale des personnes, les organisations de défenses de droits humains avaient formulé des recommandations pour l’application des normes nationales et internationales relatives aux droits humains. Des points invitant l’Etat à respecter pleinement les obligations qui leur incombent aux termes des traités internationaux de droits et les garanties essentielles de protection de la personne humaine expressément prévues par la législation nationale.
La diversion !
Les principaux acteurs continuent les mêmes privilèges, marginalisant le système judiciaire. Ils se retrouvent puissants face à cette nouvelle composition du pouvoir. Qu’il s’agisse du Nord et du Sud. Malgré, les éléments de preuves recevables et suffisants, aucune date n’est précisée pour le jugement des hommes de Kati.
Au nord, nous assistons chaque jour à la libération de combattants des groupes armés. La plus récente a eu lieu le 15 août 2014. Ag Alfousseyni Houka Houka, ancien juge islamiste de Tombouctou, inculpé pour son rôle présumé dans la commission de violations graves des droits humains, a été libéré par les autorités maliennes dans le cadre des négociations politiques en cours entre le gouvernement malien et les groupes armés.
Cette libération politique est une véritable atteinte à l’indépendance de la justice et une violation flagrante des droits des victimes à la justice et à la vérité. Il est absolument nécessaire que la réconciliation et les négociations politiques entamées se poursuivent, mais ni au détriment de la justice ni dans l’oubli des victimes.
Ce personnage important du mouvement islamiste à Tombouctou libéré y dirigeait un tribunal islamique qui a ordonné, entre autres, des amputations, lapidations, flagellations et arrestations arbitraires pendant les dix mois durant lesquels le Nord du Mali était sous le contrôle des groupes islamistes armés.
Mais, le 15 juillet 2014, le gouvernement du Mali a procédé à la libération, sous prétexte méprisable de la réconciliation, puis à l’échange de 42 éléments des groupes armés présumés auteurs de graves violations de droits humains et inculpés par la justice malienne, contre 45 éléments des forces armées et de sécurité capturés par les groupes armés lors des combats du 23 mai 2014 à Kidal.
La réconciliation doit s’appuyer sur la justice pour une paix durable. « Aucune nation, aucun peuple qui a souffert de graves crimes contre l’humanité ne peut prétendre à la réconciliation, à la paix et au développement durable sans une justice saine, équitable et luttant efficacement contre l’impunité », aiment à dire les hommes de droit.
Il revient à l’Etat de prendre sa responsabilité pour veiller à ce que toutes les victimes de violations des droits humains puissent bénéficier de toutes les formes de réparation, y compris des mesures de restitution, d’indemnisation, de réadaptation, de satisfaction et de garanties de non-répétition.
Ces mesures de réparation devront inclure des explications complètes sur les faits survenus et identifier ceux qui en sont responsables afin que les familles puissent savoir ce qui est arrivé à leurs proches. Et les organisations de poser des actes concrets après les rapports pour le respect du droit dans notre pays.
Bréhima Sogoba
Source: L’Indicateur du Renouveau 2014-08-26 15:43:41