Les députés désormais face à l’histoire et au peuple malien
C’est au moment où le commun des mortels s’indigne de la rocambolesque et controversée affaire d’achat des hélicoptères défectueux que ceux qui sont censés défendre les populations s’emmurent dans un silence assourdissant et incompréhensible. Les élus de la Nation, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, n’ont jusque-là pas éprouvé le moindre sentiment d’indignation à fortiori envisagé une quelconque commission d’enquête parlementaire, toute chose qui relève de leurs prérogatives. Pourquoi le silence des députés face à ce qui s’apparente à l’arnaque du peuple ? Protègeraient-ils des complices en leur sein ? Pourraient-ils compter encore sur leurs électeurs après les avoir trahi ?
Les hommes qui ont marqué l’histoire de leur époque l’ont fait souvent avec un seul acte. Pourquoi les députés maliens ne peuvent-ils pas s’inspirer des bons exemples à travers le monde pour rentrer dans l’histoire ? Ils ont une occasion idoine d’inscrire leurs noms en lettres d’or dans les annales de notre histoire démocratique en proposant la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, comme cela sied, dans toutes les grandes démocraties surtout quand il s’agit de défendre les intérêts du peuple, pour élucider cette affaire d’hélicoptères acquis à prix d’or, mais cloués au sol faute de maintenance appropriée. Cet énième scandale défraie non seulement la chronique au Mali, mais aussi et surtout, a fini par jeter le discrédit sur le pays qui cherche depuis 2012 sa voie de sortie de crise.
Les députés dont le mandat est arrivé à terme depuis le 30 décembre 2018, donc souffrant de réelle illégitimité, donneront raison à ceux qui ne veulent pas entendre parler d’eux, tout comme ceux qui pensent que notre hémicycle est une caisse de résonnance. Ils doivent prouver à leurs électeurs et au peuple malien qu’on pourrait encore leur faire confiance. La commission d’enquête parlementaire demandée par beaucoup d’acteurs politiques et même des leaders de la société civile, serait une manière de redorer leur blason, et une occasion toute trouvée pour se rapprocher des électeurs qui semblent déjà faits leur religion. Pour le malien lambda, les députés de notre Assemblée Nationale sont, dans leur écrasante majorité, des affairistes, plus préoccupés à faire avancer leurs propres affaires plutôt que de servir leur nation. Certains sont même cités dans des affaires, d’autres ont tout simplement mis à profit leur mandat pour faire pousser d’autres ailes dans le business. Les députés maliens ne jouissant ni légitimité, ni même légalité aux yeux de nombreux citoyens ont une nouvelle occasion d’embellir leur image écornée et d’écrire une nouvelle page de l’histoire de notre démocratie en mettant en place une commission d’enquête parlementaire et en rendant publique les résultats de leurs enquêtes et exiger du ministre de la justice l’ouverture d’un procès contre les responsables de cette arnaque.
En somme, Issiaka Sidibé, le Président de l’Assemblée Nationale et ses collègues députés, sont désormais interpellés devant l’histoire et le peuple malien ; face à ce qu’il convient d’appeler l’arnaque du siècle au Mali. Ils ont une opportunité, si ce n’est d’ailleurs la dernière, de démentir toutes les allégations tendant à les incriminer dans des affaires aussi sulfureuses qu’éhontées pour des élus de la Nation qu’ils sont et à faire d’eux des hommes d’affaires plutôt que des défenseurs des intérêts publics. Ils doivent prendre leurs responsabilités pour être dignes de confiance. La démocratie malienne acquise au prix du sang et citée parmi les plus vivantes de la sous-région tombera-t-elle dans des travers à cause de l’irresponsabilité de ceux qui sont chargés de la protéger ? Le Mali mérite-t-il une telle humiliation en devenant la risée du monde ?
Youssouf Sissoko