Le coût du transport est de 5000 Fcfa par personne. Donc nous pouvons gagner entre 90.000 et 100.000 Fcfa par voyage», confie un conducteur de pick-up.
Ils sont nombreux les transporteurs comme lui à tirer leur épingle du jeu, à travers cette nouvelle activité. Une véritable économie s’est créée autour du business de l’orpaillage.
Située à 90 km de Gao, dans l’anonymat total, il y a moins d’un an.
Mais avec la récente découverte de son potentiel aurifère, elle attire irrésistiblement des milliers d’orpailleurs.
Le métal précieux brille pour beaucoup de personnes dans la chaine de cette économie.
Les groupes armés font partie des principaux acteurs de cette nouvelle industrie. Ils demandent aux voyageurs de payer entre 2000 et 2500 Fcfa.
L’entrée du site est sécurisée par un groupe de jeunes armés. Après le contrôle des pièces d’identité, la règle est simple : 2000 Fcfa pour les Maliens et 5000 Fcfa pour les étrangers. C’est le seul moyen pour bénéficier d’un ticket d’entrée et de séjour délivré par une commission mixte, formée par des éléments de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) et de la Plateforme.
La même opération est effectuée pour sortir du site.
Les propriétaires de pick-up font de bonnes affaires
Dans cet îlot d’insécurité, bon nombre d’Africains de la sous-région affluent et se retrouvent sous les ordres des rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad et de la plate forme qui règnent en maitres.
Cette exploitation artisanale de l’or par des locaux, des étrangers, voire des djihadistes, dans la région de Gao, est problématique pour le gouvernement, car les exploitants artisanaux ne sont pas dans l’obligation de divulguer la quantité d’or qu’ils produisent, ce qui représente en matière de taxes et d’impôts un manque à gagner conséquent pour l’État.
Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, un boom aurifère suscite la convoitise croissante de divers groupes armés. Les forces de sécurité peinent à contrôler les zones d’orpaillage dans des régions délaissées et parfois même abandonnées par l’Etat.
Des groupes armés, dont des jihadistes, trouvent dans l’exploitation aurifère artisanale une nouvelle source de financement, voire un terrain de recrutement. Sans régulation du secteur, cela risque d’alimenter la violence au Sahel central.
Le boom du secteur aurifère artisanal menace les Etats du Sahel central par d’autres aspects. Les enjeux financiers associés à l’exploitation aurifère artisanale sont devenus considérables ces dernières années. Cela a conduit à la formation de réseaux commerciaux locaux, régionaux et internationaux informels spécifiques. Ceux-ci peuvent contribuer au financement de groupes armés et/ou du terrorisme et à une augmentation du blanchiment d’argent dans la région en raison de l’immixtion de trafiquants dans l’économie aurifère artisanale.
Outre des problématiques sociales, environnementales et de gouvernance politique majeures, déjà couvertes par la littérature, l’exploitation aurifère artisanale suscite au Mali, au Burkina Faso et au Niger de nouvelles préoccupations sécuritaires. Ces trois pays constituent l’épicentre de l’insécurité dans la région sahélienne, et la plupart des récentes découvertes aurifères sont survenues dans des zones où les Etats sont historiquement peu présents ou dont ils se sont retirés en raison de l’insécurité croissante. Ils ne disposent donc pas des ressources humaines et techniques suffisantes pour encadrer une activité de cette envergure. Cela profite à divers acteurs armés (groupes d’autodéfense, bandits, trafiquants, groupes rebelles, jihadistes) qui tantôt contestent l’Etat, tantôt coopèrent avec lui et sont les dépositaires informels de l’autorité publique.
Ces enjeux sécuritaires ont pris une nouvelle dimension depuis 2016. Les plus récentes découvertes aurifères au Sahel (comme à Gao) couplées à l’implantation nouvelle de groupes armés dans des zones où l’or était déjà exploité. Les sites miniers artisanaux deviennent pour eux une source de financement mais aussi un lieu de recrutement. L’or nourrit aussi les circuits internationaux de blanchiment d’argent. Au nord du Niger et du Mali, un certain nombre de grands entrepreneurs de l’orpaillage artisanal étaient pour ceux qui se sont reconvertis ou sont encore, des acteurs majeurs du narcotrafic. Ainsi les trafiquants achètent fréquemment l’or au-dessus du prix du marché, puis l’exportent via des circuits de contrebande. De tels schémas de blanchiment via l’or existent ailleurs dans le monde.
Mahamadou YATTARA