SITUATION DANS LE PAYS : Igor critique le bilan d’IBK

Dans un entretien accordé à nos confrères du journal français « Le Point », l’ancien ministre des Finances dresse un bilan qui « n’est honnêtement pas brillant » du quinquennat d’IBK. Morceaux choisis.
Comme le général Moussa Sinko Coulibaly, l’ancien Premier ministre Moussa Mara et autres, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances n’est pas tendre avec le chef de l’Etat. Dans une interview accordée à nos confrères du journal français « Le Point », il souligne d’entrée que « le bilan n’est honnêtement pas brillant : la situation sécuritaire se dégrade et les tensions descendent de plus en plus vers le Sud du pays – les problèmes de gouvernance n’ont jamais été aussi graves et on ne sent aucune quelconque dynamique économique. Il n’y a donc aucun bénéfice concret pour mes concitoyens, que je sens de plus en plus désemparés et désabusés. Dans ce genre de situation, les repères sont brouillés et les schémas habituels de lecture et d’analyse fonctionnent mal ».
« Les partis politiques peuvent-ils encore mobiliser ? Quels seront le rôle et la place des mouvements de la société civile ? Les leaders sont-ils encore audibles ? Honnêtement, je m’interroge et je suis très préoccupé par cette situation. La fonction « paix et développement » est réversible et sans sécurité, il est difficile d’investir à terme ».
Pour celui qui annoncé candidat à la prochaine présidentielle, « c’est très difficile d’inviter les entreprises à venir investir si à quelques kilomètres il y a des bruits de fusil ou des actions terroristes. Il y a des préalables à régler. Maintenant la diplomatie politique cède le pas à la diplomatie économique. Cette dernière est réaliste. La relance économique dépend aussi de la capacité du pays à bien gérer les ressources publiques, on vous a prêté un bon bilan à votre sortie du ministère des Finances, mais on observe que les bons bilans sont souvent noyés du fait de l’instabilité politique. De quoi est-ce le signe, cette incapacité à capitaliser sur des acquis ?
« C’est difficile de créer une véritable relance économique sans stabilité »
C’est difficile de créer une véritable relance économique sans stabilité. Lorsque vous parlez d’instabilité politique, je suppose que vous parlez du manque de continuité de l’Etat, et je partage votre opinion, c’est un vrai problème, pour au moins deux raisons : d’une part, cela ne fait pas progresser le pays car les vrais succès s’obtiennent dans la permanence et dans le temps, d’autre part, on mine la relation entre le citoyen et les services de l’Etat, donc l’espoir de celui-ci dans une vie meilleure.
L’explication mêle sans doute un manque de vue à long terme, une conscience insuffisante de ce que chacun doit à l’Etat, et en particulier les dirigeants, un peu de facilité et de laisser-aller, sans compter les questions de gouvernance ».
Igor souligne qu’ »il existe aujourd’hui au Mali un réel sentiment de trouble et d’inquiétude quant à l’avenir, alors que mon pays est jeune, volontaire et créatif. C’est pourquoi je suis convaincu que la solution, les solutions, devrais-je dire tant les problèmes sont multiples et divers, viendra d’un renouveau du lien entre les citoyens et l’État. Il faut absolument recréer cette connexion, redonner aux gens le sentiment que leur futur est entre leurs mains et que leur engagement sert à construire, et non à porter au pouvoir des gens qui leur tournent le dos sitôt en place ».
« Et pour faire vivre ce nouveau lien, ou sa réactivation, il faut une prise de conscience citoyenne. Il existe aujourd’hui de plus en plus d’initiatives citoyennes : groupes de discussion sur les réseaux, associations, blogs, etc. La prise de parole est dorénavant à la fois plus simple et plus facile. Ces initiatives constituent les forces vives de notre pays, tout simplement parce qu’elles sont l’expression de la jeunesse. À ce seul titre, celles-ci sont légitimes ; mais en plus, on y trouve beaucoup d’idées intéressantes, on y rencontre de nombreux jeunes passionnés, brillants et décidés à faire bouger les lignes. C’est eux qu’il faut écouter, c’est avec eux qu’il faut dialoguer, c’est leur parole qu’il faut prendre en compte, parce que c’est eux qui nous sauveront. Il faut leur faire confiance ».
« Nous n’avons pas d’autres choix que de travailler »
L’ancien ministre rappelle qu’ »il est évident que le développement et le progrès passent par un Etat fort, un Etat présent dans la vie des gens, un État qui leur fournit un cadre leur permettant de s’épanouir et de réguler les conflits. Bon, une fois que l’on a dit cela, on regarde les moyens dont l’Etat dispose pour être présent partout sur le territoire, pour construire écoles et hôpitaux, routes et ponts, barrages et infrastructures de tout ordre, pour assurer la sécurité, etc. Même si je suis convaincu que l’on peut faire beaucoup d’économies budgétaires, mieux percevoir taxes et impôts et mieux utiliser notre argent, il n’en reste pas moins vrai que nos pays restent parmi les plus riches de la planète ».
« Par contre, souligne-t-il, nos pays sont riches d’une jeunesse incroyablement courageuse et résiliente et je pense que l’on peut compenser le manque d’argent par une volonté farouche d’avancer et de construire. Autrement dit, rétablissons, favorisons et encourageons une conscience citoyenne vertueuse et lucide, un état d’esprit positif et volontaire, et je suis certain que les mécanismes qui font avancer la société n’en seront que plus fluides et plus efficaces.
Et, bien entendu, c’est là que l’Etat intervient, en étant lui-même exemplaire, vertueux, lucide et courageux. Nous n’avons pas d’autres choix que de travailler pour cette nouvelle dynamique. En tous cas, j’en suis personnellement absolument convaincu, c’est une nouvelle relation entre Etat et citoyen, une nouvelle connexion qui nous fera construire au Mali un Etat fort, un Etat respecté, un Etat agissant ».
« Les statistiques et les morts nous laissent de plus en plus inquiets »
Son diagnostic sur la situation sécuritaire est totalement négatif. « La situation sécuritaire nous préoccupe et semble nous dépasser. Je ne suis pas un partisan du tout-sécuritaire et le Mali n’aura pas les moyens de sécuriser plus de deux fois la superficie de la France et sept frontières assez longues et distantes. D’ailleurs, ces dépenses sécuritaires nous privent du financement des services sociaux de base indispensables aux populations. Mais il y a un minimum que nous devons créer et sans rentrer dans les détails, le gouvernement auquel j’avais appartenu avait pris des initiatives à équiper davantage nos armées. Ces actions sont en cours de renforcement par un dispositif dit Force G5-Sahel appuyé par la France.et une partie de la communauté internationale. Mais la machine tarde à être lancée et malheureusement les statistiques et les morts nous laissent de plus en plus inquiets. Une chose est sûre, l’Etat est absent d’une partie du Nord et du Centre. Cela ne présage rien de bon. J’espère une plus grande mobilisation de nos partenaires et surtout des pays voisins, qui sont aussi concernés par cette menace ».
Il reconnait enfin que « le Mali profite de son or mais pas assez, car on n’y gagne qu’une modeste partie. Nous sommes en position de faiblesse car les investissements sont étrangers. En plus nous n’avons ni l’expertise ni les moyens d’exploiter nous-mêmes. Ce qui m’inquiète avec la fermeture des mines les plus anciennes, c’est le problème et les conséquences environnementales sur les populations. Nous devons revoir encore certains aspects. Il en est de même du contrôle et de la surveillance du secteur qui sont très empiriques ». Un état des lieux très négatif qui traduit le divorce entre le président de la République et son ancien ministre des Finances qui risque d’être un de ses principaux détracteurs lors de la prochaine présidentielle.
« Un réel sentiment de trouble et d’inquiétude »
Mamadou Igor Diarra souligne qu’ »il existe aujourd’hui au Mali un réel sentiment de trouble et d’inquiétude quant à l’avenir, alors que mon pays est jeune, volontaire et créatif. C’est pourquoi je suis convaincu que la solution, les solutions, devrais-je dire tant les problèmes sont multiples et divers, viendra d’un renouveau du lien entre les citoyens et l’Etat. Il faut absolument recréer cette connexion, redonner aux gens le sentiment que leur futur est entre leurs mains et que leur engagement sert à construire, et non à porter au pouvoir des gens qui leur tournent le dos sitôt en place ».
« Et pour faire vivre ce nouveau lien, ou sa réactivation, il faut une prise de conscience citoyenne. Il existe aujourd’hui de plus en plus d’initiatives citoyennes : groupes de discussion sur les réseaux, associations, blogs, etc. La prise de parole est dorénavant à la fois plus simple et plus facile. Ces initiatives constituent les forces vives de notre pays, tout simplement parce qu’elles sont l’expression de la jeunesse. À ce seul titre, celles-ci sont légitimes ; mais en plus, on y trouve beaucoup d’idées intéressantes, on y rencontre de nombreux jeunes passionnés, brillants et décidés à faire bouger les lignes. C’est eux qu’il faut écouter, c’est avec eux qu’il faut dialoguer, c’est leur parole qu’il faut prendre en compte, parce que c’est eux qui nous sauveront. Il faut leur faire confiance ».
« Le développement et le progrès passent par un Etat fort »
Il explique qu’ »il est évident que le développement et le progrès passent par un Etat fort, un Etat présent dans la vie des gens, un Etat qui leur fournit un cadre leur permettant de s’épanouir et de réguler les conflits. Bon, une fois que l’on a dit cela, on regarde les moyens dont l’Etat dispose pour être présent partout sur le territoire, pour construire écoles et hôpitaux, routes et ponts, barrages et infrastructures de tout ordre, pour assurer la sécurité, etc. Même si je suis convaincu que l’on peut faire beaucoup d’économies budgétaires, mieux percevoir taxes et impôts et mieux utiliser notre argent, il n’en reste pas moins vrai que nos pays restent parmi les plus riches de la planète.
Par contre, nos pays sont riches d’une jeunesse incroyablement courageuse et résiliente et je pense que l’on peut compenser le manque d’argent par une volonté farouche d’avancer et de construire. Autrement dit, rétablissons, favorisons et encourageons une conscience citoyenne vertueuse et lucide, un état d’esprit positif et volontaire, et je suis certain que les mécanismes qui font avancer la société n’en seront que plus fluides et plus efficaces ».
« Et, bien entendu, c’est là que l’Etat intervient, en étant lui-même exemplaire, vertueux, lucide et courageux. Nous n’avons pas d’autres choix que de travailler pour cette nouvelle dynamique. En tous cas, j’en suis personnellement absolument convaincu, c’est une nouvelle relation entre Etat et citoyen, une nouvelle connexion qui nous fera construire au Mali un État fort, un Etat respecté, un Etat agissant », conclura-t-il.
Rassemblés par M. D.
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