L’objectif de la conférence de presse était de faire le point de la situation alimentaire dans les pays du CILSS. Il faut signaler cette organisation régionale, dont le siège se trouve à Ouagadougou, compte désormais 10 membres. En effet, lors de sa dernière réunion ministérielle qui s’est tenue en novembre dernier à Nouakchott, la Guinée Conakry a rejoint le groupe des pays membres. Le CILSS regroupe donc désormais le Burkina Faso, le Cap Vert, la Gambie, la Guinée Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad et la Guinée Conakry.
Depuis sa création en 1973 à la suite de la grande sécheresse qui a frappé les pays sahéliens, le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel s’est fixé comme mission de promouvoir la sécurité alimentaire dans les pays membres. Il produit des informations de synthèse des pays sur les productions agricoles, émet des avis et fait des recommandations sur les situations alimentaires des pays membres. Les institutions rattachées comme l’INSAH, le centre agrohydrométéorologique (Agrhymet) basé à Niamey, publient de façon régulière des informations sur les différentes situations agricoles, la dynamique de la population et des bulletins météorologiques sur les tenants et aboutissants de la campagne agricole. A la fin de la campagne agricole, le CILSS fait la synthèse des situations et publie un avis sur l’état de la saison et des productions agricoles, pastorales et des disponibilités de céréales dans l’espace CILSS. Le secrétaire exécutif du CILSS, Alhousséini Bretaudeau, a sacrifié à cet exercice, mardi, et jugé que la situation alimentaire, à l’exception de la Guinée Conakry, est préoccupante, mais pas catastrophique dans l’espace CILSS. La production céréalière est déficitaire de 25 à 30% de façon globale.
Les pays du CILSS (hors Guinée Conakry) ont produit globalement 16,6 millions de tonnes de céréales au cours de cette campagne. Toutefois, a encore précisé Alhousséini Bretaudeau, la campagne précédente (2010-2011) avait été exceptionnellement bonne dans l’espace CILSS. Certains pays de l’Afrique de l’ouest ont également enregistré de bonnes récoltes. Ces disponibilités encouragent les responsables du CILSS à penser que l’espace CILSS ne court vers aucune catastrophe d’ordre alimentaire. Toutefois, reconnaît le secrétaire exécutif, certains pays ou zones agricoles ont connu des déficits qui peuvent être largement compensés par le jeu des échanges inter-régions.
UNE MAUVAISE PRODUCTION DE BIOMASSE.
Le réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA) sur la situation agricole et les perspectives alimentaires au Sahel et en Afrique de l’ouest, a produit un communiqué à l’issue de sa 27è réunion qui s’est tenue en décembre à Praia au Cap Vert sous l’égide du CILSS. Ce communiqué souligne que le Tchad et la Mauritanie enregistrent de fortes baisses de leurs productions respectivement de 23% et 38%. Les poches de mauvaise production agro-pastorale et halieutique concernent notamment toute la bande sahélienne au Tchad, la zone agro-pastorale de la Mauritanie, le nord des régions de Kayes et Koulikoro et le Delta du fleuve Niger au Mali, le nord, centre nord et est du Burkina Faso, les régions de Niamey, Tillabéry, sud-est de Zinder au Niger et certaines zones localisées du Sénégal et de la Gambie. Toutefois, une mauvaise production de biomasse a été enregistrée dans toute la bande pastorale du Sahel à part le Gourma, la zone de Dakoro (Niger) et les îles du lac Tchad, ainsi qu’un faible taux de remplissage des points d’eau de surface. Une transhumance précoce est observée en Mauritanie et au Tchad et des changements de parcours du Mali vers le Burkina Faso. Globalement, le Sahel enregistre, sans tenir compte des importations, un déficit céréalier brut de 2,5 millions de tonnes.
Par contre, certains pays du Golfe de Guinée (Ghana, Togo, Nigeria et Bénin), avec un bon niveau de production, dégagent un surplus de maïs qui pourrait être exporté vers les régions sahéliennes déficitaires. Par ailleurs, le niveau de production du manioc (80 millions de tonnes) et d’igname (53 millions de tonnes) reste important. Ces données font dire au secrétaire exécutif du CILSS que les pays sahéliens peuvent se passer des importations massives et coûteuses de céréales, notamment du riz étranger hors d’Afrique, pour juguler la crise alimentaire. Les disponibilités sont cependant mal réparties dans la région sahélienne et imposent qu’une plus grande attention soit portée au marché. Le Pr Alhousséini Bretaudeau préconise ainsi de préserver la poursuite des échanges transfrontaliers de céréales afin de permettre au commerce régional de jouer son rôle régulateur et d’éviter la hausse des prix dans les zones déficitaires. Actuellement, les prix des céréales sèches demeurent anormalement élevés par rapport à leur tendance saisonnière et vont probablement continuer à augmenter dans les mois à venir, prévoit le réseau de prévention des crises alimentaires du CILSS.
Le niveau élevé des prix des denrées alimentaires et la baisse des revenus des populations dans les zones pastorales et agro-pastorales, en particulier au Tchad, en Mauritanie, au Niger, au Burkina Faso et au Mali entraînent déjà une précarité alimentaire par endroits. Dans ces zones, les ménages vulnérables ne pourront ni préserver leurs moyens de production, ni s’assurer d’une consommation alimentaire adéquate. Dans un contexte de vulnérabilité chronique à l’insécurité alimentaire, cette situation fragilisera davantage leur capacité à résister à des chocs futurs.
Les difficultés alimentaires en perspective ne feront qu’aggraver la situation nutritionnelle déjà précaire dans la région. Lors de la dernière période de soudure, la prévalence de la malnutrition aiguë globale était proche ou au-delà du seuil critique en particulier dans les régions de Tillabéry et Diffa au Niger, Tombouctou au Mali, Matam au Sénégal, Brakna, Gorgol, Guidimaka, Assaba et Hodh El Chargui en Mauritanie et dans la bande sahélienne au Tchad.
PRIORITE AUX POPULATIONS VULNERABLES.
Le secrétaire exécutif du CILSS a salué les efforts du gouvernement malien qui a entamé les actions de distribution gratuite de céréales aux communautés vulnérables dans 104 communes par le canal du Commissariat à la sécurité alimentaire. Il a également salué les mesures d’atténuation de la crise alimentaire comme les dispositions prises par les pouvoirs publics pour approvisionner les producteurs en semences de contre-saison, de maraîchage, le programme de production de pomme de terre dans les zones de l’Office du Niger. Ce sont autant d’actions pour soulager la souffrance des populations vulnérables. Alhousséini Bretaudeau a également préconisé le développement de l’agriculture irriguée de contre-saison dans les pays sahéliens. Il a souligné à ce propos, le cas du Mali, où cette action est inscrite dans les programmes agricoles (PDES, LOA), où des aménagements importants sont réalisés ou sont en cours dans les zones de production agricole notamment là où existent des bas-fonds.
Le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel attire également l’attention des autorités sahéliennes sur la situation nutritionnelle vulnérable des populations réfugiées, déplacées fuyant les zones de conflit. L’organisation régionale a recommandé aux Etats sahéliens de conduire des enquêtes afin d’affiner le ciblage des populations vulnérables et de proposer des réponses appropriées, de développer les cultures de contre-saison partout où la possibilité existe, d’appuyer les éleveurs en aliment bétail, faciliter la transhumance, encourager le déstockage des animaux dans les zones à déficit fourrager élevé et réhabiliter les points d’eau.
L’organisation régionale incite les Etats membres à coordonner les actions de reconstitution des stocks nationaux de sécurité alimentaire, afin d’éviter la concentration des achats locaux, à anticiper les pics de malnutrition aiguë dans les zones à risque en renforçant les dispositifs de prévention et de prise en charge. Elle préconise la prise de mesures structurelles visant à apporter des réponses durables de long terme à l’insécurité alimentaire. Elle recommande enfin aux organisations régionales sœurs comme l’Union économique monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) de s’impliquer davantage dans le financement durable des dispositifs nationaux et régionaux d’information sur la sécurité alimentaire, de veiller à l’application des textes règlementaires notamment la libre circulation des personnes et des biens et le respect de la charte de prévention et de gestion des crises alimentaires et d’accélérer la mise en place de la réserve alimentaire régionale.
Essor lundi 30 janvier 2012, par Moriba Coulibaly